La Commission européenne travaille sur un emprunt commun pour soutenir l’Ukraine
La Commission européenne envisage une nouvelle émission conjointe de dette par le bloc des Vingt-Sept afin de combler le déficit de liquidités de l’Ukraine, qui s’élève à 15 milliards d’euros, au cours des trois prochains mois, selon deux responsables de l’Union européenne (UE) cités par Reuters.
Une proposition de la Commission doit être publiée le 18 mai, a déclaré un fonctionnaire européen. Le nouvel emprunt commun de l’UE, s’il est approuvé, pourrait être basé sur le système SURE déjà mis en place pour le financement des allocations de chômage pendant la pandémie de Covid-19, ont déclaré les responsables.
La position des Etats-Unis attendue
Cela signifierait que l’Ukraine obtiendrait des prêts très bon marché de l’Union européenne (UE). Les gouvernements de l’UE devraient garantir que les emprunts communs seront remboursés. « C’est l’un des modèles envisagés, mais rien n’a encore été décidé », a déclaré un haut fonctionnaire européen.
L’UE s’attend à ce que les Etats-Unis se joignent à cette opération et fournissent environ 5 milliards d’euros, ce qui laisserait à l’UE la responsabilité de lever quelque 10 milliards d’euros par le biais de l’emprunt commun. L’idée sera discutée du 18 au 20 mai à Bonn lors de la réunion des ministres des Finances des pays membres du G7.
La guerre vendue en shampooing
La guerre contre l’Irak a représenté une formidable bataille idéologique, dans laquelle la Maison-Blanche a utilisé des techniques de marketing sophistiquées, souvent avec l’aide de prestigieuses entreprises de relations publiques.
On s’en doutait, bien sûr. Mais rarement la chose a été aussi bien documentée que dans cet ouvrage qui vient de paraître en français, Une arme de persuasion massive/De la propagande dans la guerre de Bush en Irak, publié l’automne dernier aux États-Unis, et en français récemment chez Le Pré au Clercs. Les deux auteurs, Sheldon Rampton et John Stauber, travaillent pour le Center for Media and Democracy, un organisme créé en 1993 pour enquêter sur les propagandes gouvernementales et le discours médiatique. Ce centre se spécialise particulièrement dans l’analyse des stratégies des grandes entreprises de relations publiques.
On a beaucoup écrit sur l’expérience des journalistes intégrés dans les unités militaires lors de la guerre en Irak, ou encore sur l’hyper-patriotisme de certains médias américains. Rampton et Stauber en parlent, sans que leurs propos ne soient nécessairement très marquants. L’intérêt de leur livre est ailleurs, dans le décryptage des stratégies gouvernementales pour conditionner l’opinion publique avant le déclenchement de la guerre.
Ainsi, dès 1997 (trois ans avant l’élection de Bush), un groupe de néo-conservateurs dirigé par William Bennet, rédacteur en chef du Weekly Standard (propriété de Rupert Murdoch), avait créé le Project for the New American Century, qui avait pour but de « durcir » la politique américaine envers l’Irak, et qui a fait pression sur le Congrès pour octroyer 100 millions de dollars aux opposants irakiens. Le groupe comprenait des gens comme Dick Cheney, l’éditeur Steve Forbes, Donald Rumsfeld, l’auteur Francis Fukuyama.
Il faut rappeler que, quelques mois après la guerre du Golfe de 1991, Bush le père avait demandé à la CIA de chasser Saddam Hussein du pouvoir, et l’organisme avait engagé John Rendon, un conseiller en relations publiques, pour travailler à ce dossier. Le même Rendon obtenait à l’automne 2001 un contrat de 400 000 $ pour orchestrer la propagande afin de préparer l’intervention en Afghanistan.
Le cas le plus connu du marketing de guerre est celui de Charlotte Beers, grande prêtresse du marketing aux États-Unis, qui avait dirigé deux grandes agences et qui comptait, parmi ses titres de gloire, le lancement du riz Uncle Ben’s et des shampooings Head & Shoulders ! Nommée à un poste de sous-secrétaire d’État par l’administration Bush, elle a créé des campagnes de publicité, des sites internet, des shows télévisés, a organisé des rencontres avec des leaders arabes, pour tenter d’influencer l’opinion et de vendre les États-Unis au Moyen-Orient comme une « marque » représentant la liberté. Colin Powell avait lui-même déclaré lors de son embauche qu’il fallait « faire de notre politique étrangère une véritable marque ».
Remarquez que ce n’est pas seulement la Maison- Blanche qui pensait en termes de marketing. Trois jours après le 11 septembre 2001, c’est le royaume d’Arabie saoudite qui signait un contrat avec le géant de la communication Burson-Marsteller pour recevoir des conseils en gestion de crise (la presque totalité des terroristes du 11 septembre étaient saoudiens, ce qui présentait mal…). Et une autre agence, Quorvis Communications, recevait 20 millions du même royaume pour faire interviewer des représentants saoudiens par des journalistes-vedettes des médias américains.
Et ça continue comme ça pendant des pages. Pour préparer l’intervention contre l’Irak plusieurs organismes soutenus par le pouvoir politique faisaient affaire avec Benador Associates, une puissante société de relations publiques qui se spécialisait dans le placement d’experts du Moyen Orient et du terrorisme dans tous les médias, des experts évidemment en faveur de la guerre. Les auteurs font remarquer qu’on les voyait partout alors que les médias semblaient ignorer les 1400 spécialistes indépendants du Moyen-Orient dans les universités américaines, qu’on imagine plus nuancés. Des organisations pacifistes découragées ont même tenté d’acheter de la publicité commerciale dans les grands réseaux de télévision pour se faire entendre, ce qui leur fut refusé par les réseaux.
Cet ouvrage porte aussi une leçon forte. Si le conditionnement à la guerre a semblé fonctionner aux États-Unis, toutes les campagnes de relations publiques pour améliorer l’image des États-Unis au Moyen-Orient ont échoué. Pourquoi ? Le message véhiculé par cette armée de consultants n’était pas forcément faux, écrivent les auteurs. Mais il n’abordait jamais le cœur du ressentiment musulman envers les États-Unis, soit le conflit israélo-palestinien et le passé des interventions américaines dans la région. Comme le dit un professionnel de la publicité cité dans l’ouvrage, et qui semble plus lucide que les autres, « l’opinion islamique est davantage influencée par ce que les États-Unis font que par tout ce qu’ils peuvent dire ».
Paul CAUCHON paru sur LeDevoir.com
Sheldon Rampton et John Stauber : « Une arme de persuasion massive – De la propagande dans la guerre de Bush en Irak »