Geopolintel

Victor Bout

par Jean-Michel Vernochet

jeudi 8 décembre 2022

Première partie

Victor Bout, légende vivante du trafic d’armes sans frontières depuis la fin des années 90, avait été arrêté le 6 mars 2008 en Thaïlande à la suite de poursuites engagées par l’Administration américaine pour « conspiration en vu de soutenir les FARC, organisation elle-même objet de sanctions…et conjuration en vue d’assassinats de citoyens américains »…

Piégé dans un hôtel de Bangkok par des agents américains de la Drug Enforcement Administration (DEA) se faisant passer pour des cadres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) mandatés pour acheter des armes, notamment des missiles antiaériens portables [1], V. Bout attend depuis cette date, toujours derrière les barreaux, que la justice thaïlandaise statue sur son cas.

Car les péripéties s’enchaînent depuis août 2009, et un premier rejet par la cour criminelle de Bangkok de la demande d’extradition de V. Bout accusé au premier chef par l’Administration américaine de soutenir le terrorisme par des ventes d’armes illicites.
En août dernier, une cour d’appel annule la décision de la cour criminelle permettant ainsi d’engager la procédure d’extradition ; celle-ci est cependant reportée au motif que le prévenu fait l’objet d’une seconde requête américaine en extradition (déposée au commencement de 2010 afin de doubler la première pour le cas où celle-ci ne pourrait aboutir), cette fois pour blanchiment d’argent et escroquerie.
Le rejet de la demande américaine est confirmé le 4 octobre en s’appuyant en outre sur plusieurs autres dispositions de la loi interne thaï (voir infra Chronologie). Pourtant, par un nouveau tour de passe-passe, le 5 octobre dernier, la cour criminelle annule cette décision en se déclarant incompétente à juger de la deuxième demande américaine, considérant de ce fait que l’obstacle juridique majeur ayant été levé, dès lors rien ne s’oppose plus à l’extradition et prononce un arrêt en ce sens.

Reste que, derrière ces allers-retours, un étrange ping-pong diplomatique oppose Moscou et Washington pour le plus grand embarras des autorités thaï écartelées entre les amicales exigences du grand allié américain et celle de cet important partenaire commercial et stratégique qu’est la Russie…
Le Premier ministre thaï, M. Abhisit Vejjajiva, a d’ailleurs du mal à dissimuler l’embarras de son gouvernement quant à cette épineuse affaire : « Nous devons prendre en compte les problèmes de coopération, de relations internationales et d’intérêt national concernés par ce dossier » ; en déplacement à New-York, le chef du gouvernement thaï était allé jusqu’à suggérer que les États-Unis s’entretiennent de la question « directement avec le Kremlin ».

Après la chute du mur de Berlin, V. Bout devient très vite un personnage pivot du trafic d’armes qui suit, dans ses méthodes et son étendue, la globalisation des marchés. Très vite également, il s’avère que l’homme d’affaires russe reste insaisissable par la justice internationale et américaine qui se met lentement en branle mais dont l’étau se resserre malgré tout peu à peu au cours de la dernière décennie. Notons que les efforts de la justice américaine ont, pour leur part, longtemps été contrariés par les intérêts divergents du Pentagone et les besoins logistiques de l’armée sur les différents théâtres d’opération où les États-Unis sont à la peine.

Or, V. Bout est réputé avoir alimenté toutes les guerres ayant ravagé l’Afrique et l’Orient, de l’Angola à l’Irak via l’Afghanistan (voir seconde partie : portrait biographique). Poursuivi par Interpol mais protégé en sous-main par ses employeurs étatiques au premier rang desquels les É-U et la Grande-Bretagne (et la Fédération de Russie), Victor Bout est finalement lâché par ses anciens commanditaires, l’une des raisons pour lesquelles il eut dû normalement être extradé vers les États-Unis après presque deux années passées dans la prison de Remand à Bangkok.

Mais la première décision d’extradition avait suscité en août dernier de vives critiques à Moscou et s’était aussitôt heurtée à une mobilisation diplomatique de la part du gouvernement russe estimant que les motivations américaines dans cette affaire seraient avant tout politiques. Ainsi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Andreï Nesterenko, jugeait-il totalement inadmissibles les pressions exercées par Washington sur le gouvernement et les autorités judiciaires thaïlandaises dans le but d’extrader vers les États-Unis un citoyen de la Fédération de Russie.

À cet égard Moscou a multiplié les démarches pour faire annuler l’extradition, en raison semble-t-il – c’est là l’unique argument avancé par les analystes et relayé par les médias - de révélations gênantes que pourrait faire V. Bout une fois rendu sur le sol américain (voir infra 1 ). Révélations ayant trait aux ventes des armes sorties sans restriction de l’ex espace soviétique après 1991 et l’effondrement du régime communiste. Révélations que pourrait faire Victor Bout lors d’un procès aux États-Unis : risquant la prison à vie, sa condamnation pourrait sans doute faire l’objet d’aménagements en contrepartie d’une coopération avec les autorités judiciaires et politiques américaines. Chacun sait en effet qu’aux Etats-Unis nombre de jugements, importants ou pas, sont assez souvent négociés…

On mesure finalement les enjeux politiques et/ou géopolitiques aux moyens d’incitations qui ont vraisemblablement été mises en œuvre pour obtenir des autorités thaï l’extradition de V. Bout ou, a contrario, pour la bloquer. À cet effet, le Département d’État américain aurait proposé aux Thaïlandais trois hélicoptères Sikorsky UH-60 Black Hawk d’une valeur unitaire d’environ 130 millions de $, logistique comprise ; de plus, requérant les alliés - et au premier chef, la France – afin qu’ils interviennent discrètement mais fermement auprès de Bangkok en vue de finaliser au plus tôt la procédure d’extradition.

De son côté Moscou, dont le « bargaining power » se situe objectivement en décalage asymétrique par rapport à celui du département d’État, a d’abord lancé une campagne médiatique et juridique pour bloquer l’extradition. L’un des ténors du barreau de Bangkok, Lak Nittiwattanawichan, a été chargé des intérêts de la famille Bout et au-delà, bien entendu, de ceux du gouvernement russe. Celui-ci aurait aussi jeté dans le plateau de la balance de possibles ventes à la Thaïlande d’hydrocarbures à prix cassés. Au plan diplomatique, le Kremlin a également suggéré à haute voix que l’affaire pourrait avoir des conséquences négatives sur les relations russo-américaines : « Cette affaire est un geste injuste et inamical initié par les Etats-Unis ... lequel pourrait affecter les relations russo-américaines au détriment de l’actuel effort de la Maison Blanche pour les relancer » déclare ainsi le porte-parole de Sergueï Lavrov !

Reste que la montée au créneau de part et d’autre, des plus hautes autorités russes et américaines indique sans équivoque l’importance, pour les uns comme pour les autres, du dossier dont les enjeux véritables dépassent évidemment la personne de V. Bout… Ne dit-on pas que l’Administration américaine avait dépêché à Bangkok pour en « exfiltrer » V. Bout, rien moins qu’un commando d’élite fort d’une cinquantaine d’hommes à bord d’un appareil de l’US Air Force ? Retenons ici que les coups de théâtre se succèdent à Bangkok mettant en lumière les péripéties d’un certain « bras de fer » entre Washington à Moscou, d’abord à propos de V. Bout lui-même, homme d’affaires pour les uns, trafiquant international pour les autres, mais ensuite et surtout des rivalités d’ordre géopolitique que l’on croyait – à tort - disparue avec la fin de la Guerre Froide.

Cependant la dimension géopolitique du dossier V. Bout n’est pas un fait nouveau car les pressions plus ou moins amicales que le gouvernement thaïlandais subit actuellement sont allées en croissant ces deux dernières années. Mais la Thaïlande n’est pas la seule à faire l’objet d’ingérences à propos de ventes d’armes illicites en provenance de l’ex glacis soviétique afin d’alimenter des guerres ou des guérillas.

Retenons ainsi, pour prendre ce seul exemple, que le 30 octobre 2006, entre les deux tours des élections présidentielles en République Démocratique du Congo, Georges Bush avait fait geler les avoirs de sept personnalités qui, selon l’administration américaine, avaient contribué à freiner l’évolution du Congo « vers plus de stabilisation ». En clair, ces personnalités étaient accusées de contrecarrer le désarmement des milices toujours actives en 2010 au Sud-Kivu, de violer les lois internationales sur la protection des enfants en zones de conflit et de transgresser l’embargo des Nations Unies sur les armes. Victor Bout se trouvait alors en tête de cette liste de proscription [2]. Un épisode à relier à l’actuel procès de Charles Taylor, ancien président du Liberia, jugé à La Haye pour son rôle dans la guerre civile du Sierra Leone entre 1991 et 2001 et les 120 000 morts qui lui sont imputés, dont les « diamants de sang » ont servi de monnaie d’échange pour ses approvisionnements en armes [voir infra « Blood diamonds » *]… Il n’en reste pas moins que, peu ou prou, les droits de l’homme sont ici – de toute évidence - mis au service ou servent de caution morale à l’exercice du «  smart power » [3] lequel constitue la doctrine d’action de la diplomatie armée mise en œuvre par les États-Unis dans ses relations avec le Sud comme avec ce rival permanent qu’est la Russie.

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Chronologie des derniers épisodes de la « saga V. Bout »

Résumé :

En août 2009, la cour criminelle de Bangkok rejette la demande d’extradition de V. Bout vers les É-U, celui-ci étant accusé par l’Administration américaine de soutenir le terrorisme au moyen de ventes d’armes illicites. En août dernier, une cour d’appel annule cette décision de la cour criminelle ce qui permet d’engager à nouveau la procédure d’extradition. Celle-ci est cependant reportée au motif que le prévenu fait l’objet d’une seconde requête en extradition pour blanchiment d’argent et escroquerie, rejet confirmé le 4 octobre et adossé sur plusieurs autres dispositions de la loi interne thaï. Mais par un tour de passe-passe, le 5 octobre dernier, la cour criminelle ayant rejeté la deuxième demande américaine et considérant que l’obstacle juridique majeur a été levé, prononce un arrêt autorisant le départ de V. Bout vers les É-U…

• Un an et cinq mois après son arrestation, 6 mars 2008, mardi 11 août 2009 V. Bout voit la demande d’extradition présentée par les États-Unis rejetée par la justice thaïlandaise, la cour criminelle estimant qu’elle « n’a pas autorité pour sanctionner des actions commises par des étrangers contre d’autres étrangers dans un autre pays » d’autant que « les FARC, certes placées sur une liste d’organisations terroristes par les Nations unies et les États-Unis, ne le sont pas pour la Thaïlande laquelle considère en conséquence cette guérilla comme un mouvement politique ». Décision inattendue à Washington, l’ambassade américaine de Bangkok se déclare alors « déçue et intriguée » par ce rejet. La cour sursoit cependant soixante-douze heures à la libération du détenu, délai prévu pour un éventuel appel de l’avocat général.

• En décembre 2009, la police thaïlandaise arrête quatre Kazakhs et un Bélarusse à l’aéroport des lignes intérieures de Bangkok alors qu’ils acheminaient depuis la Corée du Nord un avion cargo chargé de 35 tonnes d’armes de guerre, cela en violation de l’embargo des Nations Unies. En février 2010, sans barguigner les cinq hommes avaient été expulsés c’est-à-dire sans procès ni tapage.
• Le 20 août 2010 après plus d’un an d’atermoiement, la justice thaïlandaise du pays décide de l’extradition de Victor Bout vers les États-Unis sachant que la procédure prévue n’aboutirait qu’au bout de trois mois. Dix jours plus tard celui-ci interjetait appel de cet arrêt arguant de la partialité attendue d’un procès sur le territoire des États-Unis et du caractère « politique » des poursuites engagées contre lui et non « criminel » comme la décision de justice les qualifie.
Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, dénonce aussitôt dans un communiqué l’éventuelle extradition : « Nous déplorons cette [...] décision illégale et politique  » évoquant de «  très fortes pressions extérieure » et réclame officiellement le retour de V. Bout en Russie, ceci via notamment l’ambassadeur de Thaïlande convoqué par ses Services, lesquels lui font part de «  la profonde déception [du gouvernement russe] et sa totale incompréhension face au verdict politiquement motivé de la cour d’appel thaïlandaise qui infirme le refus [antérieur] d’extrader M. Bout vers les États-Unis en raison de l’insuffisance des preuves présentées par la partie américaine ».

• Le 24 août 2010 les autorités judiciaires thaï opèrent un virage sur l’aile à 180°. Le Premier ministre annonce que l’extradition est reportée et ne pourra pas, en tout état de cause, avoir lieu avant une nouvelle audience fixée au 4 octobre. La justice thaïlandaise a en effet estimé que ce second dossier, en dépit d’une récente requête des États-Unis pour forcer le passage, ne pouvait être immédiatement abandonné.
L’affaire V. Bout devient à partir de là ouvertement une affaire de politique intérieure : le 25 août le quotidien Bangkok Post relate les remous faits autour de la visite effectuée au détenu dans sa geôle de la prison de Remand par l’un des proches conseillers du Premier ministre, M. Sirichoke Sopha du Parti Démocrate, ceci dans le but d’obtenir des informations relatives à des livraisons d’armes aux opposants au régime, à savoir les « Chemises rouges ». Des fournitures d’armes qui auraient impliqué l’ancien Premier ministre passé dans l’opposition, M. Thaksin Shinawatra.
Interpellé la veille à la chambre des députés et accusé d’avoir violé les procédures carcérales, M. Sirichoke Sopha, s’est défendu d’avoir eu l’intention d’instrumenter V. Bout à des fins de politique intérieure en contrepartie du blocage de son extradition. Celui-ci, selon le député Jatuporn Prompan du parti Puea Thai, aurait d’ailleurs refusé d’entrer dans ce jeu. En dernier ressort, M. Sirichoke Sopha expliqua à ses pairs qu’il voulait éclaircir la question d’une possible participation de V. Bout à la saisie de 35 Tonnes d’armes trouvées à bord d’un appareil géorgien lors d’une escale technique à l’aéroport Don Mueang le 11 décembre 2009 [voir encadré 2].
À ce stade, le cas V. Bout est devenu véritablement une affaire d’État et une sorte de bombe à retardement politique.

• Début septembre le Parquet général de Thaïlande fait savoir que le gouvernement est légalement en droit de bloquer l’arrêt d’une cour d’appel prévoyant l’extradition de V. Bout si le dossier de l’intéressé comportait des circonstances « particulières ».

• Lundi 4 octobre 2010, un tribunal thaïlandais refuse l’extradition vers les États-Unis de Victor Bout au motif qu’une seconde plainte déposée par Washington pour blanchiment d’argent et fraude, bloquait sine die la procédure en cours. V. Bout, qui clame son innocence et la légalité de son organisation de transport de fret aérien, semble alors craindre pour sa vie et c’est en gilet pare-balles encadré par une unité d’élite de la police qu’il a rejoint le tribunal. Une protection obtenue après une demande effectuée directement auprès du Premier ministre quelques semaines auparavant. Interrogé à l’ouverture de l’audience sur l’équité d’un futur procès sur le territoire américain, Bout a répondu par la négative : « Non, bien sûr que non  ».

• Le lendemain 5 octobre, coup de théâtre, la Cour criminelle de Bangkok abandonne les poursuites en suspens (blanchiment d’argent et fraude) « faute de preuves » levant ainsi l’obstacle juridique qui avait été opposé la veille à l’extradition de V. Bout vers les États-Unis, la décision finale en revenant désormais au Premier ministre thaïlandais, Abhisit Vejjajiva

• Mercredi 6 octobre, le quotidien thaïlandais « The Nation » publiait une déclaration du premier ministre thaïlandais, Abhisit Vejjajiva, faite à Bruxelles à l’occasion de la rencontre de l’ASEM (Asia Europe meeting), et selon laquelle celui-ci ne prendrait de décision définitive quant à l’extradition de l’entrepreneur russe Viktor Bout vers les États-Unis, qu’après concertation avec les membres de son gouvernement. Propos qui intervenait après un entretien en marge du forum avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, The Nation rapporte encore que ce dernier « a exprimé le vif mécontentement de Moscou face à la décision adoptée le 5 octobre par une cour criminelle de Thaïlande à l’encontre de M. Bout… ».
V. Bout, pris en sandwich par des commandos masqués, « le marchand de mort » n’a pas immédiatement réagi à l’annonce de sa possible prochaine extradition. Tel que le rapporte Associated Press, ayant pris son épouse dans ses bras il s’est mis à sangloter avant de se diriger vers son avocat et de l’interpeller en ces termes : « Faites quelque chose maintenant. Appel, nous devons faire appel ».

• Samedi 9 octobre, l’avocat de V. Bout, Lak Nittiwattanawichan, interjetait appel contre la décision rendue le 5. Le conseil du défendeur, argue notamment que l’Article 120 du code de procédure pénale thaï a été violé en ce que les magistrats avaient pour obligation d’examiner sur le fond la plainte pour blanchiment et fraude au lieu de s’en dessaisir – sans autre examen donc – pour obtempérer aux desiderata de Washington exprimés par le truchement des diplomates en poste localement. Il n’en reste pas moins que la défense, qui avait mobilisé (par conséquent inutilement), pas moins de dix-sept témoins à décharge, considère que les exigences diplomatiques ne sont pas en droit de modifier les procédures de la justice thaï…
Au demeurant si l’appel est rejeté, l’extradition pourrait avoir lieu le 20 novembre prochain, cela en vertu du calendrier de la dite cour d’appel.
À suivre…

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1 - Pourquoi la Russie défend-t-elle becs et ongles V. Bout ?

Parmi les explications les plus communément avancées pour expliquer la détermination du gouvernement russe d’empêcher l’extradition de Victor Bout vers les États-Unis, la crainte que celui-ci ne livre les détails d’opérations illicites au regard des traités et de la Loi internationale ainsi que les noms de personnalités y ayant été impliquées dans l’immédiat après guerre froide. Selon Tatiana Stanovaïa (Centre des études politiques, Moscou), citée par l’AFP, le gouvernement russe craint avant tout que V. Bout ne dévoile les mécanismes du trafic d’armes international mettant alors en lumière le rôle de la Russie dans nombre de conflits en cours ou dans certaines zones de tension : « Bout exerçait des fonctions informelles au service de certains membres de la nouvelle nomenklatura, dans et hors le gouvernement... Quand l’État n’est pas en mesure d’avoir des relations explicites avec des pays parias ou des organisations mal famées, dans ces cas on utilise des agents qui, comme lui, se situe à l’extrême frontière de la légalité… ».

Confirmant ce point de vue, Vadim Koziouline, professeur à l’Académie russe des sciences militaires, avance que Viktor Bout ne détiendrait pas d’information compromettante pour l’actuel gouvernement mais un procès médiatisé aux États-Unis n’en serait pas moins gênant car nombre de fortunes se sont édifiées au lendemain de la débâcle des années Eltsine sur le pillage des arsenaux de la défunte Armée rouge. Un avis apparemment partagé par Juan Zarate, lequel était encore récemment à la tête du contre-terrorisme américain. Pour mémoire, Juan Carlos Zarate, secrétaire adjoint au Trésor pour la lutte contre le financement du terrorisme, a été chargé de représenter les intérêts du gouvernement américain auprès de la Financial Action Task Force-FATF/GAFI, pivot de la lutte mondiale contre les crimes de blanchiment et les réseaux de financement du terrorisme international. Juan Carlos Zarate assurerait à ce titre la coordination entre l’Administration américaine et le dispositif stratégique de lutte multilatérale (OCDE, Egmont Group, Commission Européenne, Basle Committee, Golf Cooperation Council, Trésor US, DHS, 911 Commission...) contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

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* Nous recommandons, en contrepoint de « Lord of war », de visionner « Blood diamonds » un film germano-américain de 2006 réalisé par Edward Zwick avec dans le rôle principal, Leonardo DiCaprio. Une œuvre plus aboutie et sans doute plus convaincante qui présente quelques aspects peu reluisants de la « guerre civile » au Sierra Leone. Des diamants de sang par ailleurs jetés récemment en pâture à la « presse people » le 5 août 2010 au cours du procès de Charles Taylor lors d’une session du Tribunal pénal international à la Haye. Taylor aurait en effet acheté les faveurs du mannequin américain Naomi Cambell, venue témoigner à la barre à propos d’un « diamant de guerre » que lui a offert, à l’issue d’un dîner au Cap en 1997, Charles Taylor ; un diamant parmi une multitude d’autres obtenus en contrepartie d’armes fournies aux rebelles de Sierra Leone.

Seconde partie : http://www.geopolintel.fr/article31...

Notes

[1Le marché d’un montant total d’une vingtaine de millions de dollars devait porter entre autres sur 100 missiles IGLA (SA-16 et SA-18), des missiles sol-air de conception russe équivalents Stinger américain.

[2Le 31 octobre 2006, le président américain, George W. Bush, décidait de geler des avoirs de sept personnalités impliquées directement ou indirectement dans les troubles récurrents en RDC, notamment trois personnalités politiques : Laurent Nkunda déjà visé par un mandat d’arrêt international pour « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre », Ignace Murwanashyaka et Khawa Panga Mandro ainsi que quatre hommes d’affaires : Viktor Anatolijevitch Bout, Sanjivan Singh Ruprah, Dimitri Igorevich Popov et Douglas Mpano. Un peu plus tard, en 2007, la Maison Blanche reconduisait ces dispositions et décidait de surcroît du gel des biens de tous les dirigeants, politiques ou militaires des groupes armés, nationaux ou étrangers opérant en RDC, qui interviendraient pour empêcher la réinsertion civile des combattants, ou encore qui recruteraient ou se serviraient d’enfants pour combattre en République démocratique du Congo. M. Bush avait souligné dans un message adressé au Congrès américain que la situation en République démocratique du Congo reste « marquée par une violence et des atrocités largement répandues et continuant à menacer la stabilité régionale ». Notons que l’Est du Congo est à proprement parler un Eldorado minier où États et affairistes s’affrontent pour en piller les ressources.

[3Nouvelle doctrine de la diplomatie américaine le smart power est une combinaison ou un moyen terme entre le hard power (pouvoir de coercition manu militari) et le soft power (pouvoir d’influence, de conviction et de persuasion). La Secrétaire d’État américaine, Mme Hillary Clinton, lors de son audition devant la commission sénatoriale chargée d’avaliser sa nomination a présenté le nouveau concept en ces termes : «  Nous devons avoir recours à ce qui a été appelé le pouvoir de l’intelligence [lequel rassemble] l’ensemble des outils mis à notre disposition : diplomatiques, économiques, militaires, politiques, légaux, et culturels – il faut choisir le bon outil, ou la bonne combinaison d’outils, la mieux adaptée à chaque situation  ».

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