Guerre en Ukraine : Emmanuel Macron, chef des armées ou candidat ?
Les prémices d’une candidature
Cette allocution a également permis d’y voir plus clair sur les ambitions du candidat à l’élection présidentielle que sera Emmanuel Macron : « plus d’Europe, plus de protection pour les Français. Il a en quelque sorte donné les thèmes d’une future campagne, et il a bien précisé que cette guerre n’empêchera pas le débat démocratique nécessaire dans toute campagne présidentielle », comme le détaille Catherine Demangeat. Un discours salué par le candidat écologiste Yannick Jadot, tandis que l’équipe de Valérie Pécresse note que certaines réflexions relevaient plus de celles d’un candidat. ( France Info )
Encore une fois Macron dit tout et son contraire, il y aura une campagne, oui mais laquelle ?
Il nous a ressorti cette image qu’il a utilisé pour le Covid en 2020 pendant que les militaires installait un hôpital de campagne dans l’est de la France.
« Macron chef de guerre, et le risque de l’hyperbole de l’impuissance »
Hier, il est intervenu en chef de guerre. La métaphore guerrière est filée jusque à la corde : sur fond kaki d’hôpital de campagne à Mulhouse, au cœur de la bataille, dans la région du Grand Est attaquée en premier, le président avait des airs de Clémenceau en visite de réconfort des troupes dans les tranchées en 17.
Ukraine : chef de guerre, l’impossible défi des candidats qui rêvent d’être président
Avec la guerre en Europe, le risque d’être inaudible ne cesse de grandir pour les opposants à Emmanuel Macron.
Que faire pour se sortir du bourbier de candidat ?
Une fois n’est pas coutume, Yannick Jadot s’est levé aux aurores ce 24 février. Il n’avait pas enfilé chaussettes et cravate qu’il envoyait un mail stipulé « urgent Ukraine » à ses équipes pour organiser une réunion potron minet, en visioconférence. Vladimir Poutine a lancé une opération militaire contre l’Ukraine, il faut réorganiser la campagne. Quelle ligne tenir face à Emmanuel Macron alors que la démocratie européenne est attaquée ? Quid de l’ADN antimilitariste des écologistes ? « Je ne suis pas contre l’idée de convoquer l’Assemblée nationale et le Sénat », dit Jadot aux siens. À écouter son entourage raconter cette scène, on croirait à une sorte de conseil de défense à la sauce écolo. Comme s’il était président. Comme s’il était chef de guerre.
C’est ainsi : le conflit en Ukraine aspire tout, et surtout l’oxygène des concurrents d’Emmanuel Macron. L’élection présidentielle n’est pas un marathon mais l’ascension d’une montagne où chacun cherche sa prise d’escalade. « Entre union nationale et critique contre Macron, on est sur un fil mais c’est un fil de rasoir et il est très tranchant », métaphorise un sherpa de Jadot. Les candidats n’ont plus le luxe de jouer à l’opposant défouraillant à tout va. Car il est une règle d’airain en politique : les opinions publiques se rassemblent derrière leurs dirigeants en temps de guerre. Les Pécresse, Jadot, Zemmour, Hidalgo et autre Mélenchon ne veulent plus du costume de simple candidat. Il leur faut « se présidentialiser » dans l’urgence mais joue-t-on vraiment au président ou, ici, au chef de guerre ?
Déséquilibre
Car là se situe le piège. S’approprier une thématique est une chose. Donner le sentiment de « jouer » au dirigeant en exercice en est une autre. La frontière entre les deux est ténue, la franchir expose tout candidat aux moqueries. En témoigne la réunion le 28 février d’un « conseil stratégique de défense » à son QG de campagne. Valérie Pécresse réunit auprès d’elle d’anciens ministres de la Défense. Un cliché immortalise la scène. On y voit les participants rassemblés autour d’une table, recouverte d’une nappe blanche, trop longue et froissée. Tous arborent un air fermé... sans que l’on devine ce qu’ils regardent. Le style est théâtral et suscite la risée des réseaux sociaux et de nombreux élus LR. Le même jour, l’ancienne ministre écourte sa visite au Salon de l’agriculture pour un rendez-vous avec Jean Castex autour de la crise. « Je file m’occuper de l’Ukraine », lance-t-elle avec légèreté. Nouvelle salve de moqueries. « Le déséquilibre avec Macron est cruel. Il faut faire d’autant plus attention à la forme », résume un soutien de la candidate.
A droite, on a pourtant des fourmis dans les jambes. En phase avec la ligne diplomatique de l’exécutif, Valérie Pécresse ne veut pas laisser à Emmanuel Macron le monopole de l’Ukraine. Le jour de l’attaque russe, elle prononce une allocution solennelle pour dénoncer l’offensive de Vladimir Poutine et « demande » des sanctions contre son régime. Le 3 mars, elle prononce un grand discours sur la Défense, au cours duquel elle propose de porter son budget à 65 milliards d’euros en 2030. Son conseiller pour les affaires internationales Michel Barnier réunit chaque semaine des experts pour évoquer ces sujets.
Zemmour le néopacifiste
Dans le camp Pécresse, on mise sur la « présidentialité » de la prétendante pour terrasser Éric Zemmour et Marine Le Pen au premier tour. Se sculpter une stature internationale est autant un signal adressé au chef de l’État qu’à ses rivaux d’extrême droite. Ainsi, la candidate a rencontré jeudi au siège de LR des dirigeants du Parti populaire européen (PPE) lors d’un rendez-vous qualifié de « sommet ». Une sémantique très diplomatique.
Et puis il y a Éric Zemmour, le néopacifiste. Quand on prétend à l’Élysée, mieux vaut adopter, en temps de guerre, la figure de l’homme conciliateur. Surtout si, comme lui, un passif joue en votre défaveur. Pour contrer les effets de ses récentes déclarations prorusses, le candidat Reconquête convoque donc, le 24 février, une conférence de presse. Dans un hôtel parisien du VIIe arrondissement, debout derrière son pupitre, drapeau de la France en toile de fond, Éric Zemmour s’adresse aux journalistes et tente de se fondre dans le rôle de l’homme d’Etat. Il condamne l’action de Vladimir Poutine, tout en rappelant que les revendications russes contre l’expansion de l’Otan « doivent être comprises ».
Équation
Mais son ambiguïté vis-à-vis de Vladimir Poutine divise jusque dans ses propres rangs. Certains de ses proches le poussent à annuler le déplacement qui doit avoir lieu le week-end suivant, d’autres, au contraire, jugent qu’il faut continuer la campagne. Alors, à Chambéry, dès le lendemain - le 25 février - le candidat nationaliste veut incarner la figure pacifiste. Devant des milliers de militants réunis en Savoie, il assure être « le candidat de la paix » pour concurrencer Emmanuel Macron sur le terrain international. « Il doit montrer qu’il serait un président pacifiste, dont on ne doit pas avoir peur », insiste un membre de l’équipe de campagne. Mais la posture ne convainc pas. « Comment faire croire à des électeurs à qui on assurait il y a quelques mois que le pays était au bord de la guerre civile, et qu’il fallait mener cette bataille de la civilisation qu’on est le candidat de la paix ? Ce n’est absolument pas crédible », raille un concurrent. Personne n’a oublié la séquence au salon de l’armement où il épaule un fusil militaire et vise des journalistes.
Pour eux qui rêvent de prendre la place d’Emmanuel Macron, l’équation semble impossible. À mesure que l’opinion publique se concentre sur les enjeux internationaux, le risque d’être inaudible ne cesse de grandir et le fossé avec Emmanuel Macron se creuse. Macron à la guerre, eux à l’arrière, Macron au château de Versailles, eux dans des salles de meeting. Ils rêvaient d’être conviés à l’Élysée par le président sortant, d’égal à égal ; de ces images d’eux touchant le palais du bout des doigts. Ils se contenteront du Premier ministre Jean Castex qui les reçoit le 28 février pour une réunion d’information sur la situation. Les ministres des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, des Armées, Florence Parly, de l’Economie Bruno Le Maire, le ministre délégué aux Comptes publics, Olivier Dussopt, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, et le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard. sont là aussi. Certains candidats les ignorent, ne leur serrent même pas la main, après tout ne sont-ils que ministres. Les impétrants sont arrivés avec un dossier sous le bras - sauf Valérie Pécresse, « elle est venue les mains dans les poches et a sorti un petit bout de papier pour prendre des notes », s’étonne un membre du gouvernement. Que la politique est cruelle.