Dans la veine du « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley, le thriller eugéniste « Bienvenue à Gattaca », réalisé par Andrew Niccol, avec Uma Thurman.
Le terme « transhumanisme » remonte aux années 1950, mais sa popularisation date des années 1990, lorsque les chercheurs commencent à cerner les promesses de la convergence NBIC : les nanotechnologies (N), la biologie (B), l’informatique (I) et les sciences cognitives (intelligence artificielle et sciences du cerveau -C) progressent et convergent de façon explosive.
Lorsque la génétique justifiait le racisme
Les transhumanistes soutiennent une vision radicale des droits de l’humain. Pour eux, un citoyen est un être autonome qui n’appartient à personne d’autre qu’à lui-même, et qui décide seul des modifications qu’il souhaite apporter à son cerveau, à son ADN ou à son corps grâce aux NBIC. Ils considèrent notamment que la maladie et le vieillissement ne sont pas une fatalité : le désir d’immortalité est au cœur de cette nouvelle religion. Le « meilleur des mondes » est la société eugéniste idéale décrite en 1931 par Aldous Huxley (1894-1963) dans son génial roman d’anticipation qui inspirera, en 1997, le film glaçant Bienvenue à Gattaca.
Avant même l’invention du terme, Aldous Huxley a été le premier opposant à une société transhumaniste de manipulation de l’homme par l’homme en utilisant la biologie et la neurotechnologie pour organiser un ordre social stable. Ironie de l’histoire, l’inventeur et propagandiste du transhumanisme est son propre frère sir Julian Huxley (1887-1975), biologiste de haut niveau, premier directeur de l’Unesco et cofondateur du WWF.
Homme de gauche, il pensait que la génétique allait permettre de réduire les inégalités intellectuelles entre les êtres humains et défendait le monde que son frère rejetait violemment. Après guerre, l’humanité sortait d’une période où la génétique avait été instrumentalisée pour justifier le racisme, la Shoah ainsi que les opinions conservatrices et colonialistes.
Eugénisme d’État en Israël
On l’a un peu oublié : deux Prix Nobel de médecine français, Charles Richet et Alexis Carrel, qui avaient bâti une vision raciste et inégalitaire de la société, ont inspiré plusieurs théoriciens du IIIe Reich et l’entourage de Philippe Pétain. Le mot « eugénisme » étant devenu sulfureux après les horreurs nazies, Julian Huxley inventa donc, en 1957, un néologisme synonyme d’eugénisme de gauche, le « transhumanisme ».
Paradoxalement, c’est en Israël que l’éradication d’une maladie génétique à l’échelle d’une communauté entière a été menée à bien pour la première fois. La maladie de Tay-Sachs a quasiment disparu avec l’aide du rabbinat et de l’organisation ashkénaze orthodoxe Dor Yeshorim, qui ont encouragé le test des futurs époux, pour éviter les mariages entre porteurs du gène. Il s’agit à ce jour du plus « performant » exemple d’eugénisme d’Etat : la terrible maladie de Tay-Sachs qui terrasse les enfants avant l’âge de 4 ans est quasi éradiquée !
Ni bons, ni salauds
En réalité, les conflits entre transhumanistes et bioconservateurs passeront demain à l’intérieur des partis politiques, des familles et même au sein de nos propres consciences. Le clivage gauche-droite semble dépassé au XXIe siècle : l’opposition entre bioconservateurs et transhumanistes va bouleverser l’échiquier politique, parce que la gestion de nos pouvoirs démiurgiques est en rupture radicale avec l’idéologie judéo-chrétienne qui fonde la civilisation européenne.
C’est Luc Ferry qui, le premier, a expliqué, dans La Révolution transhumaniste, que les NBIC génèrent des oppositions philosophiques et politiques parfaitement légitimes qui n’opposent pas les bons et les salauds : comme chez les Huxley, nous allons être déchirés.