Ministère des solidarités et de la santé
Projet de loi organique relatif au système universel de retraite
NOR : SSAX1936435L/Rose-2
EXPOSÉ DES MOTIFS
La création d’un système universel de retraites constitue une transformation d’ampleur de notre système de protection sociale.
Les conditions historiques de la construction des régimes de retraite actuels ont conduit à un paysage émietté de plus de quarante régimes obligatoires de base et complémentaire, fonctionnant en annuités ou en points, comportant des règles de droit diverses et souvent mal coordonnées qui, s’il a pu avoir une justification née de la nécessité de compléter et d’approfondir les protections accordées aux assurés, n’a plus la même pertinence aujourd’hui.
Le projet de loi instituant un système universel de retraite vise à faire évoluer cette construction en promouvant trois principes fondamentaux d’universalité, d’équité entre les assurés et de soutenabilité, afin de conforter les principes de solidarité au sein et entre les générations qui fondent nos retraites.
Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre constitutionnel, et notamment dans celui de l’article 34 de la constitution qui prévoit d’une part que la loi détermine les principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale et d’autre part que les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
L’application des mêmes règles quel que soit le statut professionnel ou le mode d’activité, l’intégration de l’ensemble des régimes obligatoires actuels dans le processus de mise en œuvre du système universel, la recherche de mécanismes garantissant la soutenabilité financière à long terme du système requièrent de procéder à des adaptations de ce cadre organique.
C’est pourquoi le présent projet de loi organique comprend trois types de mesures.
En premier lieu, il propose l’adoption d’une règle obligeant les lois de financement de la sécurité sociale à prévoir l’équilibre du système de retraite sur chaque période de cinq années à compter de celle au cours de laquelle la loi est adoptée et prévoyant le traitement, le cas échéant, des déficits accumulés en cas d’écart entre cette trajectoire équilibrée et les réalisations effectives. Ce pilotage de court-moyen terme est associé à une vision de plus long-terme (40ans) de l’analyse de l’évolution de la situation financière des régimes.
En second lieu, il étend le champ des lois de financement de la sécurité sociale aux régimes complémentaires obligatoires de retraite afin d’assurer au Parlement une vision globale des enjeux financiers en vue de la transition vers le nouveau système.
Enfin, à fins de coordination, il modifie les dispositions de nature organique qui le nécessitent, s’agissant d’une part de l’ordonnance n°58-1210 du13 décembre 1958 relative à l’indemnité des membres du Parlement et d’autre part de l’ordonnance n°58-1270 du 22décembre 1958 relative au statut de la magistrature.
L’article 1er organise le pilotage financier du système universel de retraite. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) définit une trajectoire pluriannuelle imposant l’équilibre du système sur une période de cinq années en cumulé. Cette trajectoire à cinq ans est actualisée à chaque loi de financement de la sécurité sociale, laquelle prévoit, en cas de déficit plus important qu’anticipé au cours de la période quinquennale précédente, les modalités de couverture de ces écarts à la trajectoire.Par ailleurs, cet article prévoit également que si la dette sociale, sur le périmètre du système universel de retraite, dépasse un certain seuil, la LFSS doit définir les modalités d’apurement de cette dette.
L’article 2 étend le champ des LFSS aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires (AGIRC-ARRCO ; RAFP ; IRCANTEC ; régimes complémentaires des travailleurs indépendants, des exploitants agricoles, des professions libérales, des artistes-auteurs, des navigants, des enseignants du privé et des débitants de tabac) dès 2022, en donnant à l’Etat des outils de pilotage facilitant la transition vers le système universel de retraite. Le Parlement votera donc, chaque année à partir du PLFSS 2022, un tableau d’équilibre spécifique pour l’ensemble de ces régimes complémentaires obligatoires. Les dispositions organiques applicables aux régimes obligatoires de base seront aussi rendues applicables aux régimes complémentaires obligatoires, notamment le champ des dispositions facultatives du PLFSS, à l’exception toutefois de la faculté de recourir à l’endettement, tant à court terme qu’à long terme.
L’article 3 prévoit que le système universel de retraite s’appliquera aux parlementaires (députés et sénateurs), à partir de 2025 pour ceux des générations 1975 et suivantes, comme pour l’ensemble des assurés. Ils se verront appliquer, au sein de l’assurance vieillesse du régime général, les règles communes du système universel de retraite, comme les membres du Gouvernement et les élus locaux. Les parlementaires continueront à bénéficier de leurs régimes propres au titre des autres risques sociaux.
L’article 4 précise les modalités de rémunération des membres du Conseil constitutionnel, aligne celles-ci sur le régime applicable aux autorités administratives indépendantes et prévoit que le système universel de retraite s’appliquera aux membres du Conseil constitutionnel dans les mêmes conditions que pour l’ensemble des assurés.
L’article 5 procède aux coordinations nécessaires au sein du statut de la magistrature, qui relève de la loi organique. Les dispositions relatives aux pensions sont supprimées du statut applicable aux magistrats relevant du système universel de retraite. Notamment, la sanction disciplinaire de mise à la retraite d’office est supprimée, seule celle de révocation conservant une portée statutaire.
Voir la suite sur le PDF Projet réforme des retraites
Réforme des retraites : Macron fait-il un cadeau au fonds américain BlackRock ?
La baisse des cotisations sur les hauts revenus va offrir une plus grande place à la retraite par capitalisation, l’un des prés carrés de BlackRock. Le plus grand fonds de pension du monde a l’oreille de l’Élysée depuis le début du quinquennat.
La réforme des retraites est-elle un cadeau à destination des fonds de pension, les structures financières au cœur des dispositifs de retraite par capitalisation ?
On peut raisonnablement se poser la question à la lecture des annonces d’Édouard Philippe, mercredi 11 décembre. Le Premier ministre a déclaré que ceux qui gagnent des revenus supérieurs à 120.000 euros brut annuel ne paieront plus de cotisations retraite (fixées à 28,1%) et, par conséquent, n’ouvriront pas de droits à la retraite. L’effet immédiat sera une hausse de la rémunération nette et une baisse de la pension à venir. Pour éviter de connaître une chute brutale de leurs revenus à la retraite, ces cadres devront alors se tourner vers l’épargne retraite individuelle ou d’entreprise. Et BlackRock se fera un plaisir de leur ouvrir ses portes.
Le fonds de pension américain est le plus important du monde et personne n’a autant d’argent que lui. Il gère plus de 6.000 milliards de dollars d’actifs pour le compte de ses clients. Fin 2017, le Canard Enchaîné se faisait l’écho d’une réception d’une journée entière de ses dirigeants sous les ors de la République, le 25 octobre 2017, en présence d’Emmanuel Macron . Le fondateur de BlackRock, Larry Fink, ne tarit pas d’éloge à l’égard du président français. Notamment depuis le vote de la loi Pacte, dont une partie simplifie et développe la retraite par capitalisation en France, avec exonérations fiscales à la clef. “Nous pensons que la loi Pacte (...) constitue un effort certain d’amélioration du système d’épargne retraite volontaire”, indique une note du fonds publiée en juin 2019.
Pour BlackRock, le gâteau que représente la France est très appétissant. Dans la même note, il constate que “seuls 130 milliards d’euros” ont été collectés dans des produits d’épargne retraite. Un montant ridicule par rapport à l’ensemble de l’épargne liquide des Français (1.500 milliards d’euros), les produits d’assurance-vie en euros (1.600 milliards d’euros) ou les investissements en actifs non financiers (plus de 7.600 milliards d’euros). Il y aurait donc largement de quoi grignoter des parts de marché. “Le Français épargne beaucoup, il a la préoccupation de sa retraite et pour autant il ne s’est pas approprié l’épargne-retraite”, signale Jean-François Cirelli, patron de BlackRock France et ex-PDG de GDF.
De son côté, le gouvernement se défend de déshabiller le système de répartition. “Le régime universel est fondé sur la solidarité nationale, jusqu’aux 120.000 euros annuels tout le monde cotisera au même taux pour s’ouvrir des droits dans la limite de ce montant”, déclare Édouard Philippe. “Et au-delà de ce montant, les plus riches paieront une cotisation de solidarité plus élevée qu’aujourd’hui (2,8%) qui financera non plus des droits pour eux, mais des mesures de solidarité pour tout le monde. C’est un effort qui me paraît juste, tout le reste n’est que littérature”, justifie le Premier ministre.
Édouard Philippe tacle ici l’économiste Thomas Piketty qui a plusieurs fois déclaré que cette réforme était un cadeau aux plus riches. Dans les faits, le Premier ministre a raison : les hauts revenus paieront plus que dans le système actuel. Mais en contrepartie, ils auront une plus grande liberté sur l’utilisation de leurs revenus pour préparer leur retraite. Jusqu’à présent il fallait dépasser 320.000 euros brut annuel pour ne plus avoir à payer de cotisations retraite. Plus de 300.000 actifs seront concernés dans la nouvelle mouture, principalement les cadres supérieurs et les professions libérales comme les avocats. Environ trois milliards d’euros pourraient alors se tourner vers l’épargne retraite, soit moins de 1% des cotisations retraite actuelles.
“C’est donc un marché modeste mais aussi très hypothétique« , tempère l’économiste libéral Jean-Charles Simon. »Si les cadres ne paient plus ces cotisations, rien ne dit qu’ils décideront d’épargner et qu’ils choisiront l’épargne retraite. Admettons que cela génère un flux d’un milliard par an et que 10% seraient placés en ETF BlackRock, cela ferait un enjeu de revenus annuels de 500.000 euros pour BlackRock… Modeste pour un complot.”
“L’épargne retraite supplémentaire n’a pas vocation à se substituer au régime de retraites par répartition qui demeurera le socle principal de la retraite des Français”, déclarait Bruno Le Maire au moment du vote de la loi Pacte. “Mais, à l’heure où les Français épargnent davantage, l’épargne retraite doit devenir un produit phare de l’épargne des français. L’épargne retraite, c’est avant tout une épargne vertueuse qui permet de préparer l’avenir. Elle est bonne pour les entreprises car elle favorise des investissements de long terme, permettant de financer l’investissement et l’innovation”, jugeait le Premier ministre.
BlackRock est justement perçu par l’exécutif comme un candidat de choix pour participer au programme de cession d’actifs de l’État à hauteur de 10 milliards d’euros dans des grandes entreprises françaises. Après la Française des Jeux, Aéroports de Paris et Engie sont les prochains sur la liste. Si BlackRock acceptait de mettre la main à la poche, il siégerait à leurs conseils d’administration en plus de ceux d’Axa (5,84%), Sanofi (5,58%), Société générale (5,49%), Vinci (5.07%), Total (5,02%), BNP Paribas (4,88%), Vivendi (4,72%), etc. BlackRock possédait fin 2017 environ 2% du CAC40 et sa présence en France n’est visiblement pas près de s’alléger.