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Comment éviter la pensée de groupe ?
La pensée de groupe* est un piège dans la prise de décision. Elle représente un mécanisme dysfonctionnel de la dynamique des groupes.
Pourquoi ? Parce qu’elle consiste à vouloir à tout prix aboutir à un consensus qui, in fine, ne satisfait personne, et parce que l’accord du groupe prévaut sur la pertinence de la décision.
Souvent associée à l’escalade de l’engagement, elle empêche une équipe de tout remettre à plat et de recommencer le processus décisionnel.
Dans des cas extrêmes, elle peut même conduire à des décisions totalement irrationnelles.
Le paradoxe d’Abilène traduit ce consensus :
Par une journée étouffante, sur proposition de l’un d’eux, quatre membres d’une famille se rendent en voiture à Abilène.
Le voyage est long et la chaleur insupportable dans la voiture non climatisée.
À Abilène, le repas est médiocre, le cadre décevant. Le chemin du retour est aussi pénible que celui de l’aller. Chacun arrive exténué.
À l’arrivée, les membres de la famille se rendent comptent qu’aucun d’eux n’avait envie d’aller dans cette ville du Texas.
Mais chacun a pensé que les autres, n’ayant pas formulé d’opposition, approuvaient la proposition, et n’a pas souhaité aller à l’encontre de l’approbation supposée.
Ce paradoxe, exposé par Jerry Harvey, sociologue, démontre qu’un consensus peut s’établir au sein d’un groupe alors que personne n’est d’accord sur la proposition initiale.
Chacun conforme son opinion à ce qu’il croit être consensuel.
Le pire est qu’une telle situation, conduit souvent inexorablement à de la frustration, à de la démotivation et au conflit que chacun souhaitait éviter.
Quelles sont les principales causes ?
Le désir des participants de se plaire mutuellement, de rester unis et de développer la cohésion de groupe.
L’évitement de la dissension, de la confrontation et d’un possible conflit qui pourrait faire éclater le groupe.
La peur d’être jugé, d’être le « mouton noir » et d’être mis à l’écart du groupe. La pression de conformité peut conduire à de l’auto-censure.
L’incapacité à exprimer une position différente de celle de l’idée dominante.
La crainte d’être mal apprécié par une hiérarchie directive.
L’exclusion de systèmes de référence autres que celui du groupe.
La certitude de la toute puissance du groupe.
Le rejet de données extérieures tardives susceptibles de remettre en cause les éléments initiaux.
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Comment limiter ce mécanisme dysfonctionnel ?
En proposant à un membre du groupe d’endosser le rôle d’« avocat du diable » pour interroger la « pensée unique », le chapeau noir des chapeaux de Bono (cf.fiche En Lignes n°71).
En imaginant un ou des scénario(s) alternatif(s) et en étant en capacité de les défendre.
En favorisant et en acceptant les idées dissonantes, divergentes comme autant d’enrichissements de la réflexion.
En mettant à disposition des mécanismes anonymes d’expression : boîte à idées, vote à bulletin secret…
En faisant travailler plusieurs groupes ou sous-groupes sur des problèmes similaires.
En faisant se prononcer chacun, de façon explicite, sur l’option privilégiée pour éviter un consensus mou insatisfaisant pour chacun.
En se laissant du temps pour prendre la décision.
…
!!! À voir ou à revoir, l’article :
« Comment éviter les décisions absurdes ? » En lignes n°61
*La pensée de groupe : ce concept a été mis en évidence, dans les années 70, par Irving JANIS (1918-1990), chercheur en psychologie de l’Université de Yale, après avoir analysé certains fiascos politiques retentissants comme celui du débarquement de la baie des cochons. On parle souvent « d’effet Janis » pour indiquer la pensée de groupe.