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Macron à Erevan  : le «  Blob  » francophone

vendredi 19 octobre 2018

Patatras tout s’effiloche pour le pauvre Macron lequel ne bénéficie plus que de six pour cent d’opinions favorables pour ce qui regarde son programme économique  ! Du presque moins que rien. Mais l’inoxydable bonhomme n’en continue pas moins à parader sur les estrades internationales comme à Erevan le 11 octobre dernier au 17e sommet de la Francophonie. Ce machin boursouflé dont la nouvelle présidente est une ruandaise venue d’un pays particulièrement francophile qui a exclu la langue française de ses écoles au profit de l’anglais véhiculaire. Choix pour le moins surprenant (parce qu’évidemment dicté par Paris) au prétexte, dixit le porte-parole élyséen, que «  le plurilinguisme du Rouanda [orthographie originale rétablie], loin d’être un handicap, illustre parfaitement la politique inclusive du Président, qui veut défendre le français sans l’opposer aux autres langues, une position [certes] contestée par nombre de puristes  ». Qui sont ces «  puristes  » et en quoi le sont-ils, le saura-t-on jamais  ? Pour sa part Macron est très authentiquement, on le voit ici, un véritable stratège et penseur métapolitique… Quel homme  !

En fait, la France aurait eu après 1962 et les indépendances, la possibilité (et la chance) de devenir la métropole d’une sorte de Commonwealth à la mode de chez nous qui aurait pu agréger un certains nombre de potentiels économiques, politiques et diplomatiques dont la masse coordonnée aurait alors eu une certaine capacité à peser sur les destinées collectives de la Communauté internationale. Au lieu de quoi «  on  » a préféré jouer toujours plus la carte de l’ouverture tous azimuts, acceptant et recevant n’importe qui dans le cénacle francophone, préférant la vile quantité au tri sélectif (et restreint) de partenaires susceptibles de s’inscrire durablement dans une stratégie d’intérêts concertés. À titre d’exemple du laxisme fourre-tout qui tient lieu de politique d’influence linguistique et culturelle, soulignons que l’Arabie, ce parangon des vertus droitdelhommistes, n’a retiré de justesse (le premier jour du sommet d’Erevan) une candidature sous forme d’un courrier demandant le «  report de son adhésion  »… qui décidément faisait par trop tache dans le contexte de l’affaire Jamal Khashoggi.

Ce journaliste, peu complaisant à l’égard de la famille régnante des Séoud, a en effet subrepticement disparu le 2 octobre dernier lors d’une visite au consulat de Riyad à Istamboul [orthographie originale rétablie] … où il aurait été assassiné et son corps démembré avant d’être exfiltré  ! Fait emblématique du temps présent, le journal turc Daily Sabah rapporte (version reprise par l’agence Reuters) que la montre de l’infortuné était connectée à un téléphone portable resté entre les mains de sa compagne à l’extérieur du consulat. Un engin de haute technicité capable de localiser le lieu où se trouve son porteur et même, de mesurer les variations de son rythme cardiaque. Les enregistrements transmis via Le Nuage (ICloud) établissent sans équivoque que Khashoggi  a été torturé avec barbarie avant d’être dépecé… « Le découpage du corps a été effectué par des gardes du corps personnels du prince hériter Mohamad ben Salmane [au demeurant grand ami du président français], et a été enregistré » précise le Daily Sabah. De leur côté les Services spéciaux turcs soupçonnent le commando de tueurs d’avoir enterré le corps dans le jardin de la résidence privée du consul séoudien avant de déguerpir par le premier avion.

Or, le 10 avril dernier Emmanuel Macron recevait à l’Elysée et en grande pompe, l’homme fort de l’Arabie malheureuse, Mohammed ben Salman. Un an plus tôt, le 9 novembre 2017, se rendant à Abou Dhabi pour y inaugurer le « Louvre des sables », M. Macron effectuait un détour par Riyad afin de revenir (croyait-il) avec le Premier ministre libanais Saad Hariri et sa famille dans ses bagages (quel joli coup de pub  !). Car celui-ci était retenu à l’insu de son plein gré à Riyad précisément par l’incontournable prince héritier ben Salmane. Séjour involontaire mais fructueux pour Riyad puisque le libanais avait annoncé sa démission de ses fonctions gouvernementales (sur laquelle il reviendra aussitôt de retour au pays) et émit une violente philippique contre les Iraniens, ennemis jurés des Séoud… Chiites contre wahhabites* - nihil novi sub sole. Ce qui avait ravi ses hôtes attentionnés, sachant que le Hezbollah chiites, bête noire de Tel-Aviv, n’est pas véritablement la formation terroriste que dénonce inlassablement Israël (relayé en cela par Washington et par les groupes de pression néoconservateurs, ces judéo-protestants généralement issus des rangs du trotskisme), mais qu’il est également un élément à part entière du gouvernement libanais lui-même.

Or, à la mi-novembre 2017, coup de théâtre, à l’occasion de cette visite impromptue à Riyad, le roi Salmane refusait tout net de recevoir «  le petit Français lui infligeant un affront public sans précédent   » ainsi que le commentait pertinemment Thierry Meyssan depuis son exil de Damas. Faisant observer en outre que, quoique «  la presse française et occidentale ait tout fait pour occulter une partie des événements, l’opinion publique arabe n’a pu que constater la perte vertigineuse de prestige et d’influence de la France au Proche-Orient  ». Raison sans doute pour laquelle (?), oublieux des offenses passées, ayant mis son amour propre tout au fond de sa poche avec son mouchoir par-dessus, M. Macron recevait au début du printemps dernier, le parrain séoudien, lui offrant, entre autres, la satisfaction de vanité d’un strapontin au sein des instances francophones. Promesse de Gascon. Parce que Macron propose mais ces affidés disposent. Et la chose ne s’est pas faite en dépit d’indéniables succès de la diplomatie séoudienne qui s’est vue discrètement octroyer en juin 2015 la présidence de l’une des structures clef du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Un must  !

Allégeance  : va-t-il lui baiser la main  ?

Ayant laissé échapper la sucette francophone promise au parrain de Riyad, M. Macron, complice peu ou prou de la sale guerre du Yémen, sans vision stratégique d’envergure, se voit maintenant obligé, en bon opportuniste qu’il est, de suivre le mouvement en misant tout sur l’Afrique subsaharienne dont la démographie galopante ouvrirait d’alléchantes perspectives  ? Mais à quoi servira les X centaines de millions (700 à l’horizon 2050) de prétendus ou supposés locuteurs francophones  ? Des gens qui ne se tourneront à l’occasion vers Paris que pour en obtenir de l’aide sonnante et trébuchante (ou notre savoir-faire en matière de maintien de l’ordre mondialiste), réservant comme il se doit les plus juteux marchés d’équipements et leurs prolifiques ressources naturelles à la Chine populaire… laquelle colonise sans complexe ni vergogne le continent noir… mais à bas bruit, y compris l’Algérie.

Qui trop embrasse mal étreint, Paris dans sa boulimie d’élargissement commence à ressembler furieusement à la grenouille qui se voulait faire aussi grosse que le bœuf, si bien que «  La chétive Pécore / S’enfla si bien qu’elle creva / Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages / Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs / Tout petit prince a des ambassadeurs / Tout marquis veut avoir des pages   ». La Fontaine, immortel scrutateur des vanités politiques  ! Et Dieu sait que M. Macron est un tout petit marquis qui de la Francophonie a fait une vaste pétaudière. Nul ne s’y trompe, surtout pas Louise Mushikiwabo, cooptée à huis clos Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie en remplacement de  Michaëlle Jean, Canadienne, elle-même d’origine haïtienne (un clou chasse l’autre), qui annonce la couleur  : «  Je ne vais pas faire de miracle ni réinventer la boussole [cela on s’en doutait un peu], car la Francophonie existe depuis longtemps  » tout en s’alignant sur la nouvelle marotte multilatéraliste du sieur Macron avec cette pétition de principe, à savoir  : «  placer l’organisation commune à l’endroit qu’il faut là où elle peut faire la différence  ». Nous voilà servi, Monsieur de La Palice n’aurait pas mieux dit   !

Il est aussi vrai que Macron, dans son discours d’ouverture, sur un ton un peu haletant comme à son habitude, a appelé les dirigeants des 84 pays membres de l’OIF à réinventer la francophonie, selon lui «  trop institutionnelle… qui n’est pas un club convenu, un espace fatigué, mais un lieu de reconquête  », oui da, mais reconquête de quoi  ? Et bien oyez bonnes gens, des valeurs comme les droits de l’Homme. Quel rapport avec la Francophonie me direz-vous  ? Aucun, sauf si l’on considère que les Droits dits humains sont un merveilleux outil d’aliénation des peuples c’est-à-dire de colonisation mentale (plus ou moins irréversible), autrement dit de lobotomisation au service du Nouvel ordre mondial. Concrètement, suivant sa détestable habitude, Macron fait la leçon à la terre entière et spécifiquement à l’Afrique désignée comme «  l’épicentre  » du monde francophone, [où il importe cependant et en priorité] de lutter «  contre l’obscurantisme, l’oppression faite aux femmes et le recul de l’éducation, en particulier celle des jeunes filles  »… M. Macron ne manque d’ailleurs jamais une occasion de nous rappeler son amour de l’Afrique et des jeunes Africains, ne reculant devant aucun bain de foule nonobstant les corps en sueur odorante, que ce soit sur le perron de l’Élysée lors de la Fête de la musique ou pendant sa visite de l’île de Saint Martin… Devrions-nous l’appeler «  Macron l’Africain  »… ou le négrolâtre ?

* Pour mieux comprendre l’imbroglio proche oriental, on lira avec profit «  Les Égarés. Le wahhabisme est-il un contre islam  » de JM Vernochet. Sigest 2014.

JMV - 14 octobre 2018

Le Blob (1988) est un film réalisé par Chuck Russell avec Kevin Dillon, Shawnee Smith. Synopsis : Un monstre étrange venu d’ailleurs, informe et gelatineux, absorbe tout ce qu’il touche...

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