Panique organisée à la bourse
En attendant, ce lundi les marchés ont, discrètement mais violemment, attaqué la bourse de Moscou. Celle-ci a chuté de quelque 13%. Le Rouble a décroché, le gouvernement russe s’est vu contraindre de vendre une partie de ses réserves d’or pour soutenir sa monnaie. Certains parlent de panique. Francfort a également fléchi eu égard aux liens industriels forts existants entre l’Allemagne et la Russie. Resterait à savoir jusqu’à quel point ces paniques boursières ont été spontanées… ou habilement accentuées en sous-main ? Apparemment à Moscou nul n’a été dupe. Un conseiller du président Poutine, Sergueï Glaziev a promis le cas échéant « de réduire à zéro la dépendance économique russe vis-à-vis des États-Unis » [RiaNovosti3mars14]. Politique qui pourrait aboutir à un nouveau « krach » du système financier américain. À bon entendeur salut [2] . Déjà un délestage massif de Bonds du Trésor américain – aussi bien par Pékin pour l’heure silencieuse - devrait s’avérer particulièrement douloureux pour les États-Unis dont la situation de grand malade économique n’autorise pas beaucoup de fantaisies. La guerre de maintenant se conduit sur tous les fronts, du cyber espace aux salles de courtage.
Ajoutons que Moscou dispose d’un levier de pression à l’égard des Européens particulièrement redoutable : le gaz dont 70% des exportations russes à destination de l’Union européenne – notamment les Pays baltes et l’Europe de l’Est - transitent par l’Ukraine. Si la France n’en consomme que 15%, l’Allemagne couvre elle le tiers de ses besoins, pas seulement domestiques, industriels également, avec du gaz russe… au total 25% des approvisionnements européens. Pour mémoire, l’éventualité d’une cessation des transferts avait en 2008 très rapidement rafraîchi les ardeurs bruxelloise qui entendaient, après la crise ossète, faire entrer à marche forcée la Géorgie et l’Ukraine dans l’Otan. Projets immédiatement abandonnés dès que la bise fut venue et que la Pologne commença de grelotter. Bref, même si les réserves gazières stratégiques de la Bundesrepublik se montent actuellement à deux mois, la prudence reste de rigueur.
Merkel à la manœuvre
L’Europe est aux abonnés absents et le diabolique Dr. Schulz, ci-devant président du Parlement - mais qui doit incessamment succéder au Portugais Barroso, dit le Mérou, à la tête de la Commission européenne - reste muet comme une carpe. Au moins jusqu’au Conseil extraordinaire des ministres des Vingt-huit qui doit se tenir ce jeudi 6. Grâce au Ciel, l’Europe tombée par miracle en quenouille, peut encore compter sur la chancelière Merkel, parfaite russophone. Poutine pour sa part, ancien maître espion du KGB, manie paraît-il parfaitement l’Allemand. En fait l’Europe prise dans la tourmente de la crise ukrainienne est désormais allemande. Le vaincu d’hier par l’Armée Rouge est aujourd’hui l’essentielle cheville ouvrière de la relation Est/Ouest.
Parce que Mme Merkel, elle, s’efforce de faire prévaloir la voie de la raison et du dialogue, ce qui n’est hélas pas le cas de la diplomatie française toujours excitée, à demie hystérique, aussi bien au Conseil de Sécurité – mais en termes plus choisis – que sur le Maïdan, où le ministre bis des Affaires extérieures, B-H Lévy, l’homme au décolleté avantageux, était retour ce dimanche 2 mars. Ce sinistre oiseau des tempêtes - autant que de mauvaise augure – venait y prêcher quasiment la guerre à outrance contre sa bête noire, Vladimir Poutine… « Et si les Européens n’avaient qu’une fraction du courage que vous avez eu ici sur le Maïdan. Vous n’avez pas peur, et les Européens auraient peur ? Vous vous êtes dressés devant Poutine, et nous nous coucherions devant Poutine ? Cela n’est pas concevable ». Reste que n’est pas Malraux qui veut !
M. Lévy n’est au demeurant pas le seul de son espèce à prêcher le rapprochement entre les peuples sur le Maïdan. On apprenait ainsi après coup, à travers les vantardises d’un site israélien, qu’un groupe d’une quarantaine de combattants, dont plusieurs sortis des rangs de Tsahal, avaient opéré « la kippa sous le casque » sur les divers théâtres d’opérations subversives ukrainiens [alyaexpress-news.com2mars14]. L’histoire ne nous dit pas s’ils y frayaient avec les vétérans des forces djihadistes de Syrie… autre « guerre civile » dont ces expérimentés guerriers ont su rapporter un indéniable savoir faire en crevant à l’occasion les yeux et en mutilant quelques Bercouts (forces de maintien de l’ordre ukrainienne) [3].
Il faut aussi ajouter qu’au moment où le président Obama tançait sentencieusement la Russie, celle-ci se trouvant de son point de vue « du mauvais côté de l’Histoire », il le faisait en présence du Premier ministre israélien, un formidable expert en la matière [lepoint.fr3mars14]. Il est aussi vrai que les intérêts multinationaux que représente M. Netanyahou avec l’efficacité qu’on lui connaît, sont très présents en Ukraine… dans le gouvernement de transition et dans les régions ! Ainsi « l’oligarche juif ukrainien Igor Kolomoisky vient d’être nommé gouverneur de la région de Dnipropetrovsk, le cœur industriel de l’Ukraine » [jforum.fr3mars14]. Notons que cette nomination annoncée le 2 mars par le président intérimaire, Oleksandr Turchynov, prend place dans le cadre d’un ensemble de lois d’exception parmi lesquelles le remplacement de la plupart des dirigeants de district provinciaux [Gazeta.ua].
Kerry débarque à Kiev, la Guerre Froide revient au galop
En conséquence de quoi l Secrétaire d’État John Kerry arrivait ce mardi 4 mars à Kiev pour apporter le soutien de la grande Amérique au nouveau pouvoir ukrainien. Ceci en compagnie d’une escouade d’experts du Fonds monétaire international [FMI]. Espérons que ce ne sera pas pour y souffler un peu plus sur les braises, car il est bien connu que, lorsque le pitbull judéoprotestant a croché sa proie, il ne veut plus la lâcher. D’aucuns comparent déjà la crise actuelle, eu égard à son ampleur et à sa gravité potentielle, à celle du Mur de Berlin… érigé entre le 12 et le 13 août 1961, l’un des grands pics de crise de la Guerre Froide. Les trois secteurs occidentaux d’occupation – américain, anglais et français – se virent alors en une nuit ceinturés par un rempart de béton et de barbelés qui les isolaient du reste de l’Allemagne fédérale. D’autres voient une analogie criante, et justifiée, avec le conflit russo-géorgien d’août 2008 qui eut pour objet du litige l’indépendance de l’Ossétie du Sud. Reste que la Géorgie ne possède pas de frontières commune avec l’Europe. Une différence notable !
Apaisant, parce que mieux vaut souffler chaud plutôt que le froid, le Premier ministre russe Dimitri Medvedev écrit sur sa page Facebook « La Russie est prête à développer ses relations avec l’Ukraine, mais pas avec les factions qui ont pris le pouvoir en violant la constitution et de nombreuses autres lois de leur État … [bien que] l’autorité de Viktor Ianoukovitch soit pratiquement annulée, il demeure néanmoins le président légitime »… Soulignant par ailleurs le caractère « arbitraire » de l’installation de nouvelles autorités à Kiev, la Russie souhaitant un partenariat avec une Ukraine « forte et stable et pas avec des parents pauvres, qui ont toujours eu la main tendue » [RiaNovosti3mars14].
Léon Camus 4 mars 2014