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Mais qui a tué Lehman Brothers ?

vendredi 6 février 2009

Ce sont des pages qui portent le poids d’invraisemblables soupçons. Leurs conclusions pourraient ébranler une bonne partie de l’establishment new-yorkais sur fond d’une planète financière devenue folle. C’est même un réquisitoire sans précédent dans les annales des tourmentes boursières que contiennent ces documents déposés par un groupe de créanciers la semaine dernière auprès d’un tribunal des faillites de New York - et exposés par le Sunday Times.

LE MONDE | 07.10.08 |

JP Morgan Chase (JPMC) aurait tout simplement précipité la faillite de Lehman Brothers en gelant près de 17 milliards de dollars (12,6 milliards d’euros) d’actifs en liquidités et titres appartenant à l’entreprise en quasi faillite vendredi 12 septembre au soir. Le 15 septembre au matin, victime de la crise du crédit, cette vénérable institution de Wall Street a déposé son bilan. « En conséquence des actions de JPMorgan, Lehman a souffert d’une crise de liquidités immédiates, qui aurait pu être évitée par un certain nombre d’événements, dont aucun ne s’est produit », souligne ce « comité des créanciers » regroupant la plupart des poids lourds de la finance, aux Etats-Unis, en Asie et en Europe.

A écouter l’acte d’accusation, JPMC, principale chambre de compensation de Lehman Brothers, a pris ces actifs en otage pour garantir le remboursement du gros des prêts octroyés à Lehman, soit 23 milliards de dollars. De quoi nourrir la réflexion du juge qui doit examiner le 16 octobre la demande des créanciers d’ouvrir les livres de comptes de JPMC.

« C’est probablement vrai. JPMorgan devait se protéger. L’ordre aurait pu très bien venir du département négoce voulant récupérer les actions prêtées à Lehman ou de la trésorerie inquiète du volume des créances. Et si JPMorgan refuse de faire des affaires avec vous, vous êtes mort », indique un banquier londonien, l’un des rares à accepter de commenter les allégations, même sous couvert d’anonymat. JPMC a qualifié ces accusations d’« infondées ».

Dans cette surproduction à la new-yorkaise, la fin est déjà connue. Pas de « happy end » comme à Hollywood, mais la mort d’un fleuron de Wall Street, 24 000 salariés sur le carreau, les activités de banque d’affaires aux Etats-Unis et en Europe vendues à l’encan à Barclays et à Nomura, des auditions au Congrès et une enquête du FBI. Et, désormais, cette interrogation que même John Grisham, l’auteur du thriller La Firme n’aurait pas pu inventer : Lehman Brothers est-elle tombée à la suite d’un complot de ses concurrents déterminés à chasser du Temple ses banquiers garnements ? Selon le Financial Times, Lehman Brothers a demandé l’aide de la Réserve fédérale américaine (Fed) en juillet en proposant un assouplissement des règles de crédit. Son refus a effectivement « tué » Lehman Brothers. Or, deux mois plus tard, après la mise sous administration de cette dernière, la banque centrale a accepté de permettre à ses rivaux, Goldman Sachs et Morgan Stanley, de se transformer en holding pour obtenir des liquidités supplémentaires.

Le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, a été consulté. Or le grand argentier est l’ancien directeur général de Goldman Sachs, une banque qu’il a sauvée in extremis du naufrage à la mi-septembre. M. Paulson a aussi encouragé JPMC, fort de son bilan et de sa faible exposition aux subprimes hypothécaires, à reprendre successivement et au rabais Bear Stearns et Washington Mutual, au bord de la banqueroute. En favorisant JPMC, le Trésor a créé un deuxième supermarché de la finance capable de rivaliser avec Citigroup en offrant toute la panoplie des services financiers.

Petit retour en arrière. Entré à Lehman en 1969, Richard Fuld, qui est devenu PDG en 1994, a radicalement transformé un spécialiste obligataire en l’une des banques les plus agressives de Wall Street.

Son objectif affiché est de rattraper à tout prix les trois géants que sont Goldman, Morgan Stanley et Merrill Lynch. Se retrouver à l’époque en deuxième division, aux côtés de JPMorgan, est vécu comme une humiliation par ce banquier avide de pouvoir et imbu de sa légitimité. Mais en 2001, à la suite de son rachat par Chase, JPM devient la deuxième banque des Etats-Unis. Lehman est alors marginalisée, reléguée à un rang subalterne dans les métiers les plus nobles, le conseil aux entreprises ou la gestion de patrimoine.

M. Fuld accélère alors l’histoire de cette maison en la transformant en petit bijou de l’ingénierie financière. Les produits structurés, comme le crédit immobilier, les fameux subprimes, constituent un mode de rattrapage idéal.

Mais on ne met pas les pieds dans la cour des grands sans recevoir quelques perfidies pour prix de son audace.

M. Fuld n’en a cure. Avec cet air froid et méprisant qui lui a valu l’une des plus détestables réputations à Wall Street, « Poison », le surnom peu amène que lui a donné un célèbre commentateur de télévision, ne se soucie guère de se faire des ennemis. L’homme, dont l’activisme en agace plus d’un, a été diffamé, mais jamais on n’a trouvé sur lui ce qu’il est convenu d’appeler un dossier. Rien, juste cette implication dans la déroute, en 1998, de Long Term Capital Management (LCTM), le hedge fund (fonds spéculatif) sauvé de la faillite par une intervention de la Réserve fédérale de New York.
Parmi les seize plus importants établissements financiers mondiaux appelés à sauver LCTM figure Travelers. Le numéro deux de ce groupe est un certain Jamie Dimon. Il est aujourd’hui PDG de JPMorgan Chase.

Sur le bureau de M. Dimon, un cadre doré protège la photo légèrement jaunie d’un homme trapu au visage compact, comme écrasé dans un étau d’énergie : J. Pierpont Morgan. Pour expliquer son hostilité envers M. Fuld, le patron de JPMC depuis janvier 2006 aime citer le fondateur de la mythique dynastie bancaire : « Le caractère d’un homme est plus important que sa fortune. » On n’ira pas jusqu’à prétendre que si M. Dimon travaille au minimum quinze heures par jour et exige de ses cadres qu’ils fassent de même, c’est hors de souci d’enrichissement personnel. Mais ce New-Yorkais de souche manifeste un franc dédain pour ceux dont l’action est uniquement motivée par le profit. Tel est le cas à ses yeux de M. Fuld. La commission de la Chambre des représentants a reproché, le 6 octobre, à l’ancien patron d’avoir empoché au bas mot 500 millions de dollars de salaires et de primes depuis 1993 alors que les contribuables se retrouvent avec une ardoise de 700 milliards de dollars.

Par son ampleur et ses conséquences, la déconfiture de Lehman Brothers, produit du système financier mondialisé, transcende bien sûr les questions de personnes. Reste que Wall Street est aussi une serre portée à très haute température où s’exacerbent rancœurs, jalousies et états d’âme de chacun. Selon l’administrateur judiciaire chargé des avoirs européens, la liquidation de Lehman pourrait prendre dix ans.

Quel que soit l’arrêt du tribunal new-yorkais, l’attente paraîtra longue aux créanciers.
Marc Roche


« Quelles leçons tirer de la faillite de Lehman Brothers ? »

Nous ne connaissons donc toujours pas clairement les raisons précises pour lesquelles Lehman a fait faillite…
Il y a en effet un « mystère Lehman » !

http://www.jdf.com/indices/2008/10/...

Pour s’en convaincre, il suffit de relire les commentaires des analystes juste avant la faillite. A partir des comptes arrêtés aux 31 août 2008, ils considéraient que Lehman avait, certes, subi des pertes importantes au troisième trimestre 2008, mais que c’était une société toujours rentable et sans véritables problèmes de liquidités.
Or, une semaine plus tard, fort brutalement, Lehman fait faillite. Il s’agit d’une première surprise car une telle faillite ne semblait représenter qu’une possibilité assez éloignée.Mais la véritable surprise est ce qui se passe après la faillite.
Précisons tout d’abord quelques ordres de grandeur. Le bilan de Lehman faisait environ 640 milliards de dollars dont environ 30 milliards de fonds propres et 170 milliards de dettes non collatéralisées. A l’actif, les titres illiquides représentaient 280 milliards de dollars dont 40 milliards de dollars environ d’actifs difficiles à valoriser (dits « Level 3 » en comptabilité US).
Or après la faillite, la dette Lehman traite à 20% puis à 10% de sa valeur, pour finir à moins de 9 centimes par dollar. Au total, les investisseurs dans cette dette ont donc perdu quelques 150 milliards de dollars. C’est l’énormité de cette somme qui constitue la véritable « surprise Lehman » !

A ce stade, cette déconfiture peut avoir deux types d’explications qui ont des conséquences très différentes pour le jugement que l’on peut porter sur l’action des autorités américaines :

La faillite elle-même crée une perte de valeur monumentale car la liquidation conduit à céder à vil prix certaines activités. Barclays Capital a ainsi indiqué avoir fait une excellente affaire en rachetant une partie des activités américaines de Lehman ; Beaucoup d’actifs étaient mal valorisés dans le bilan de Lehman. Cela soulève donc la question de la sincérité du bilan de cette institution tel qu’établi à la fin août et notamment quant aux normes de valorisation des actifs illiquides. L’avenir et les enquêtes en cours de la SEC et du FBI diront où est la vérité.

Mais, si la deuxième thèse était avérée, on comprendrait mieux la position rigide des autorités américaines, dans l’impossibilité politique de dépenser 100, 150 ou 200 milliards de dollars pour sauver Wall Street ! La découverte de ce trou a nourri les inquiétudes des autres banques qui ont alors pensé que ce qui était arrivé chez Lehman pouvait aussi survenir dans d’autres institutions telles Morgan Stanley ou Goldman Sachs qui sont aussi très « leveragées » et avec une grande quantité d’actifs illiquides et difficiles à valoriser au bilan.

La faillite de Lehman soulève des interrogations sur la pertinence d’un changement des normes comptables pour les institutions financières, et notamment pour les banques ? On peut effectivement avoir deux points de vue sur les normes comptables.

Le premier, probablement dominant en France, consiste à soutenir que l’usage exagéré de la « juste valeur », c’est dire la mise en valeur de marché de l’essentiel du bilan des banques, a aggravé la crise actuelle. En effet, en situation de crise, la dépréciation de certains actifs oblige les banques à lever du capital à un moment défavorable.
Notons au passage que cette critique conduit à deux recommandations assez différentes : soit on réduit l’utilisation de la juste valeur dans les institutions financières -on casse le thermomètre pour qu’il n’indique pas de maladie-, soit on maintient ces règles comptables mais on limite leurs conséquences en termes de ratios prudentiels -on conserve le thermomètre mais on laisse le patient récupérer à son rythme-. Dans ce dernier cas, on pourrait constater la dégradation du bilan d’une institution financière, mais celle-ci disposerait d’un certain temps pour faire face à ces besoins en capital.

Un deuxième point de vue, assez différent, apparaît au prisme de la faillite Lehman. Ici, le principal problème est plutôt l’énorme différence d’appréciation entre la situation que décrivent les comptes au 31 août et celle que l’on constate après la faillite. On revient à la question que nous posions précédemment, Lehman a-t-il appliqué correctement les principes de « juste valeur » ?
Il semble d’ailleurs que la SEC se pose la même question à propos de Bear Stearns. Ceci suggère une grande prudence avant de procéder à un changement des normes comptables. Ne risque-t-on pas d’abandonner le principe de « juste valeur » trop rapidement alors qu’une partie du problème révélé par la crise actuelle serait plutôt une mise en œuvre défaillante de ce principe ?

Un post mortem rigoureux de la faillite de Lehman sera donc précieux.


Crise financière ou guerre secrète

http://www.alterinfo.net/Crise-fina...

Le 14 octobre 2008, le gestionnaire de fonds et l’analyste financier Mostafa Belkhayate a accordé une interview au Capitale.fr, qu’on retrouve également sur son site personnel à cette adresse.

Curieusement l’une des questions et l’analyse de Monsieur Belkhayate sur des possibles causes profondes de cette crise, a complètement disparu sur le site du Capital ?! Cependant, Capital a pris le soin de laisser un lien vers le site de Belkhayate (indiqué plus haut) où l’on peut lire le suivant :
Capital.fr : Qu’est ce qui vous fait penser que la chute n’est pas terminée ?

Mostafa Belkhayate : Lorsqu’il y a un crime, cherchons le coupable du coté de celui qui en profite. Washington a résolu en moins d’une semaine le grave problème des créances américaines : en faisant croire que Freddie Mac et Fannie Mae, deux organismes américains de financement, risquaient la faillite, les financiers yankee ont coupé l’herbe sous les pieds des chinois, qui possèdent près de 400 milliards de dollars d’obligations émises par ces institutions. Ces dernières, aujourd’hui loin de leur valeur initiale, ne peuvent plus être revendues. Tous ceux qui pourraient en acheter en ont déjà ; les japonais, les européens, les russes, les arabes,… Voilà comment on peut dissoudre des milliers de milliards de dollars de dette. Pour moi, c’est la seule explication du sacrifice de Lehman Brothers. C’est ingénieux, d’autant plus que Washington a manipulé le prix du pétrole à la hausse à partir d’avril 2008 pour « offrir » sur un plateau venimeux un maximum d’obligations aux arabes, qui leur ont toujours fait une confiance aveugle. Une fois le plein fait, on lâche le pétrole et les obligations. Le mécanisme a parfaitement marché puisque aujourd’hui les créanciers amis de l’Amérique n’ont que du papier sans valeur entre les mains. Voilà la vraie guerre ! Sauf qu’il me semble qu’on ait sous-estimé la réaction de « ces amis ». Leur réaction sera violente, foudroyante…car ils ne vont pas se laisser faire. La crise boursière ne fait que commencer. On va assister à une attaque en règle sur le billet vert…

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