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Management : le lien social, variable d’ajustement au travail

lundi 24 avril 2023

OPINION - Télétravail, espaces de travail flexibles ou encore semaine de quatre jours : tous ces changements présentent un risque pour notre capital social, pourtant fondamental dans le travail en entreprises, rappelle le docteur en neurosciences.

Gaetan de Lavilleon

A quand remonte votre dernier moment de réelle intelligence collective ? Quand a eu lieu votre dernière discussion personnelle avec l’un de vos collègues ? Votre dernier fou rire a-t-il eu lieu au travail, là où vous passez certainement la majeure partie de votre temps à interagir ? Toute la journée, nous collaborons. Nous interagissons par e-mails, le tchat ou encore en visioconférence. Mais quand prenons-nous le temps d’être véritablement ensemble ? Malheureusement, ce désaveu croissant pour les liens sociaux au travail est loin d’être sans conséquence pour notre santé mentale , comme pour notre efficacité individuelle et collective.

Les récentes évolutions majeures dans l’organisation du travail, qu’il s’agisse du télétravail, des espaces de travail flexibles ou encore plus récemment de la semaine de 4 jours , ont un point commun : elles présentent toutes un risque pour notre capital social, à savoir les ressources sociales dont on dispose pour se soutenir mutuellement, s’entraider, ou agir ensemble. Ainsi, à l’ère du tout collaboratif, une compétition aussi discrète que profonde s’intensifie entre le traitement de nos tâches quotidiennes et le développement, voire le maintien, de notre capital social au travail : une compétition cependant loin d’être équitable !
Télétravail, Flex office, QVT... La réinvention du bureau à la maison et en entreprise.

Diminution de la synchronie cérébrale

Son iniquité provient tout d’abord du fait que la collaboration à distance n’est pas naturelle pour cet organe social qu’est notre cerveau. Lorsque l’on reçoit une information écrite, notre cerveau ne dispose pas de toutes les informations non verbales dont il a besoin pour faire sens de la situation. Le risque est alors de mal interpréter l’intention de notre interlocuteur. D’apparence moins néfaste, la visioconférence pourrait nous laisser croire à la préservation de la qualité de nos interactions sociales puisqu’elle donne à voir nos réactions non verbales. Pourtant, une étude récente internationale (Schwartz et al., 2023) montre une diminution de la synchronie cérébrale qui survient naturellement entre le cerveau d’une mère et de son enfant, lorsque cette interaction se fait en visioconférence. Or, cette synchronie de cerveau à cerveau est supposée tenir un rôle fondamental dans la qualité de nos interactions sociales.

Elle résulte également de l’intensification du travail et de l’explosion des informations quotidiennes à traiter. Quand les journées de travail s’allongent ou qu’elles sont de plus en plus denses, les temps informels constituent l’une des premières variables d’ajustement sur lesquelles rogner pour tenter de contenir la place de la vie professionnelle. En télétravail, ou au bureau, chaque salarié sera donc tenté de ne pas s’impliquer dans des interactions sociales pourtant fondamentales.
Sécurité psychologique

Cette compétition inéquitable n’est pas sans répercussion sur le bien-être des individus comme sur la performance collective. D’une part, car le capital social joue un rôle majeur dans le développement d’un élément qualifié de boost d’engagement par 93 % des salariés, selon une étude Deloitte : le sentiment d’appartenance à l’entreprise et à l’équipe. D’autre part car c’est un pilier de l’intelligence collective en ce qu’il permet de développer un climat de sécurité psychologique, dans lequel chacun peut exprimer ses opinions et réagir à celles d’autrui de manière constructive.

A l’heure où les directions se donnent comme priorité de retenir leurs talents et d’innover dans un contexte ultra-concurrentiel, il serait grand temps de considérer le capital social pour ce qu’il est : une ressource essentielle pour l’entreprise.

Dossier Documentaire Elements d’Information sur le Télétravail -

« A la différence du monde industriel des XIXe et XXe siècles, l’économie post-industrielle dans laquelle nous entrons de plein pied tend à mettre au premier plan la créativité, la souplesse, la rapidité d’adaptation, l’innovation et l’initiative individuelle, le savoir. Plus décentralisée, elle fait de l’exploitation optimale des ressources et des compétences humaines l’un de ses enjeux essentiels. Fatalement, tous les outils qui se mettront au service de cette logique seront promis à un bel avenir. Parmi eux, le télétravail ».

Extrait de :
Thierry BRETON
. Le télétravail en France : Situation actuelle, perspectives de développement et aspects juridiques. Rapport au Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire et au Ministre des Entreprises et de Développement Economique. Paris : La Documentation française, Avril 1996.

I - Télétravail : Eléments en vue d’une Définition Une définition générique ...
Le terme de télétravail est une appellation générique qui renvoie à différentes modalités d’organisation et d’exécution, à distance, d’un travail donné. La définition générale que nous retiendrons ici est celle du Rapport Thierry BRETON : (1)
"Le télétravail est une modalité d’organisation et/ou d’exécution d’un travail exercé à titre habituel, par une personne physique, dans les conditions cumulatives suivantes :

D’une part ce travail s’effectue :
A distance, c’est à dire hors des abords immédiats de l’endroit où le résultat de ce travail est attendu ;
En dehors de toute possibilité physique pour le donneur d’ordre de surveiller l’exécution de la prestation par le télétravailleur ;
D’autre part ce travail s’effectue au moyen de l’outil informatique et/ ou des outils de télécommunications ; il implique nécessairement la transmission au moyen d’une ou de plusieurs techniques de télécommunications au sens de l’article L32 du Code des Postes et Télécommunications, y compris au moyen de systèmes informatiques de communication à distance :
des données utiles à la réalisation du travail demandé
et/ ou du travail réalisé ou en cours de réalisation".
A partir de cette définition générale qui pose d’une manière claire les différents paramètres constitutifs d’une situation de télétravail, plusieurs modes d’organisation différents du télétravail peuvent être identifiés. Ces différentes modalités d’application doivent tenir compte à la fois du lieu d’exercice de l’activité télétravaillée et du statut du télétravailleur.

... et plusieurs modalités d’application

Il existe trois possibilités, pour un télétravailleur, d’être à distance de l’entreprise qui l’emploie. Il pourra se trouver : à son domicile, dans un télécentre avec d’autres télétravailleurs, ou dans tout autre endroit (sa voiture, un hôtel, une entreprise cliente, son employeur).

Il est important de noter que ces trois possibilités peuvent aussi se combiner : le télétravailleur salarié peut travailler tout le temps à domicile (ce qui s’avère être rare), ou en alternance entre le domicile et l’entreprise ou encore dans un télécentre et à domicile.

Le télétravail à domicile

Le télétravailleur à domicile peut avoir trois statuts différents. Il peut tout d’abord être travailleur à domicile s’il remplit les conditions définies à l’article
L. 721-1 du Code du Travail et notamment celles liées à la rémunération au forfait.

Il peut également être salarié de droit commun. Le fait d’être connecté en permanence sur le réseau de l’entreprise témoigne d’un possible contrôle du temps et du contenu des tâches réalisées qui n’est pas différent de celui d’un salarié présent dans les locaux de l’entreprise. Pour cette catégorie de télétravailleurs, le travail télépendulaire fait référence à des salariés travaillant en alternance à leur domicile et dans l’entreprise, avec des moyens équivalents sur ces deux lieux de travail, pour une tâche identique à celle qu’ils auraient pu effectuer entièrement dans l’entreprise.

Enfin, le télétravailleur à domicile pourra exercer son activité en tant qu’entrepreneur individuel c’est à dire en exécutant le travail demandé en toute indépendance vis-à-vis du donneur d’ordre. Ce qui implique :
Le choix des moyens et du personnel,
Une rémunération en relation directe avec le travail effectué,
Un engagement de responsabilité en cas de mauvaise exécution ou inexécution du travail demandé.

Le télétravail en télécentre

Le télécentre est une unité de travail réunissant, en un même lieu géographique, un ensemble de personnes travaillant à distance. Il peut s’agir :

Des salariés d’une seule et même entreprise
On parle alors de Centre satellite ou de Bureau satellite c’est à dire d’une unité relativement autonome à l’intérieur d’une entreprise. Séparée physiquement de la maison-mère, elle garde un contact constant avec elle grâce aux télécommunications.

Des salariés de plusieurs entreprises

Des salariés d’une ou plusieurs entreprises et des entrepreneurs individuels
On parlera alors plutôt de Bureaux de proximité, Bureaux de voisinage ou Télélocal. Il s’agit de centres de télétravail qui réunissent des équipements électroniques partagés par différents utilisateurs Ces centres sont en général situés à proximité des lieux de résidence des télétravailleurs et peuvent également être utilisés pour d’autres activités comme la téléformation. C’est en Suède que ce modèle est initialement apparu en 1984.

Le télétravail nomade, mobile ou itinérant

Ce type de télétravail est exercé par des professionnels dont le travail nécessite de nombreux déplacements - notamment les commerciaux - et qui, grâce aux moyens de communication électroniques, peuvent rester en contact et se relier aux entreprises utilisant leurs services, quel que soit le lieu où ils se trouvent.

II - Pour Quels Domaines d’Activité ?

Le télétravail n’est pas un métier. Il s’agit, comme nous l’avons vu, d’une forme d’organisation du travail qui met en œuvre des moyens techniques nouveaux (l’alliance des outils informatiques et de télécommunications) et qui, de ce fait, permet d’effectuer et de remettre à distance un certain nombre de travaux.

Le développement de cette nouvelle forme d’organisation du travail s’inscrit dans une évolution plus large qui est celle de la « tertiarisation » de l’économie. Nous sommes actuellement entrés dans une société que certains qualifient de post- industrielle ou « société de services »(2). Le tertiaire représente désormais un peu plus de 70% des actifs dont on estime que 45% travaillent sur des ordinateurs. Par ailleurs, la productivité est actuellement fondée sur l’augmentation de la valeur ajoutée. C’est à ce titre que la sous-traitance se développe dans le domaine des services en utilisant les réseaux de télécommunications.

Dans ce contexte, le télétravail peut être considéré comme un des outils privilégiés d’une organisation compétitive du secteur tertiaire. Dès lors, toute entreprise ou organisme dont le métier de base ou une grande partie de ces tâches sont fortement liées à des activités de recueil, traitement, production, transmission et/ou diffusion d’informations, peut être potentiellement intéressée par le télétravail.

Les activités télétravaillables peuvent être classées en trois catégories.

Les fonctions d’assistance Secrétariat/ Bureautique
Dactylographie, permanence téléphonique, prise de rendez-vous et tenue d’agenda, réservations, saisie de données et actualisation de fichiers, Publication Assistée par Ordinateur (PAO), Dessin Assisté par Ordinateur (DAO)...
Ressources Humaines
Administration du personnel, des retraites, des recrutements (notamment le traitement des réponses aux candidatures spontanées), gestion de la formation... Comptabilité/Finances
Traitement des factures et recouvrement de créances, comptabilité, préparation des bilans ou des audits, gestion de la trésorerie et opération de Bourse, suivi de portefeuille...
Assurance et juridique
Préparation des contrats, suivi des contrats, des contentieux et des règlements, dossiers de procédures...
Documentation
Constitution et gestion de bases de données, archivage électronique...
Traduction
Traduction en français, traduction à partir du français...
Conseil et téléformation
Dans divers domaines...

Les fonctions commerciales Marketing
Préparation, réalisation et traitement des études, interrogation des bases de données et surveillance de la concurrence, enquêtes/ prospection téléphoniques... Communication
Réalisation de documents publicitaires, préparation d’événements, analyse des retombées de presse de campagnes de communication...
Vente
Vente, suivi de clientèle (services après-vente), assistance technico- commerciale...

Les fonctions techniques Informatique
Analyse et programmation, aide en ligne logicielle, aide en ligne matérielle, vérification des fonctionnalités logicielles, développement d’applications multimédia...
Maintenance
Télédépannage, mise au point de programmes préventifs, analyse des incidents...

Suite à cette présentation assez large des activités de l’entreprise potentiellement télétravaillables, on est en droit de se demander quelles activités échappent à l’alternative du télétravail ? La mise en œuvre du télétravail, pour être pleinement réussie, nécessite une analyse beaucoup plus fine, qui, à partir des fonctions concernées, permet de définir le poste de télétravail. A cette fin, un certain nombre de critères devront être définis très précisément et notamment :

Les critères de sélection des participants (caractéristiques personnelles, attitudes et aptitudes vis-à-vis du travail)
Les caractéristiques de l’activité concernée (besoins de communication en « face-à-face », périodes de concentration requises, besoins d’accès à des informations non électroniques, définition des étapes, objectifs et résultats à atteindre, degré de confidentialité de l’activité concernée...)
Les critères de sélection des managers (caractéristiques personnelles et professionnelles notamment : aptitude à fixer des objectifs clairs et à déléguer, bonnes aptitudes pour communiquer et motiver les collaborateurs...)
Les frais d’investissement et de fonctionnement (station de télétravail et frais de télécommunications)
Les économies générées par le télétravail (incluant la qualité du service rendu).

III - Les Français Connaissent-ils le Télétravail ?

Voici les principaux résultats d’un sondage réalisé par Teletech International, du 18 au 22 septembre 1995, auprès d’un échantillon national de 1000 personnes représentatives de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus.

Que signifie pour vous le terme télétravail ? (en pourcentages)

Travail à domicile : 28
Travail par téléphone : 15
Sous-traitance de travaux administratifs : 02
Autres : 11
Sans opinion : 44

A qui s’adresse t-il ? (en pourcentages)

Aux mères de famille : 28 A tout le monde : 8,5 Aux chômeurs : 14
Aux personnes handicapées : 5,5
Aux entreprises : 04 Aux secrétaires : 03 Autres : 19
Sans opinion : 18

Quels sont les métiers les plus propices au télétravail ? (en pourcentages)

Secrétariat/administratif : 48
Commerciaux : 13
Autres : 14
Sans opinion : 25

IV - Repères Bibliographiques Publications françaises
BRETON, T. (1994). Le télétravail en France : Situation actuelle, perspectives de développement et aspects juridiques. Rapport au Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire et au Ministre des Entreprises et de Développement Economique. Paris : La Documentation française.

EUROTECHNOPOLIS INSTITUT (1994). Le Bureau du futur, les Centres d’Affaire et de Services partagés. Paris : Dunod.

LE MONDE - INITIATIVES (1995). Les métamorphoses du travail. N° 15646, Cahier n°3.

LEMESLE R-M & MAROT J-C. (1994). Le télétravail. Que-sais-je n° 2809. Paris
 : Presses Universitaires de France.

DATAR (1995). Télétravail, Télé-Economie : une chance pour l’emploi et l’attractivité des territoires. Montpellier : IDATE.

Publications européennes

AVISE - trAVail à dIStancE - (1995). Le télétravail et les personnes handicapées. Commission des Communautés Européennes, Direction Générale XIII : Télécommunications, Marché de l’Information et Valorisation de la Recherche.

TELDET (1994). TElework DEvelopments and Trends. Commission des Communautés Européennes, Direction Générale XIII : Télécommunications, Marché de l’Information et Valorisation de la Recherche.

Rapport BANGEMANN (1994). L’Europe et la Société de l’Information planétaire, Recommandations au Conseil Européen. Bruxelles, 26 mai 1994.

Note :
1 BRETON, T. (1994). Le télétravail en France : Situation actuelle, perspectives de développement et aspects juridiques. Rapport au Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire et au Ministre des Entreprises et de Développement Economique. Paris : La Documentation française.
2 EUROTECHNOPOLIS INSTITUT (1994). Le Bureau du futur, les Centres d’Affaire et de Services partagés. Paris : Dunod.

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