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McKinsey au service du gaz russe en Europe

mercredi 15 juin 2022

Selon des documents internes obtenus par le média Business Insider Deutschland, McKinsey est activement intervenu dix ans durant en faveur du développement de l’expansion du gaz russe en Allemagne et en Europe – des engagements dont il a dû se défaire avec le déclenchement de la guerre en Ukraine.

C’est une information de Business Insider Deutschland du 13 juin 2022.

Dans des documents internes obtenus par le média, il apparaît que McKinsey a effectué pendant une décennie et pour un total d’honoraires d’environ 50 millions d’euros un travail actif d’influence auprès des autorités allemandes pour rendre le gaz russe « indispensable » aux entreprises industrielles allemandes.

En 2010, rappelle Business Insider, cela fait plusieurs décennies (depuis 1973) que la Russie alimente sans discontinuer l’Allemagne en gaz. Mais la part du gaz russe reste alors inférieure à 40 % du total de la consommation allemande et le contexte postcrise de 2008 a vu la demande des industriels allemands freinée et la concurrence grandissante des livraisons de gaz liquéfié par bateaux.

Pour contrecarrer cette tendance, le Kremlin place en juillet 2010 Wladimir Kotenew, l’ancien ambassadeur de Russie en Allemagne, à la tête de Gazprom Germania, la filiale de Gazprom à Berlin pour la distribution du gaz russe en Europe et en Asie.

Une de ses premières initiatives fut de prendre l’attache du patron de McKinsey en Allemagne, Frank Mattern. Rapidement, ce dernier indique le rôle favorable que le cabinet pourrait jouer en Allemagne.

On l’apprenait à la fin du mois de mars, la Fédération de la formation professionnelle (FFP) a mandaté Roland Berger et Ylios dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle portée par Murielle Pénicaud, la ministre du Travail. Le projet de loi présenté début mars est attendu en Conseil des ministres à la fin du mois d’avril puis au Parlement en juin.

Lobbying politique, prises de participation, implication dans la construction d’infrastructures gazières paneuropéennes, organisations d’évènements, discours, publications (notamment d’un « index de la transition énergétique » favorable au gaz) : un plan d’accompagnement est vite mis sur pied.

McKinsey s’engage aussi à faciliter l’accès à de potentiels clients ainsi qu’à des responsables ministériels de haut niveau.

De même, McKinsey propose l’établissement d’un « business case politique » visant à faire la démonstration de « pourquoi le gaz russe est indispensable en tant que partie intégrante du mix énergétique allemand et très directement pour l’industrie allemande ».

Enfin, McKinsey plaide pour le renforcement de l’indépendance de la filiale allemande vis-à-vis de la maison mère et inversement, pour le placement de personnalités allemandes au conseil d’administration de la maison mère. Ainsi, le nom de l’ancien chancelier Gerhard Schröder, connu pour sa proximité avec Vladimir Poutine et son soutien actif, aurait ainsi été soufflé par McKinsey.

Un contrat, qui s’est poursuivi jusqu’à récemment – le cabinet a annoncé l’arrêt de ses missions en Russie et le déplacement des équipes de consultants présentes en Russie (relire notre article) –, est conclu début 2011.

Sollicité, le cabinet a fait savoir qu’il ne pouvait faire aucun commentaire sur des relations passées ou présentes avec ses clients, tout en précisant suivre à la lettre les règles internes selon lesquelles le cabinet se refuse à toute action de lobbying pour le compte de ses clients.

Ce qui apparaît en contradiction avec certains des documents obtenus par Business Insider dans lesquels le lobbying est identifié explicitement comme un des leviers pour augmenter la part de marché de Gazprom en Allemagne et en Europe.

Toutes ces initiatives ne sont en tout cas pas vaines. En 2015, par exemple, BASF, le géant de la chimie allemand, et Gazprom annoncent un échange d’actifs. BASF obtient un accès à un champ gazier sibérien, Gazprom des participations dans les réserves gazières allemandes parmi les importantes.

Récemment, CNBC avait révélé l’ampleur des missions de McKinsey en Russie auprès des plus grands groupes du pays (relire l’article).

Des informations qui interviennent alors que l’Union européenne a décidé un embargo sur le charbon et le pétrole russes, mais pas sur le gaz pour lequel plusieurs pays européens sont largement tributaires de la Russie – 50 % du gaz consommé en Allemagne provient de Russie.

Consultor

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