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La victoire des mathématiques russes sur l’armada américaine

Par Pierre Dortiguier

samedi 20 septembre 2014

Imaginez un film américain, composé de clichés et de cette superficialité d’un nihilisme totalement ignorant de la question de l’Etre, et que le penseur Heidegger dénonçait dans ses cours des années 20 comme de l’Américanisme. A cet égard, le philosophe de la Forêt-Noire pouvait bien comparer métaphysiquement le caractère absolutiste de la Soviétie et de l’Empire yankee, mais la balance n’est jamais horizontale, car la nature est une inégalité permanente ; et la Russie reconstituée vient d’administrer une leçon d’humilité à l’Armada du siècle en bloquant par un Sukhoi 24 le système de l’USS Donald Cook en Mer Noire, en neutralisant son système réputé invulnérable, Aegis, dont l’OTAN doit s’équiper.

Cette mésaventure arrivée le 15 avril dernier a provoqué une protestation du Pentagone, et le simple décodeur équipant l’avion russe, à savoir un dispositif de défense électronique dit Jibiny serait, après une douzaine de passages, parvenu à paralyser le réseau de radars d’une puissance qui a des raisons désormais de s’inquiéter.

Mais quelle est la raison de cet échec US, qui est, reprenons le terme cité plus haut, métaphysique ? Les Allemands nommaient leur armée Wehrmacht, chacun en convient, mais la traduction est peu répandue, c’est une puissance de défense, et c’est dans la réaction que se situe la force et non pas dans l’illusion d’une puissance dominatrice ! Ce qui causa la défaite soviétique en 1941 fut la position insouciante en offensive de ses troupes, selon un dispositif qui avait reçu le nom de « brise-glace » et qu’a décrit le transfuge du GRU Victor Souvorof, dans l’ouvrage de ce nom, paru chez Olivier Orban en 1989. Dans ce cas l’intelligence se fie trop au nombre, à la quantité, en l’occurrence de chars, et non point à l’habileté qui repose sur la compréhension globale de la stratégie de l’adversaire.

Cette dernière manifestation russe est à l’opposé de la politique de force, peut-on dire, après Heidegger, autant soviétique qu’américaine. Et ce n’est pas un des moindres paradoxes que de constater qu’à la fin du dernier conflit mondial génératrice de tant d’illusions futures, dont nous sommes submergées aujourd’hui, l’intelligence n’était pas du côté de la stratégie de puissance, de l’écrasement du pays, mais dans l’invention d’armes modernes, certes non utilisées par manque de temps, mais à l’origine du développement des vainqueurs.

La Russie actuelle a tiré une leçon des affaiblissements de puissances superficielles, et le cerveau d’un savant, ou de son équipe, l’a emporté, craie en main, sur fond de tableau noir, sur les crédits d’une industrie outre-Atlantique se fortifiant de l’épuisement de sa monnaie !

Cette idée n’est pas neuve, mais l’opposition hollywoodienne d’un géant Goliath à un petit David plus rusé que perspicace trompe l’Occident et ceux qui l’imitent. Au lieu du Goliath de la fable, regardons, pour nous éclairer, le Titan de la mythologie, c’est-à-dire d’une histoire raisonnée, à usage d’édification et non d’illusion vaniteuse. Les Titans aspirent à prendre une part de la divinité et non à la caricaturer. Cette part se nomme l’intelligence, celle qui sort toute armée, comme la déesse Minerve du cerveau de Jupiter. Elle n’a rien de cette ruse dont on fait dans notre éducation l’intelligence, et que savent cultiver les sorciers du 11 septembre ou des voleurs du feu de l’atome expérimenté sur les Japonais.

Dans cette perspective, — disons le mieux que prospective — la distinction des castes dont l’Inde fournit une image souvent incomprise et calomniée, préserve l’intellect de la manipulation de castes dévouées à l’avarice et qui imposent une ambition unilatérale à la jeunesse : hors de l’argent point de salut. Mais le monde, s’il est créé, ou éternellement maintenu, ce qui est identique, ne repose que les yeux fixés sur le Bien ; certes, le noble Coran précise que le Dieu unique n’a pas d’yeux, mais c’est pour nous préciser que l’intelligence n’a pas de forme matérielle, et que c’est pour cette raison qu’elle domine l’esprit et guide ses fidèles à ce type de victoire qu’est la défaite des illusions, de l’idolâtrie du visible, du bling-bling !

Quand Rama lève son arc, comme l’on peut le voir sur une place de Denpasar à Bali, il n’enseigne pas autre chose, à son épouse ou part féminine séduite par les démons illusionnistes de la consommation ! La performance des mathématiciens russes et de ceux qui collaborent avec eux est une leçon d’humilité pour l’Amérique qui vit d’une propagande de guerre, mais n’a dû sa puissance d’après-guerre qu’à la supériorité intellectuelle de nombreux adversaires, tel Von Braun, lequel, soit dit en passant, n’a jamais signé le protocole du voyage lunaire.

Cette action russe en mer Noire ne dit-elle pas aussi la supériorité d’un environnement naturel propre à l’espace russe, et peu éloigné de l’idéal européen, permettant de sélectionner librement les meilleurs esprits, et dément donc ce rêve politique US empoisonnant les oisifs, et pour lesquels cette paralysie de leur idole se croyant tout permis après les assauts de ses mercenaires en Ukraine, est une bonne gifle ! Ce Sukhoi est vraiment l’oiseau de Minerve, l’arc de Rama, et le truand retourne à sa taverne !

C’est la fin du film !

Par Pierre Dortiguier - Geopolintel – le 20 septembre 2014

Pierre Dortiguier est un philosophe français ; il est analyste des questions internationales.

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