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Clearstream : Les données occultées

mardi 21 juillet 2009

juillet 2006

Il faut d’abord se pencher sur la personnalité d’Imad Lahoud. Né au Liban le 7 octobre 1967, chrétien, il appartient à la communauté maronite. A l’âge de 15 ans, en 1982, avec son père officier de l’armée libanaise, la famille s’enfuit en France et s’installe à Paris. La vie n’est pas facile. On veut paraître, mais les enfants reçoivent une bourse pour poursuivre leurs études.

Marwan, le frère d’Imad, se révèle brillant et fait Polytechnique. Imad, lui, intelligent, mais moins ardu à la tâche, n’obtient son bac que de peu. En « prépa » au lycée Janson-de-Sailly, il rencontre une jeune fille. Elle s’appelle Anne-Gabrielle Heilbronner et appartient à une famille juive fortunée. Son père, François Heilbronner, est le patron du GAN et un proche de Jacques Chirac dont il a été à plusieurs reprises directeur-adjoint puis directeur de cabinet.

Imad épouse Anne-Gabrielle en juillet 1991, apprend l’hébreu, renonce à sa foi chrétienne et se convertit au judaïsme. Après la fille, il a du génie pour séduire son beau-père et sa vie va être désormais portée par son mariage.

Il y avait pourtant des raisons de se méfier de lui. Il a pris l’habitude de se présenter comme un neveu d’Émile Lahoud, le Président du Liban, quand aucun lien de sang n’existe entre son père et le leader libanais. Il prétend aussi l’auteur de ses jours fondateur des services de renseignements libanais. Un autre mensonge.

La tendance à la mythomanie se doublait chez Imad d’une singulière fascination pour les arcanes du monde du renseignement.

En attendant, il essaye d’autres sentiers. Il se fait embaucher chez Merrill Lynch à Londres et effectue un séjour chez Salomon Brothers, autre banque d’affaire de la City. Son talent de hâbleur lui a permis de gagner beaucoup d’argent. De retour à Paris, au bout de quatre ans, il se montre en Ferrari.

Sa femme a suivi son propre itinéraire. En dépit de ses grossesses, elle a fait l’ENA et dirigé ses pas sur l’Inspection des finances. Il veut voler de ses propres ailes et, en 1998 crée le fonds de placement Volter. Les 40 millions d’euros collectés sont hébergés aux Îles Vierges, un paradis fiscal. Retraité, le beau-père, François Heilbronner, s’embarque dans l’affaire.

Au cours de l’été 2000, le fonds Volter fait faillite. Avec son beau-père, Lahoud est mis en examen pour escroquerie. Sans doute les protections du beau-papa évitent-elles le pire. Celui-ci échappe du reste à la prison. Pas Lahoud qui doit purger 108 jours à la Santé. Un moindre mal, on en conviendra.

Confirmant son penchant pour l’escroquerie, avant même son emprisonnement, et quelques semaines après l’effondrement du fonds Volter, il se lance dans une nouvelle aventure. A la fin de l’année 2000, il rencontre une équipe de journalistes et leur promet de l’argent pour relancer un périodique consacré au golf, « Golf et tourisme. »

En fait, il ne met pas un sou, empoche le plus gros des recettes de publicité et vole les journalistes sur leurs salaires. Ces derniers portant plainte aux prud’homme, il les poursuit au pénal. Affirmant ne rien savoir de la publication, il accuse les journalistes de chercher à l’escroquer. Le comble. Il gagne du temps, certes, mais finit par perdre devant la Justice. Cette dernière le cueillera à nouveau quelques mois après la faillite de la publication. Pour un actif de 41 000 euros, celle-ci affichait 776 000 euros de passif. Résultat, depuis, Lahoud s’est vu interdit de gestion pour cinq ans.

Le chef de l’équipe des journalistes rapporte des faits étonnants. « Il se baladait flanqué d’un garde du corps, raconte-t-il. Le type pesait 150 kilos et mesurait deux mètres de haut. Lahoud le présentait comme un membre du Mossad chargé de sa protection. En fait, son gorille n’avait de commun avec les officiers du Mossad que sa confession juive. C’était un agent immobilier, qui avait fait faillite. »

La victime de Lahoud de poursuivre : « Il était fasciné par le Mossad et par les affaires secrètes les plus tordues. Il prétendait vivre selon les principes du service israélien. Une véritable obsession » On sent là une personnalité étrange.

Lahoud sort de prison en octobre 2002. Le couple a tenu le coup. A son crédit, Anne-Gabrielle n’a pas flanché. Menant sa double vie de femme de détenu et de carriériste, elle n’a pas cessé d’enchaîner les postes de responsabilité dans les cabinets de ministres et travaille encore aujourd’hui aux côtés de Philippe Douste-Blazy, aux Affaires étrangères. Les Heilbronner-Lahoud sont néanmoins endettés.

Il faut à Imad trouver le moyen de s’en sortir. Il déjeune avec son frère, Marwan. Celui-ci, grâce à son mérite, est depuis janvier 2003 le patron de MBDA, une entreprise produisant des missiles pour EADS. Echaudé par les incartades de son frère, Marwan hésite. Il finit néanmoins par se laisser convaincre et organise une rencontre avec Jean-Louis Gergorin, le patron d’EADS. Dès juin 2003, Imad se retrouve consultant en stratégie d’EADS. Un an plus tard, il est embauché au centre de recherche du groupe, chargé de la sécurité informatique. Au cœur de notre industrie de Défense. De plus, contrairement aux affirmations répandues dans la grande presse, il n’a que deux DEA, l’un en mathématiques, l’autre en physique, mais aucun diplôme informatique.

Il fallait un sacré coup de main, pour passer du statut de détenu, en outre toujours inculpé dans une autre affaire, à celui de responsable de l’une des instances les plus sensibles de notre pays. Nous avons appris : Lahoud a échappé aux contrôles obligatoires pour occuper sa fonction. On le voulait dans la place. Uniquement par bonté d’âme, dans une sorte de programme de reclassement des droits communs issus de la bonne société ? Nous en doutons.

En tout cas, à la même époque, on note un étrange ballet entre Lahoud et deux autres hommes : Denis Robert, journaliste enquêtant sur Clearstream, et Florian Bourges, auteur d’un « audit » dans la même entreprise, qui cherche à arrondir ses fins de mois en vendant les petits secrets de son enquête.

« Par hasard, » comme le note ironique Eric Decouty, dans « Le Figaro » des 17 et 18 juin derniers, Robert présente Bourges à Lahoud en juillet 2003. D’abord, il faut savoir : Robert est le neveu du général Philippe Rondot, ( Note Geopolintel : Cette information est fausse c’est Stéphane Denis le journaliste du Figaro qui est le neveu de Rondot…) maître espion lui-même mouillé dans l’affaire Clearstream. Ensuite, en juillet 2003, Lahoud travaille depuis un mois pour EADS.

Un officier de renseignement, un journaliste, un escroc aux dents longues, un « auditeur » qui trahit ses clients et un capitaine d’industrie, Gergorin. On assiste à une concentration d’hommes étranges vibrionnant autour de Clearstream. Survolant rapidement le dossier, on peut avoir le sentiment d’une bande de « Pieds Nickelés » oeuvrant dans la confusion.

Mais, soupesant les données de l’affaire, on est étonné par l’accumulation de hasards et le manque de professionnalisme des uns et des autres. Jusqu’à la caricature, cette affaire ressemble à un mauvais scénario de film. Comme si quelqu’un, manipulant ces gens, en avait écrit le texte. Mais qui ?

Gergorin occupe une place centrale dans les événements : il fait entrer Lahoud chez EADS, au détriment des règles de sécurité, et est un ami personnel de Dominique de Villepin. Il est aussi le « corbeau, » auteur de la dénonciation mettant en cause Sarkozy auprès du juge Renaud Van Ruymbeke. Serait-il le maître d’œuvre ?

Il n’en a pas la carrure. Surprenant chez un homme dans sa position, on observe même chez lui un comportement peu en rapport avec les usages. Il croit dur comme fer son ancien patron, Jean-Luc Lagardère, mort le 14 mars 2003, assassiné par les services russes. Pourquoi pas ? Mais au poste qu’il occupe, Gergorin n’est pas censé s’épancher dans la presse sur un tel sujet.

Comme nous avons repéré chez Villepin les failles de son caractère qui ont pu donner prise à une manipulation, nous faisons les mêmes constats chez Gergorin, lui aussi fasciné par les activités « secrètes, » ou Robert.

Lahoud présente sans doute le profil le plus apte à se laisser piéger. Amateur de complots et groupie du Mossad israélien, habile en escroquerie, il est de plus un pion idéal.

Pour repérer, enrôler et pousser une pareille équipe, il fallait un esprit supérieur. Quelqu’un qui n’apparaîtra jamais sur le devant de la scène.

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