En 2023, la France peut se vanter d’être devenue le troisième marchand d’armes du monde.
L’Ukraine est devenue le troisième importateur d’armes au monde en 2022.
Cette situation est une aubaine pour les exportateurs d’armes comme la France qui détient 11% de parts de marché derrière les Etats Unis et la Russie.
La nouvelle loi de programmation militaire de 2024 à 2030 prévoit une augmentation du budget des armées qui atteindra 400 milliards d’euros sur 7 ans. Avec un budget moyen annuel de 57 milliards d’euros l’industrie de défense française accroit ses performances.
D’ailleurs la France propose le seul solde positif de son économie dans l’armement.
Mais sans le soutien des commandes publiques, il serait difficile de maintenir cette hausse et cette course à l’armement.
Ces succès financiers cachent aussi le caractère odieux de la guerre dans la stratégie du développement de notre complexe militaro-industriel.
La France s’est engagée dans de « sales guerres » comme celle du Yemen. Des véhicules et des armes de guerre françaises ont été utilisées contre des population civiles pour réprimer des révoltes et des manifestations, comme l’indique Amnesty international en 2021 au sujet de l’Égypte.
Le Saudi-French Military Contract, a vu la France fournir des canons Caesar et des frégates à l’Arabie Saoudite.
Selon Amnesty International, la guerre au Yémen a fait près de 400.000 morts sans que la population française s’en émeuve, trop occupée à réclamer des armes pour l’Ukraine.
Si le ministère de affaires étrangères déclare que la Russie est un état dictatorial, que dire de l’Arabie Saoudite et du Qatar.
Mais depuis le conflit ukrainien, Macron a confirmé en juillet 2022 le statut d’économie de guerre.
« Oui, cette année, la guerre resurgissant à nos portes, à nos frontières, a tout changé. Et elle va nous impliquer de changer encore davantage. Et c’est là-dessus que je voudrais revenir avant de terminer mon propos. J’ai parlé, il y a quelques jours, d’économie de guerre. J’aurai l’occasion de le dire demain à nos compatriotes, plus largement. Pour répondre à ce besoin que la Nation va avoir de continuer à s’équiper, parfois d’aider certains de nos amis ou alliés à s’équiper eux-mêmes, nous devons structurer une économie française et européenne dans laquelle les modèles, les rythmes, les standards doivent être envisagés selon, si je puis dire, un solfège différent ».
Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la politique de défense, à Paris le 13 juillet 2022.
L’économie de guerre d’Emmanuel Macron a pris du retard.
La commission de la défense du Sénat estime que les industriels « ne bénéficient pas de la visibilité nécessaire pour se préparer à monter en puissance ».
Beaucoup de paroles, mais encore trop peu d’actes. C’est, en substance, la critique adressée par le Sénat au gouvernement à propos du plan « économie de guerre » lancé à l’été 2022 par Emmanuel Macron, destiné à mobiliser les industriels de l’armement pour produire davantage et plus rapidement. « Si l’expression (…) a le mérite d’impulser une dynamique, elle est excessive au regard des objectifs poursuivis et, surtout, des résultats obtenus à ce jour », indique un rapport sur les enseignements de la guerre en Ukraine, adopté mercredi 8 février par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, que Le Monde a pu consulter.
Tirant les leçons de la guerre en Ukraine et de l’attrition des matériels induite par un conflit de haute intensité, le chef de l’Etat avait sonné le tocsin lors d’une visite à Eurosatory, le 13 juin 2022. « Il faudra aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges, pour pouvoir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos forces armées, pour nos alliés ou pour celles et ceux que nous voulons aider », avait plaidé M. Macron devant les dirigeants de la base industrielle et technologique de défense (BITD), qui regroupe les 4 000 entreprises du secteur. « Vous m’aurez à vos côtés », avait-il ajouté, promettant des « décisions » et des « investissements ».
Huit mois plus tard, le compte n’y est pas, estiment les sénateurs. Dévoilée le 20 janvier, la prochaine loi de programmation militaire (LPM), qui fixe les investissements des armées pour la période 2024-2030, reste encore trop floue, selon eux. Seuls son montant global – 413 milliards d’euros sur sept ans – et ses grandes orientations ont été pour le moment annoncés. Or, « sans engagements fermes de l’Etat, sans contrats-cadres pluriannuels, les industriels continuent à dépendre de l’exportation et ne bénéficient pas de la visibilité nécessaire pour se préparer le cas échéant à monter en puissance », indique le rapport. « En reportant l’effort à la prochaine LPM, nous avons déjà perdu au moins un an », regrette Cédric Perrin, sénateur (Les Républicains) du Territoire de Belfort et coauteur du rapport.
« Pénurie de financements »
Au-delà des commandes qui se font attendre, les sénateurs déplorent l’absence d’avancées sur l’accès des industriels aux crédits bancaires. « Les entreprises de la BITD sont confrontées à une pénurie de financements », assurent-ils. De même, le manque de main-d’œuvre qualifiée, notamment de soudeurs et d’ajusteurs mécaniques, reste un frein à leur développement. « Un grand plan interministériel de revalorisation des métiers industriels est nécessaire », préconise le rapport, ajoutant que « la mise en place d’une réserve industrielle de défense pourrait être l’un des fers de lance de cette stratégie ».