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“Oser dire non” à la Guerre

samedi 22 octobre 2022

Dire « NON » entraîne un rapport de force.
Il peut se manifester par voie référendaire et par le biais des révolutions.
Un peuple qui existe dit non à ce qui est contraire au bon sens, contraire à ce qui unit.

Il est temps de dire non à ceux qui nous mènent à la guerre.

Macron fait la guerre sans la faire.

Emmanuel Macron a promis de livrer davantage d’armes et de matériels à l’Ukraine pour soutenir son effort de guerre.

« la France n’est pas partie prenante à cette guerre (Ukraine) », « nous ne faisons pas partie de cette guerre ». « Notre doctrine veut que l’on évite toute escalade du conflit. Il ne doit pas s’étendre géographiquement ou verticalement, avec des armes chimiques par exemple »

Pour 41% des français, « oser dire non » est la résolution de l’année 2022. Ce chiffre, communiqué par une enquête publiée par l’institut de sondage Ipsos le 6 janvier, éclaire une tendance globale : celle de refuser de se faire abuser – par faiblesse, par excès de gentillesse, par disponibilité du temps de travail… « Dire non » constituerait alors une façon de refuser le culte de la « positivité toxique », du grand « oui » à la vie, béat et parfois un peu niais.

Le philosophe Alain, lui, voit la négation également comme un geste intellectuel fondamental : une manière de douter, de soupeser, puis de nier, de décliner ce qui semblait pourtant évident. « Penser, c’est dire non », résumait ainsi l’auteur des Propos sur les pouvoirs (publiés à titre posthume en 1985). Examinons.

Dire non pour s’imposer. Oser dire non, c’est avoir le courage de s’opposer à ceux qui nous imposent leur volonté. « Les tyrans » et les « prêcheurs », nous dit Émile-Auguste Chartier, dit Alain, ont ceci de commun qu’ils veulent nous faire acquiescer à leur vision des choses, sans nous laisser le temps de la mettre en question, ni de voir si d’autres voies sont possibles.
Or, lorsque je « consens », immédiatement « je ne cherche pas autre chose », explique le philosophe : j’abandonne mon propre pouvoir de réflexion.

Consentir sans réfléchir est une façon de se perdre soi-même, de s’effacer devant les autres. À l’inverse, la négation peut être une manière d’exister sans se laisser impressionner. Ce n’est pas parce que quelqu’un parle fort, qu’il a du pouvoir ou de l’argent, qu’il faut tout lui céder.

  • C’est la raison pour laquelle, selon Alain, le « non » est « un combat ».

Dire non pour rester éveillé. « Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire, le réveil secoue la tête et dit non », écrit Alain. Le « yes man » qui dit oui a tout, tout le temps, est semblable au dormeur qui dodeline de la tête ! Il a perdu cette faculté de critiquer ce qu’on lui propose, de décliner une invitation et d’assumer le refus.
En acceptant tout, sans faire le tri, il vit comme un somnambule ou une marionnette, à la merci du désir des autres. Faire du « non » une résolution permet de lutter contre l’engourdissement de l’acquiescement permanent. Pour Alain, la négation est un geste semblable à celui de se « frotter les yeux » au saut du lit. Elle dissipe « le brouillard » ambiant de l’aliénation et nous rend acteurs de notre existence.

Dire non pour prendre le temps de douter. La croyance a quelque chose de confortable, qui peut rapidement devenir dogmatique. Or, nous dit Alain, « réfléchir, c’est nier ce que l’on croit ». Par cette négation, on s’astreint à ne rien tenir pour acquis, à lutter contre l’évidence qui s’offre à notre perception. Par exemple, ce n’est pas parce que je ne vois pas la courbe de la Terre que celle-ci est plate. Nier, explique Alain, c’est oser dire « non, tu n’es pas ce que tu sembles être. Comme l’astronome dit au soleil ; comme dit n’importe quel homme aux images renversées dans l’eau ». Le « non » est un refus du donné immédiat qui laisse place au doute. Il se présente à ce titre comme un geste épistémologique fondamental, qui permet de faire avancer la science.

Dire non pour apprendre à penser contre soi-même. « C’est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l’heureux acquiescement. Elle se sépare d’elle-même », poursuit Alain.
Pour pouvoir dire « non » aux autres, il faut donc commencer par savoir se dire « non » à soi. Car c’est à nous-mêmes et à nos propres pensées que nous avons le plus facilement tendance à dire « oui ».
Nous cédons souvent à nos affects, à nos schémas de réflexion habituels sans prendre le temps de les remettre en question, de les examiner. Or, prévient Alain, « qui se contente de sa pensée ne pense plus rien ». Voilà pourquoi le tout premier « non » – et le plus important – est celui que l’on ose se dire à soi-même… Et cette faculté d’accepter de penser envers et contre soi est sans doute la résolution la plus difficile à tenir.

Philomag

Jacques Chirac, l’homme qui a dit non à la guerre en Irak

A l’international, le président français reste celui qui marqua son opposition à l’intervention contre le régime de Saddam Hussein.

C’est le jour où Chirac a dit non. Le 10 mars 2003, le chef de l’Etat annonce solennellement, aux 20 Heures de TF 1 et de France 2, qu’il opposera son veto à toute résolution de l’ONU autorisant la guerre contre l’Irak.

Un non cinglant adressé au président américain George W. Bush, qui rêve d’abattre le régime de Saddam Hussein à Bagdad. S’ils veulent la guerre, Bush et ses alliés, Tony Blair en tête, seront donc contraints de la mener en toute illégalité internationale, faute du feu vert onusien.

A l’étranger, Jacques Chirac, qui s’est éteint jeudi 26 septembre à l’âge de 86 ans, restera le président qui a dit non à la guerre en Irak, un non qui confortera sa popularité dans le monde arabe. Mais il fut aussi celui qui provoqua la colère des Allemands en relançant des essais nucléaires, et, à plusieurs reprises, l’indignation des Anglais.

Le non à la guerre en Irak marque l’apogée de longs mois de bataille, au cours desquels Jacques Chirac, aiguillonné par son tempétueux ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, a pris la tête du camp de la paix, avec l’Allemand Gerhard Schröder et le Russe Vladimir Poutine.

Cela restera aussi l’acte le plus fort de douze ans de diplomatie chiraquienne. Il y aura gagné, l’espace de quelques mois, une popularité considérable, en France comme à l’étranger, acclamé notamment par la « rue arabe ». D’autant que les faits lui donneront raison : la guerre de Bush entraînera, certes, la chute du raïs irakien, mais seize ans après le Moyen-Orient est plus instable que jamais.

L’antiaméricanisme, axe de la politique étrangère de Chirac ? L’intéressé a pu lui-même le laisser penser. « J’ai un principe simple en politique étrangère, aurait-il confié à Lionel Jospin au début de la cohabitation : je regarde ce que font les Américains et je fais le contraire. Alors je suis sûr d’avoir raison ! »

La réalité est plus complexe. Chirac, qui a si souvent varié dans sa carrière, en politique intérieure comme extérieure, fut ainsi un admirateur de Reagan puis un complice de Clinton… avec lequel il envisagea même un retour de la France au sein du commandement intégré de l’Otan — que mènera à bien son successeur, Nicolas Sarkozy.

Qu’est-ce qui a alors poussé Chirac à jouer les Monsieur Non ?

Deux choses. D’abord, ce président qui adorait l’international et n’était jamais si heureux qu’en s’envolant en voyage officiel à bord de son Airbus, loin de la boutique politicienne et des pesanteurs élyséennes, s’était érigé en champion du multilatéralisme. Le droit contre la force, incarnée le plus souvent, de fait, par l’hyperpuissance américaine.

Pour ce féru d’orientalisme et d’arts premiers, les pays arabes, l’Afrique, l’Asie devaient peser autant que les « grands » occidentaux. Certains y voient une nostalgie de sa jeunesse, quand il flirtait avec le communisme et signait l’appel de Stockholm pour le désarmement de la planète. D’autres, une nostalgie de l’ère gaullienne, où la France faisait entendre sa voix entre l’Est et l’Ouest en pleine guerre froide.

Dans le monde arabe, « Docteur Chirac »

Deuxième explication, : la fameuse « politique arabe » de la France, non exempte de néocolonialisme. Du Caire à Rabat, de Riyad à Alger, c’est la région où il s’est rendu le plus souvent (Union européenne exceptée).

Il soutint comme nul autre Yasser Arafat, qui l’appelait « docteur Chirac ». C’est d’ailleurs en France, dans l’hôpital militaire où il l’avait accueilli, que mourut en 2004 le président de l’Autorité palestinienne.

Moubarak, Saddam Hussein, Assad père et fils, le roi Hassan II puis Mohammed VI… Chirac était à tu et à toi avec tous les autocrates arabes et se flattait de parrainer leurs rejetons en politique. Avec le souverain marocain, et plus encore avec le Premier ministre libanais Rafic Hariri, assassiné en 2005, les liens étaient d’ordre privé autant que public.

« Il personnalisait à outrance les relations internationales, se souvient un ancien conseiller diplomatique élyséen. C’était plutôt une faiblesse qu’un atout. » Cela induit aussi une vision du monde un brin dépassée, un penchant systématique pour l’ordre établi et le statu quo. « On sait ce qu’on perd, on ne sait jamais ce qu’on gagne », avait-il coutume de dire à ceux qui le mettaient en garde sur les excès de ses amis dictateurs.

En Tunisie, il osera lancer aux opposants à Ben Ali que le premier des droits de l’homme, c’est d’avoir à manger dans son assiette ! Quelques années plus tard, les printemps arabes prendront la France de court…


Pour les Allemands, Monsieur Essais nucléaires

Avant la vague de « French bashing » déclenchée aux Etats-Unis par le non à la guerre en Irak, Jacques Chirac avait, en rompant le moratoire sur le nucléaire pour mener une dernière campagne d’essais, réussi à déclencher, outre-Rhin, une vague de francophobie sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

« A bas Chirac ! », entendait-on dans les rues de Berlin en 1995. Du jamais-vu en Allemagne ! Dans un pays traditionnellement antinucléaire, on avait appelé au boycott du champagne et d’autres produits venant de l’Hexagone. Un épisode que personne n’a oublié.

« Jacques Chirac restera néanmoins une figure de la République française », tempère Frank Baasner, directeur de l’institut franco-allemand de Ludwigsburg. Il a notamment été le premier chef d’Etat étranger à prononcer un discours au palais du Reichstag, siège de l’Assemblée fédérale à Berlin, le 27 juin 2000.

Mais de Chirac, les Allemands se souviennent, surtout, du baisemain fait à la chancelière Angela Merkel, fraîchement élue. La photo fera la une de tous les journaux.

Avec Helmut Kohl, le chancelier de la réunification, l’amitié fut en revanche de raison. Et les relations parfois crispées. Sur la question nucléaire notamment. Kohl n’a jamais eu avec Chirac la complicité qu’il pouvait avoir avec Mitterrand.

Et avec le successeur d’Helmut Kohl, le social-démocrate Gerhard Schröder, les rapports ont été plus tendus encore. En 2001, lors du sommet de Nice, les deux hommes ne sont pas parvenus à s’entendre sur la réforme des institutions européennes et la politique agricole. Le réchauffement prendra du temps.

Mais lorsque Chirac invite, en 2004, Schröder aux cérémonies du 60e anniversaire du débarquement de Normandie, les Allemands sont très touchés. Le chancelier, qui venait tout juste de retrouver en Roumanie la tombe de son père mort au combat, n’a cessé de faire référence à ce « geste de la France » pour illustrer le chemin parcouru vers la réconciliation entre les deux pays. Schröder a été très fier d’être le premier chancelier allemand à participer à une cérémonie officielle du Jour-J.

La mauvaise réputation de Chirac outre-Rhin avait déjà été balayée après la décision commune de la France et de l’Allemagne de ne pas participer à la guerre en Irak en 2003. « Ce choix lui a apporté énormément de sympathie en Allemagne », confirme Baasner. Les Allemands n’avaient encore jamais osé dire non aux Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Avec la France, l’Allemagne se sentait soutenue dans sa démarche.

Avec les Anglais, l’amour vache

Avec les Britanniques, souvent choqués par le comportement du président français, les relations ont été tumultueuses. A l’image de ces propos − peu amènes − qui fusent, en marge d’une réunion en Russie, en juillet 2005. « La seule chose que les Anglais aient faite pour l’agriculture européenne, c’est la vache folle »… Et Chirac d’enchaîner : « On ne peut pas faire confiance à des gens qui ont une cuisine aussi mauvaise. »

A l’époque, Londres et Paris sont à couteaux tirés. Le Royaume-Uni préside l’Union européenne et veut remettre en cause les aides à l’agriculture, qui profitent surtout à la France. Les deux pays s’affrontent aussi pour remporter l’organisation des JO de 2012. N’empêche. Les mots très directs du chef de l’Etat français choquent les sujets de Sa Gracieuse Majesté.

« Ces attaques sarcastiques contre le Royaume-Uni révèlent une bonne fois pour toutes sa personnalité de sale type, méchant, mesquin et raciste », écrit le « Sun », premier quotidien outre-Manche. Shocking, ces propos si crus, au pays des euphémismes et des manières policées.

En retard chez la reine

Mais plus encore que le contenu du discours, c’est peut-être la forme qui choque. Après tout, Jacques Chirac a eu l’outrecuidance d’arriver une demi-heure en retard à une réception chez la reine Elizabeth en 2004.

« Le président français était (à nouveau) en retard », commente l’« Evening Standard ». Un chef de l’Etat reconnu pour ses mauvaises manières, rapportées notamment par le Premier ministre britannique de l’époque Tony Blair. « Mon pire souvenir de sommet européen, c’était je crois en 2000. Les discussions duraient toute la nuit, et tout le monde en avait vraiment marre. Je me rappelle qu’à un moment, Jacques Chirac, qui dirigeait le processus, a mis ses pieds sur la table, sorti un livre d’art japonais, et a commencé à lire ! »

Ce comportement pour le moins cavalier choque, d’autant plus dans un contexte de tension entre Londres et Paris sur le sujet des budgets européens. Le président français incarne en quelque sorte l’européisme face à une Grande-Bretagne qui rêve de plus d’indépendance et surtout de moindres dépenses.

Il traite Thatcher de « mégère »

Pour preuve, cet échange devenu presque mythique, entre Jacques Chirac, alors Premier ministre, et son homologue Margaret Thatcher. Nous sommes en février 1988 et la Dame de Fer proteste, une fois encore, contre le montant des contributions britanniques au budget européen.

Le Premier ministre français s’agace sans langue de bois, pensant son micro fermé : « Mais qu’est-ce qu’elle me veut de plus cette mégère ? Mes couilles sur un plateau ? » « Propos orduriers » selon la presse britannique. Que Jacques Chirac assume, tout en confessant dans ses Mémoires publiés en 2009 son admiration pour Margaret Thatcher.

« C’est l’une des figures les plus craintes au niveau international, décrit l’ex-président de la République. Ce qui l’a rendue admirable à mes yeux, c’est qu’au-delà de ses convictions, elle n’a jamais douté qu’elle avait raison. » Une relation d’amour vache, donc, à l’image de celle entre Londres et Paris.

Le Parisien

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