Emmanuel Macron a reçu les francs-maçons à l’Élysée
Le président de la République a reçu mercredi les représentants des grands courants de la franc-maçonnerie française. Il a notamment été question de la laïcité.
Ouest-France 05/09/2018
Après avoir fêté le Nouvel an juif mardi, Emmanuel Macron a accueilli les principaux grands maîtres de la franc-maçonnerie mercredi soir lors d’un dîner à l’Élysée, a-t-on appris auprès du Grand Orient de France (GODF).
« C’est la première fois que le président les invite tous ensemble à l’Élysée depuis son entrée en fonction », a affirmé le GODF. Interrogé, l’Élysée n’avait pas fait de commentaire sur cette rencontre.
Selon un invité, étaient conviés, outre le GODF, la Grande loge de France, la Fédération française du droit humain, la Grande loge féminine de France, la Grande loge nationale de France, la Grande loge mixte de France, la Grande loge de l’Alliance maçonnique française ou encore la Grande loge traditionnelle et symbolique Opéra.
La laïcité au menu
Le thème de « la laïcité, alors que le président a promis un grand discours sur ce sujet, très attendu » a été au menu de cette rencontre, tous comme les questions de « bioéthique, l’Europe et le développement durable », selon cette source.
Présidentielle 2022. Et vous, quelles sont vos idées pour la France ?
Le GODF, plus grande association maçonnique française, avait fortement réagi après le discours d’Emmanuel Macron devant les évêques au collège des Bernardins en avril lors duquel le chef de l’État avait appelé à « réparer » le lien « abîmé entre l’Église et l’État ». Le GODF lui avait demandé de « revenir sans ambiguïté sur cette réintroduction inacceptable du cléricalisme dans la République ».
Qui est Yuval Noah Harari, l’historien qui murmure à l’oreille de la planète
Yuval Noah Harari est un historien et philosophe israélien. Il est est sans doute l’un des plus grands vendeurs de livres aujourd’hui, puisque son livre « Sapiens » s’est écoulé à 12 millions d’exemplaires dans le monde. C’est aussi l’homme qui murmure à l’oreille d’Emmanuel Macron, de Bill Gates, etc.
Lorsque Mark Zuckerberg ou Emmanuel Macron le questionnent, il écoute attentivement, réfléchit et répond sur des sujets aussi divers que l’homme de Néandertal, les voitures sans chauffeur ou le dernier épisode de Game of Thrones. Il a un avis sur tout - et aussi un art de l’évitement assez fort.
Homo Deus Yuval Noah Harari
Dans les pas de « Sapiens » publié en France en 2015, Homo Deus expose l’être humain sur la dernière marche de l’évolution. Et il pourrait bien en tomber ! Depuis plus de 50 ans, le développement et l’usage des algorithmes informatiques modifient profondément nos sociétés au point de questionner sur le devenir de l’humanisme et du libéralisme. Comment vont-ils résister à l’invasion du Big Data ?
Dans une large fresque historique, le Pr Harari nous invite à comprendre les lois qui ont régi la vie en société, leur construction et leur déconstruction, comme une mise en garde contre le risque que fait peser sur notre avenir le développement exponentiel, et potentiellement incontrôlé, de l’intelligence artificielle.
A l’image des animaux domestiqués et sur exploités dans notre ère moderne, le genre « homo sapiens » n’est-il pas condamné à une existence accessoire et contrainte, dominé par une intelligence contre laquelle il ne peut rivaliser. Face au « techno- libéralisme » et au « dataïsme », l’homme perd son caractère « in - divisible » pour ne devenir qu’un moyen au service du partage de l’information - religion suprême dont ce livre dénonce les risques.
Points forts
- Pour comprendre l’avenir que dessine le progrès des nouvelles technologies de l’information, Yuval Noah Harari nous invite à réfléchir sur ce qui a fait « sens » dans notre histoire pour nous conduire à notre état de civilisation.
Parmi d’autres analyses, il constate que les religions monothéistes ne sont plus des forces de progrès mais des forces de réaction aux progrès du monde. Quels seront alors les valeurs et défis d’un 21e siècle « débarrassé des famines, des guerres et des épidémies » ? Arguments à l’appui, il expose la quête d’une nouvelle spiritualité pour hisser l’homme au niveau de Dieu - mais pas le Dieu de la Bible ou du Coran, mais Dieu de l’Olympe, démiurge « aux supers-pouvoirs » de l’ère nouvelle du web omniscient et de l’intelligence artificielle.
- Coopération, écriture, capacité à adhérer à des « réalités intersubjectives », ce livre propose beaucoup d’analyses intéressantes, (dont certaines pourront choquer) sur les mécanismes qui construisent religions et sociétés, et ont conduit à la prééminence de l’homo sapiens sur le monde vivant. Sur ces bases conceptuelles et par analogie, il nous invite à envisager les conséquences actuelles du culte des « data », de l’internet, de l’interconnexion des données sur notre modèle humaniste et libéral.
- Malgré la gravité du propos, ce livre conserve une qualité didactique et un humour provocateur, servis par des titres (une brève histoire des pelouses, la vie déprimante des rats de laboratoires…) et des formules bien pensées.
Quelques réserves
- A la différence de Sapiens, les démonstrations d’Homo Deus portent en elles un certain nombre de ses partis pris. Bien que très argumentés, les développements sur l’identité animale, la quête du bonheur, le rôle de l’histoire, le libre arbitre, le moi… m’ont semblé longs et parfois ennuyeux. Et parfois cousus de fil blanc comme la négation de l’identité animale et son exploitation intensive, analogies possibles à la menace d’asservissement et d’exploitation que fait peser l’intelligence artificielle sur l’humanité au cours du 21e siècle.
- Ce livre met Dieu en mauvaise posture. La démonstration qui est faite de la construction des monothéismes ou de l’animisme peut paraitre sans concession, réduisant toute transcendance à une réaction biochimique ou à un des algorithmes qui déterminent les lois du vivant. Si ces développements peuvent choquer plus d’un, ils méritent d’être lus pour l’indépendance d’esprit - qui n’est pas un manque de respect - dont ils témoignent.
Dans le livre Conversations avec le Président de Samuel Pruvot, rédacteur en chef chez Famille Chrétienne, Emmanuel Macron revient notamment sur sa définition de l’identité française. Il se revendique pleinement héritier des Lumières.
EXCLUSIF. Emmanuel Macron : « Ce en quoi je crois »
Le chef de l’Etat expose sa vision de l’articulation entre rationalité et religion. L’une et l’autre peuvent se nourrir. « Cela est même souhaitable », écrit-il. Inattendu.
« Aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous », écrit Emmanuel Macron.
Parce qu’il avait prévenu dès la campagne de 2017 - « Je ne sépare pas Dieu du reste » (confidence soufflée au JDD) -, nous avons eu envie de demander au chef de l’Etat : rationalité et spiritualité peuvent-elles, doivent-elles, vivre ensemble dans la France de 2022 ? Après une épidémie qui a mis la raison des uns sens dessus dessous, qui a vu la parole scientifique reléguée par les autres au rang de croyance en laquelle il est possible de ne pas avoir foi, Emmanuel Macron érige-t-il un mur entre science et religion ? Lui qui dans le passé n’a pas hésité à évoquer l’existence d’« une transcendance » le formule clairement dans le texte qu’il a écrit pour L’Express : « Aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous. »
Cette certitude ne lui fait pas perdre de vue le nécessaire combat pour que « la science demeure un idéal et une méthode ». Inquiet de constater notamment la montée de l’intégrisme religieux, le président refait ici l’éloge de la laïcité, qui seule rend possible cette « cohabitation » en laquelle il croit de la rationalité et de la spiritualité. Laureline Dupont
Réenchanter le monde, par Emmanuel Macron
Jamais, sans doute, l’humanité n’a eu autant besoin de science.
La pandémie que nous traversons en est l’exemple le plus prégnant. Sans la science qui, avec le conseil scientifique, les sociétés savantes, les médecins et les chercheurs du monde entier, a éclairé chacun de nos choix depuis le premier jour, nous aurions à déplorer beaucoup plus de décès. Sans la science qui, en quelques mois, a su inventer un vaccin, le produire et le distribuer, le monde continuerait de vivre au ralenti, de confinements en confinements, de drames en drames.
La résolution du défi du siècle, le réchauffement climatique, est également indissociable de la science. A la fois pour comprendre la mécanique de ce phénomène, ce à quoi s’attellent régulièrement les milliers de scientifiques du Groupement international d’experts sur le climat. Et pour élaborer les solutions qui, énergies propres, stockage de carbone, matériaux biosourcés ou solutions agroécologiques, nous permettront de concilier développement humain et réduction des émissions de gaz à effet de serre, progrès et écologie.
La science enfin se trouve au fondement des innovations qui changent et vont changer nos vies, elle est le moteur du progrès. Numérique, véhicules électriques, nouveau spatial : l’ensemble des produits et services qui façonnent notre époque de même que les révolutions qui, assises sur le quantique ou l’intelligence artificielle, feront la décennie sont marqués par une empreinte scientifique forte.
Cette part croissante de la science dans le cours du monde exige des grandes puissances qu’elles investissent massivement dans ceux qui, chercheurs, techniciens, innovateurs, sont les artisans de la recherche et de l’innovation.
Les acteurs privés bien sûr s’engagent qui, pour les plus importants, assument d’explorer des voies qui ne trouveront pas toujours d’issue marchande. Mais c’est d’abord à la sphère publique que revient la mission de constituer un terreau favorable à l’excellence scientifique.
Depuis cinq ans, la France qui, de Louis Pasteur à Pierre et Marie Curie, se distingue par une tradition hors norme confirmée par les récents prix Nobel et médaille Fields obtenus par ses ressortissants, renoue avec une stratégie d’investissement massif dans ce domaine. La loi de programmation pour la recherche, dotée de 25 milliards d’euros sur dix ans, scelle un effort inédit pour rattraper le retard pris et permettre la montée en gamme de nos universités et de nos laboratoires de recherche. Nous avons aussi, dès 2017 puis à la faveur de France relance et de France 2030, acté de grandes ambitions pour l’intelligence artificielle, le quantique ou encore la santé.
Au niveau européen, notre pays a été à l’initiative pour que le programme-cadre de recherche et développement de la Commission se dote d’un budget à la hauteur des enjeux - près de 100 milliards d’euros - et consente enfin un effort pour la recherche fondamentale et les jeunes chercheurs.
Il ne s’agit toutefois là que d’un début, un rattrapage et une indispensable modernisation qui nous permettent plus d’ambition de changement et d’investissement pour l’avenir.
Mais l’enjeu n’est pas seulement budgétaire, il est culturel. Car, parallèlement à l’augmentation du besoin de science, la remise en cause du discours scientifique n’a cessé de se développer dans nos sociétés.
Le complotisme gagne du terrain et prend des formes de plus en plus extrêmes, comme en témoigne l’emprise croissante de la mouvance QAnon.
L’intégrisme religieux, et ses explications totalisantes qui privilégient la foi sur la raison, la croyance sur le savoir et excluent le doute constructif, devient de plus en plus prégnant.
L’avènement de l’ère du « tout-se-vaut » disqualifie chaque jour un peu plus l’autorité du chercheur, dont la parole est mise au même niveau que celle des commentateurs.
En même temps que nous nous donnons les moyens d’atteindre l’excellence scientifique, il est donc nécessaire d’agir pour que la science demeure un idéal et une méthode, que le « vrai » retrouve ce statut d’« évidence lumineuse » que décrivait Descartes.
Voilà pourquoi j’ai lancé le 29 septembre 2021 la commission les Lumières à l’ère numérique. Présidé par le sociologue Gérald Bronner, ce collectif de 14 experts reconnus formulera des propositions pour faire reculer le complotisme et éviter que le flux informationnel auquel chacun est confronté ne présente des faits orthogonaux à ce qui dit le consensus scientifique, ce qui est trop souvent le cas.
Voilà pourquoi aussi la nation tout entière doit se mobiliser pour opposer au complotisme le raisonnement éclairé, au relativisme la culture des faits et la reconnaissance de l’autorité scientifique, à l’intégrisme une République ferme dans sa défense, forte de ses valeurs, nourrie par ses débats. Gaston Bachelard définissait « l’esprit scientifique » comme la faculté à « se défaire de l’expérience commune » et à accéder à cette idée que « rien ne va de soi, rien n’est donné, tout est construit ». Il nous faut faire de la formation à l’esprit scientifique dès le cycle primaire. L’école en effet ne saurait seulement instruire. Elle doit faire des républicains, c’est-à-dire forger des êtres informés et libres. Citoyens. Ce sera là un grand défi des années à venir.
Et Dieu dans tout ça ? Contrairement à ce que l’interprétation toute voltairienne des Lumières françaises a longtemps imposé comme grille de lecture, ce programme de développement de l’esprit scientifique ne s’oppose en rien à l’expression des religions.
D’une part parce qu’il ne s’agit pas d’imposer un positivisme forcené, une religion de la science qui se substituerait à toutes les interprétations du monde. Comme l’a si bien résumé Rabelais, la science ne vaut en effet que lorsqu’elle est éclairée et guidée par les sciences humaines, la philosophie, le politique et s’inscrit dans un débat démocratique visant à construire l’intérêt général.
Dieu et la science ne s’opposent pas ensuite parce que la croyance en l’un est souvent allée historiquement avec le développement de l’autre. Les travaux sont anciens qui ont montré combien l’islam avait nourri une tradition d’algèbre, d’astronomie et de médecine puissante. Plus récemment, le penseur anglais Tom McLeish a fait état des apports réciproques entre développement de la science et développement du fait religieux lors de la petite Renaissance du XIIIe siècle - un évêque anglais aurait même eu l’intuition du big bang. Dans son dernier ouvrage, le grand Jürgen Habermas a montré comment la philosophie grecque a pu se nourrir du religieux, et notamment de la rupture avec les mythes à l’âge coaxial (de 800 à 200 av. J.-C.).
Au-delà, je crois profondément qu’il peut exister des continuités entre Dieu et la science, religion et raison. Regardons notre Europe ! L’égalité des droits de l’homme en dignité et en droits n’a-t-elle pas été préparée par l’égalité des hommes devant Dieu pensée par le christianisme ? De même l’esprit critique défendu par les Lumières n’a-t-il pas été précédé par le rapport individuel au texte sacré défendu par le protestantisme ?
Oui, la science et Dieu, la raison et la religion peuvent donc vivre côte à côte, parfois même se nourrir. Cela est même souhaitable tant aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous.
Nous avons, en France, un cadre unique qui, séparant l’ordre temporel de l’ordre spirituel, rend possible cette riche cohabitation : la laïcité. Artisan de cette belle idée, Aristide Briand disait : « Il fallait que la séparation ne donnât pas le signal de luttes confessionnelles ; il fallait que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s’exprimer librement. »
C’est en étant fidèle à l’esprit de Briand, en suivant le chemin de concorde qu’il traçait que la France continuera à être une nation infiniment rationnelle et résolument spirituelle.
Nation de citoyens libres de critiquer et libres de croire.