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La mairie de Vincennes veut parler de sexe avec les enfants

mercredi 3 février 2021

La mairie @VincennesVille
invite parents des maternelles/primaires à une conférence pour parler sexualité avec leurs enfants (dès 3 ans !!). Le conférencier est fortement impliqué dans le mouvement LGBTQ+

La conférence se tiendra sur la chaîne Youtube Vincennesmaville
https://www.youtube.com/channel/UCO...

Oser parler de sexualité avec mon enfant !

Réunion animée par monsieur Miguel-Ange GARZO, psychologue, psychothérapeute.

La question ou les questions autour de la sexualité sont présentes depuis le plus jeune âge et nous accompagnent durant toute notre vie. Il n’est pas simple pour les parents de pouvoir en parler, il faut parfois même dépasser la notion de « oser en parler », qui marque bien dans sa formulation la présence des tabous liés à ce sujet. Parler de sexualité avec son enfant est bien entendu un sujet complexe, car cela signifie parler de sexe, de sentiments, de respect, du corps qui change, d’orientation sexuelle, de prévention…autant de sujets qu’il faut tenter d’aborder sans effrayer le jeune, tout en respectant son intimité. D’autant qu’à chaque âge de l’enfant, les questions qu’il peut se poser ne seront pas les mêmes, ce qui conduit le parent à devoir également adapter son discours. Parler de sexualité ne signifie pas « tout dire ».

Que dire ? Comment le dire ? Lequel des deux parents doit en en parler ? Faut-il parler de notre propre sexualité ? Faut-il devancer le sujet ? Faut-il attendre que le jeune ou la jeune nous en parle…autant de questions que les parents peuvent se poser et auxquelles nous tenterons de répondre lors de cette intervention.

Le regard des parents
Par le trou de la serrure
Miguel-Ange Garzo

LORSQUE LEUR ENFANT DÉBUTE SA VIE SEXUELLE, LES PARENTS ONT DU MAL À TROUVER UNE JUSTE PLACE. INQUIETS ET CURIEUX, ILS OSCILLENT SOUVENT ENTRE BONS CONSEILS ET SURVEILLANCE.

Comme vous le savez tous, l’adolescence marque une étape majeure dans le développement de l’enfant. Cette étape peut être plus ou moins houleuse, et c’est pour cela qu’un certain nombre d’auteurs parlent de l’adolescence comme étant un moment de crise. Mais ne serait-il pas plus juste de dire que cette crise à l’adolescence concerne à la fois la crise de l’adolescent mais aussi celle des parents ?

Il y a bien crise, selon moi, parce que tous les protagonistes présents, au moment de l’adolescence d’un jeune, doivent faire face à des angoisses, à des deuils, le tout sous l’influence de pulsions. Peuvent se rejouer aussi des scènes du passé, des scènes chargées d’inquiétude. Nous pouvons prendre comme exemple celui des parents qui rentrent de la maternité et qui se demandent, penchés sur le berceau, ce qu’ils vont bien pouvoir faire face à cet inconnu qu’est le bébé. Et nous les retrouvons, environ une quinzaine d’années après, non plus sur le berceau, mais devant une porte de chambre fermée, avec souvent un sens interdit dessiné dessus, ces mêmes parents se demandant alors ce qu’ils vont bien pouvoir faire face à cet être inconnu qu’est leur bébé devenu adolescent.

C’est pour cela aussi qu’à cette période de la vie les liens d’amour et de tendresse deviennent parfois difficiles à gérer entre parents et adolescent. Comme sur une scène de théâtre, chacun doit trouver sa place sans cacher les autres acteurs, tout en restant à bonne distance. En d’autres termes, les parents doivent pouvoir garder un lien de tendresse avec leur adolescent tout en faisant en sorte de n’être ni trop proches, ce qui pourrait être vécu par l’adolescent comme trop intrusif, ni trop distants, ce qui serait alors vécu comme une sorte d’abandon. C’est bien d’une juste distance qu’il s’agit. Une juste distance qui permet alors au jeune de construire son intimité dans un cadre rassurant.

L’adolescence, avec l’entrée dans la puberté, est aussi la période de la vie qui marque le début de l’ère de la sexualité, qui peut être actée et non pas seulement pensée. C’est une phase décisive dans le développement du jeune, mais aussi dans le développement des parents. Le petit enfant devient grand, et son corps qui se transforme va lui permettre d’avoir une sexualité dite d’adulte, tout comme ses parents en ont une. Mais que se passe-t-il dans la psyché des parents à ce moment-là ? Que vient-il se rejouer de leur propre adolescence et de leur propre passage à une sexualité dite adulte ? En effet, la question de la sexualité reste bien souvent embarrassante pour les parents car elle les oblige à se confronter à leur propre vécu de l’intime et à leur propres représentations de la sexualité.
« Ce n’est pas à moi d’en parler »

Un certain nombre de parents ne peuvent imaginer parler de sexualité avec leur jeune. Ils préfèrent mettre à distance cette question. Nous le percevons très bien quand nous en entendons certains autour de nous dire, « Ce n’est pas à moi d’en parler. » Alors, souvent, c’est la mère qui en parlera. J’entends aussi certains parents dire, à propos de l’éducation à la sexualité, « Il y a l’école pour cela. » Au passage, notons une fois de plus, que certains parents attendent de l’école qu’elle soit un lieu unique d’éducation. Je me souviens d’une maman qui, lors d’une conférence-débat que j’animais sur le thème « Comment parler de sexualité aux jeunes ? », lance à l’assemblée que, pour elle, il semble impossible de parler de sa sexualité à son jeune. On entend combien cette mère se sent en difficulté face à cette question et que, pour elle, parler de sexualité signifie parler de sa propre intimité, de son propre vécu. Il y a aussi, sans vouloir cataloguer, d’autres parents que nous pourrions qualifier de « parents techniques », qui pensent que parler de sexualité signifie aborder les questions techniques liées aux rapports sexuels, tel ce père rencontré aussi dans une conférence-débat qui pensait que parler avec son fils de ce sujet signifiait lui faire un cours magistral sur les positions sexuelles. Petit lapsus du papa qui au lieu de nous dire qu’il voulait lui parler du Kamasutra, dit à l’assemblée qu’il allait lui parler d’« Ikea » ! Comme quoi tout est en kit ! Et puis, cet autre père qui racontait à ses enfants ses propres exploits sexuels vécus durant son adolescence.
Angoisse d’ados, angoisse d’adultes

La question de la sexualité est très souvent source d’angoisses pour les adolescents : angoisse de la première fois, angoisse de ne pas y arriver, angoisse quant au choix d’un objet, angoisse de l’inconnu… À cette angoisse vécue par le jeune peut venir aussi s’ajouter celle des parents. Angoisse qui, elle, peut être exprimée de différentes manières. Nous avons, par exemple, l’angoisse des parents autour des questions de santé et des risques d’infections sexuellement transmissibles. Un certain nombre de parents ne peuvent aborder la question de la sexualité que via l’argument sanitaire, avec des phrases comme : « Quand tu auras un rapport sexuel, tu dois utiliser un préservatif ! », sans expliquer comment on fait, bien entendu. Ou encore ne l’aborder que dans l’angoisse d’une grossesse non désirée. Soulignons que cette angoisse peut parfois être mise en lien avec une certaine angoisse de vieillissement des parents. En effet, en accédant à une sexualité génitalisée, les ados peuvent, en devenant parents eux-mêmes, pousser leurs propres parents dans la catégorie des grands-parents. On comprend bien dès lors combien toutes ces angoisses ne font que rendre les relations entre jeunes et parents encore plus explosives.

Comment peut faire un jeune pour arriver à découvrir sereinement la sexualité ? Cette sexualité qu’il percevait comme étant un fruit défendu et qui maintenant peut devenir un fruit accessible. Comment rester serein quand on se pose plein de questions et que les adultes vous parlent de la sexualité sous l’angle du danger et du risque ?

Certes, parler de sexualité signifie parler des risques pouvant être liés à la sexualité, mais cela signifie avant tout de pouvoir parler de plaisir et de création de liens avec l’autre. Comme le dit Daniel Marcelli, « avant tout, il faut lui [au jeune] parler de l’amour et du lien avec l’autre plutôt que d’informations techniques et pratiques. Il s’agit plus d’être amoureux que de faire l’amour. Le vécu et les sentiments dépassent l’acte sexuel et cette sacrée performance. »

Pour illustrer mon propos, j’avais envie de vous parler de Juan, 17 ans et originaire d’Équateur, que j’ai rencontré dans le cadre d’une activité que j’ai exercée pendant onze ans en tant que responsable d’un programme d’information et de prévention d’accès aux soins pour la communauté latino-américaine.

Sa mère prend contact avec moi. Elle souhaite que je reçoive son fils car, selon elle, il aurait un problème d’identité sexuelle. Comme j’ai aussi une pratique clinique et thérapeutique auprès de patients transgenres, je pensais qu’elle faisait référence à cela. Je reçois donc ce jeune homme, qui vient habillé en garçon, et qui m’explique que sa sœur aînée l’a surpris en train de regarder des vidéos pornographiques gays sur Internet. Je comprends donc que sa mère faisait référence à l’orientation, et non à l’identité sexuelle de son fils. Juan m’explique que, depuis que sa sœur a découvert les vidéos, la vie à la maison est devenue encore plus impossible. Très vite, ses parents n’ont cessé de lui parler du sida, faisant des raccourcis plus que rapides entre homosexualité et VIH et lui rappelant que son oncle homosexuel en était mort. Pour Juan, comme pour ses parents, la mort de l’oncle était due à l’homosexualité.

Ce jeune homme m’expliquera ensuite que, en effet, il se pose des questions depuis un certain temps et que ce n’est pas facile pour lui de savoir où il se situe. Avant tout cela, il se disait qu’il essaierait et qu’il ferait sans doute son choix. Mais, maintenant, comment faire ? Il se retrouve dans une situation avec, d’une part, sa propre angoisse face au choix d’objets et, d’autre part, cette angoisse de ses parents, lesquels associent la sexualité à une pathologie qui, dans tous les esprits, mène à la mort. Sexualité et mort sont donc réunies. La découverte de la sœur ne venait que confirmer un sentiment déjà existant chez les parents. Ces vidéos étaient la preuve par l’image de ce qu’ils ne voulaient ou ne pouvaient pas voir et, par conséquent, accepter.
Remue-ménage

Il me semble important de rappeler aussi que, lors de l’entrée de leur enfant dans l’adolescence, un grand nombre de parents vont être amenés à revivre de manière inconsciente, ou parfois pas si inconsciente que cela, leur propre adolescence. Peuvent resurgir alors les angoisses qu’ils ont eux-mêmes pu connaître durant leur adolescence.

Comme ce père d’un adolescent de 16 ans qui me dit être « très inquiet » de la première relation sexuelle de son fils. Très inquiet car il a peur que son fils ne soit pas « à la hauteur », pour reprendre ses propos, et que la fille se moque de lui. Père pris d’une angoisse si importante qu’il se demande comment faire pour lui donner les bons conseils, pour que son fils, je cite, « ne revive pas ce qu’il a vécu lui-même ». Cet homme est bien en train de revivre sa propre adolescence parallèlement à celle de son fils. Enfin, je dis « parallèlement », mais est-ce bien le terme le plus approprié, car les parallèles ne se croisent jamais, alors que les angoisses se croisent.

Ce remue-ménage suscité par la sexualité des adolescents ne pourrait-il être entendu comme un événement psychique permettant aussi à certains parents de devenir adultes ? Il est important de noter que, de nos jours, les adolescents ne manquent pas d’informations sur la sexualité. Les adultes, eux, semblent plutôt curieux, inquiets, parfois même envieux, devant les manifestations de la sexualité de leur ado. Les parents vont donc porter un regard bien particulier sur la sexualité de leur jeune. Un regard empreint de leur propre représentation de la sexualité et parfois également de leurs propres angoisses, comme nous l’avons vu. Ce regard peut être en décalage avec les questions que se pose le jeune. Il arrive que certains parents, trop anxieux, abordent la question de la sexualité avec leur enfant bien trop tôt dans le développement psychique de ce dernier.

Toutes ces attitudes parentales, sous prétexte de protéger le jeune, doivent être entendues comme l’expression de l’angoisse de certains parents. Ces derniers vont parfois « fantasmer » sur ce qu’il peut se passer dans la chambre de leur adolescent, dont la porte reste bien fermée – cette porte dont je vous parlais au début, avec le sens interdit. Cette porte fermée marque en fait le besoin du jeune de créer son propre espace, tant physique que psychique, mais qui peut être source de fantasmes pour les parents. Telle mère, lors d’un groupe de paroles au café de l’École des parents sur la question des addictions nous dit être allé voir par le trou de la serrure ce que faisait son fils de 19 ans, enfermé dans sa chambre avec une amie. D’autres parents du groupe – par chance pour moi –, la questionnent alors sur son comportement. Et à cela, elle nous répond : « Mais, c’était pour voir s’il se roulait des joints ! » Ne pas voir, mais risquer de pouvoir entendre. Ne pas voir et imaginer entendre… Cette construction fantasmatique des parents quant à la sexualité des adolescents ne nous fait-elle pas penser à la scène primitive et à ce que l’enfant imagine de ce qui se passe dans la chambre des parents, chambre dans laquelle il ne peut pénétrer mais qui devient source de fantasmes ?
figure im2

À l’adolescence, les parents désemparés face à cette porte fermée semblent vivre ce que l’on pourrait appeler une scène primitive inversée. En reprenant les réflexions de Laplanche et Pontalis sur la scène originelle, nous pourrions émettre l’hypothèse selon laquelle la scène du rapport sexuel du jeune sera observée, ou supposée d’après certains indices, et fantasmée par les parents. Fantasme et angoisse vont donc se mêler pour créer une représentation de la sexualité bien souvent éloignée de ce que vit véritablement l’adolescent. [1]
[1]Cf. Jean Laplanche et Jean-Bernard Pontalis, Vocabulaire de la…

En conclusion, il me semble important de souligner que lorsque nous, professionnels, sommes sollicités par des adolescents ou leurs parents sur des questions liées à la sexualité, nous devons toujours avoir en tête que l’adolescence est une période durant laquelle se rejoue une partie de l’enfance, et que c’est aussi une période durant laquelle se rejoue l’enfance et l’adolescence des parents. Nous devons avoir à l’esprit ces différents mouvements psychiques et faire en sorte de pouvoir séparer la représentation des parents de ce que vit réellement l’adolescent. Car, comme le disait Françoise Dolto, « un jeune individu sort de l’adolescence lorsque l’angoisse de ses parents ne produit plus sur lui aucun effet inhibiteur. »
Notes

Cairn Info

Mis en ligne sur Cairn.info le 23/12/2015
https://doi.org/10.3917/epar.602.0013

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