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La troisième guerre du Golfe n’aura pas lieu !

jeudi 6 juin 2019

Nous nous souvenons tous de « La guerre de Troie n’aura pas lieu » de Jean Giraudoux, œuvre désormais classique, trop ignorée des nouvelles générations, mise en scène pour la première fois en novembre 1935. On sait encore, vingt-sept siècles plus tard, comment se régla le contentieux entre Lacédémoniens et Troyens : par la destruction de Troie dans un bain de feu et de sang… Ruines d’où naîtront Rome et l’Occident. Un miracle qui n’est pas appelé à se reproduire dans le cas de guerres actuelles, qu’elles soient militaires, commerciales ou idéologiques. Des guerres de normalisation destinées à fondre les peuples, les identités et les souverainetés, dans le grand chaudron du mondialisme apatride, déraciné et nomade.

Cet Occident dont la date symbolique de la mort (avant une fort hypothétique renaissance ?) pourra à n’en pas douter, être fixée au crépuscule du 15 avril 2019 quand Notre-Dame, omphalos de la France, fille aînée de l’Église, s’embrasa fortuitement. Ce jour-là, avec l’effondrement d’une partie de sa voûte, partaient en fumée et en larmes de plomb fondu, nos dernières illusions (ou ce qu’il en subsistait), ne restait plus alors dans nos bouches qu’un amer et âpre goût de cendre. Nous pouvions dès lors méditer tout à loisir sur la somme des renoncements démocratiques et civiques, des lâchetés morales, des oisifs conforts intellectuels gavés d’opiacés audiovisuels, de conformismes politiques, de sidérant vide spirituel, tous ces abandons qui nous ont, presque en silence mais inexorablement, conduits jusque là. Jusqu’au point de non retour, peut-être jusqu’à la guerre ! Avec cet incendie prophétique annonciateur de grands malheurs à venir, avec cette clôture des temps, se dévoilait – sens premier du mot apocalypse - la fin de notre chrétienté, certainement appelée à se fondre dans un vaste mouvement d’animation spiritualiste et consumériste de la démocratie universelle comme se plaisait à désigner notre meilleur des mondes feu l’abbé de Nantes.

Toutefois ce qui menace aujourd’hui, dans l’immédiat et de façon pressante, est, nous le savons, un nouveau possible dérapage du néoconservatisme américain… ce monstre à têtes multiples, mâtiné de messianisme judéo-protestant et badigeonné d’internationalisme transgendérisé freudo-marxiste rongeant son frein à l’idée de rependre Haman et ses fils [1]. Marmite débordante d’où pourrait sortir à gros bouillons une autre sale guerre, après l’Afghanistan, l’Irak, la Libye et la Syrie (en attendant l’Algérie), cette fois avec le pays des Mollahs. Au reste, ces derniers jours, les discours belliqueux à l’encontre de Téhéran se faisaient à Washington sur un ton moins suraigu. Pourtant, outre les flottes de combat déjà sur zone, le Président Trump envoyait le 24 mai un supplément de corps expéditionnaire de 1500 hommes destinés soi-disant à protéger les unités américaines prépositionnées dans le Golfe… tout en déclarant ne pas vouloir la guerre ! Si vis pacem para bellum… devise prise ici au pied de la lettre, un peu trop même !

Faut-il pour autant croire ou espérer une désescalade dans la poudrière du Golfe alors que, nous l’écrivions la semaine passée, la guerre ne démarre pas forcément parce qu’elle serait inéluctable, mais bel et bien parce que l’on a décidé de la faire ? Dans un tel cas de figure, les États-Unis ne peuvent absolument pas se passer de l’Europe comme base arrière et pourvoyeuse de troupes supplétives… et encore moins de la France, seule puissance nucléaire de l’Union (le Royaume Uni n’étant que le dépositaire de vecteurs balistiques made in America) et unique nation européenne disposant d’une robuste force de projection. Or dans le pire des cas, il est loisible d’imaginer, compte tenu de ces données, que tout, tout sera fait par Washington pour entraîner volens nolens ses “alliés” – quelles que soient leur réticences – dans un affrontement dévastateur avec la République islamique d’Iran.

L’Amérique veut maintenir l’Union européenne sous son étroite tutelle

Le 18 avril dernier, un vote du Parlement européen de Strasbourg, créait un Fonds Européen de la Défense de 13 milliards d’euros afin de doter l’Union européenne d’une relative autonomie, en particulier dans le domaine de la recherche industrielle et scientifique relative à la sécurité collective. Une volonté d’indépendance stratégique qui inquiète évidemment Washington, les 27 étant accusés de « mettre en péril des décennies de partenariat transatlantique en matière de production d’armes, et de coopération militaire ». Soit, traduit en langage courant, de mettre en péril l’existence même des prérogatives et privilèges de l’OTAN… allant jusqu’à menacer à demi-mots les Européens de “représailles” s’ils devaient poursuivre la construction d’un force opérationnelle indépendante. En gros et en clair, les Américains veulent garder la mainmise sur la défense européenne, laquelle leur assure, à travers un vaste marché captif, un quasi monopole de vente sur certains armements et équipements… Une dépendance matérielle qui assujettit les Européens et les soumet à une étroite tutelle politique et militaire. Ajoutons que dans un contexte de guerre commerciale chaude - non seulement contre la Chine, mais également avec l’Union [2] - le discord s’accroît désormais également entre les deux rives de l’Atlantique, mais là n’est sans doute pas le plus grave…

Dans ce contexte d’éloignement tendanciel de l’Europe et de Brexit rampant (s’il sort de l’Europe, le Royaume-Uni, gardien vigilant des intérêts américain au sein de l’Union, ne sera plus là pour mettre son veto à toute velléité de timide souverainisme européen… et singulièrement dans le secteur de la Défense), la hantise du Département d’État est de voir se renouveler aujourd’hui (alors que la montée des tensions s’accélère au Proche-Orient), la pénible situation – punissable en outre au moyen de vicieux coups bas commerciaux - de 2003, quand la France, l’Allemagne et le Canada (on passe toujours ce dernier sous silence) avaient refusé de participer à la guerre d’agression contre l’Irak… lancée en parfaite transgression de la légalité internationale ! On sait également qu’en cas de conflit avec l’Iran, la fermeture du détroit d’Ormuz pourrait constituer un authentique casus belli impliquant l’engagement de l’Otan [3]… c’est à dire de la totalité de l’Europe dont les États sont tenus (pour ceux qui l’on ratifiée) par l’article V de la Charte atlantique, laquelle fait obligation à tous les membres de l’Organisation de la suivre le cas échéant dans sa course à l’abîme.

La guerre du Golfe III… Jeux & enjeux

On peut comprendre, qu’au regard de l’importance des enjeux géoénergétiques, géostratégiques, eschatologiques [4] liés à une guerre contre l’Iran, l’on puisse recourir à tous les moyens, même les plus radicaux, utiles entre autres à faire rentrer Paris dans le rang, c’est à dire à s’aligner sans barguigner sur l’axe de la guerre… et à s’y maintenir en dépit de la pusillanimité d’un président français qui, “Rome” étant en flammes, se rendit ce 15 avril 2019 sur les lieux du drame, bras dessus, bras dessous avec un Premier ministre indécemment rigolard.

Pour mémoire, déjà en 2017, M. Macron s’était imprudemment écarté de la ligne rouge tracée par Washington dans les Affaires du Levant… La ligne mortelle (dead line) de démarcation était alors relative au changement de régime en Syrie, M. Macron ne faisant plus du renversement du président Assad un préalable obligé, ceci au grand dam des tenants de la doctrine du “regime change”, c’est-à-dire du renversement de tous les systèmes nationalitaires et d’autorité faisant obstacle à la diffusion de l’idéologie fusionnelle libertaire, précurseur ou support de la démocratie anarcho-libérale [5] . Un an après des confidences intempestives relatives au sort réservé au président syrien (lequel n’a bien entendu aucune envie de voir s’achever sa carrière au bout d’une corde comme Saddam Hussein ou lapidé comme Mouammar Kadhafi), en juillet 2018, éclatait l’affaire Benalla par laquelle ses commanditaires mondialistes le clouaient au pilori de la mauvaise gouvernance… par le truchement de leur journal officiel “Le monde”.

Il est, dans ce dossier, assez difficile de supposer qu’un tel lâcher d’infos ou que ce type de déballage de la part des faiseurs de rois du quotidien vespéral, ait été le fruit d’une cascade de maladresses, d’un simple hasard et n’ait pas été une opération politique mûrement réfléchie décidée très haut quelque part du côté des oligarchies régnantes ? Cette piqûre de rappel a pu - à juste titre - sembler destinée à maintenir le bonhomme dans le droit chemin euratlantiste… Mais aujourd’hui, dans une conjoncture autrement cruciale, ce type de désagrément devenait très insuffisant dans la perspective d’un conflit ouvert avec l’Iran annoncé et préparé depuis près de deux décennies.

Au final, si M. Macron accepte sans barguigner le rôle qui lui est assigné, celui d’élève docile dans la classe de l’Oncle Sam, il se trouvera généreusement gratifié – par les bonne fées Coïncidence, Isochronie et Fortuitude, penchées sur sa molle couche d’enfant gâté - d’un merveilleux hochet susceptible d’inscrire son nom au Panthéon de la France reconnaissante par la reconstruction de Notre-Dame de Paris… L’un de ces « Grands travaux » à la mesure du gros Ego de notre petit marquis élyséen. Un chantier prestigieux qui plus est adossé au projet du futurama touristique des « Deux Îles ». Trump aura quant à lui, « Sa guerre »… un épisode inévitable autant que prérequis, marquant en Amérique la grandeur de toute présidence démo-républicaine. B. Obama ne dérogea pas à la règle, mais plus finaud, il conduisit sa guerre contre la Jamahiriya libyenne par le truchement des Français, des Anglais et des Italiens et pour le reste arrosa une partie du monde (Somalie, Zones tribales du Pakistan) avec les missiles de ses drones tueurs…

Déplorables erreurs d’appréciation

Alors que ces jours-ci convergeaient vers le Golfe les éléments d’une puissance de feu inégalée, les déclarations se multipliaient à Washington et à Tokyo (où D. Trump était en visite d’État) pour dire que l’Amérique ne veut pas la guerre et qu’il ne s’agit pour l’heure que d’un dispositif “défensif” (mais quel dispositif  [6] !) et que l’Administration américaine serait disposée au dialogue. « Une démarche dissuasive » comme tentait aussi (le 13 mai) de nous en persuader le quotidien israélien Yediot Aharonot [7]… Pourtant, au-delà d’enjeux énergétiques (l’Iran menacerait-il de fermer le détroit d’Ormuz s’il n’était lui-même menacé par un blocus pétrolier qui lui ferme toutes les portes à l’exportation ?) très concrets (à vrai dire, surtout des prétextes ou des rideaux de fumées), se trouvent des buts plus éloignés et d’une autre importance. Et parmi les objectifs poursuivis à long terme par le Département d’État, pensons par exemple au projet de confinement - dans une logique de guerre froide - de la Chine au sein de l’espace continental eurasiatique afin de limiter sa liberté de mouvement et d’expansion via les nouvelles Routes de la soie ! Une dimension qui échappe complètement à ceux qui se polarisent sur des défaillances dans l’analyse stratégique ou encore de supposés mauvais choix et erreurs d’appréciation quant à la résilience de l’adversaire (iranien) ou encore à propos de sa capacité à porter des coups sévères à une coalition arabo-américaine dans le cadre d’une éventuelle nouvelle guerre du Golfe. Certes les missiles des Pasdarans (Gardiens de la Révolution) font peser une menace tangible sur les bases séoudiennes, émiraties et sur les flottes de combat croisant dans les eaux faisant face aux côtes iraniennes.

Certains prédisent en effet, à l’instar du journaliste anglais (de gauche) Patrick Cockburn, que la guerre annoncée ne peut être pour les États-Unis qu’un cuisant fiasco parce que « depuis la révolution iranienne de 1979, à faire le point des crises et des guerres au cours desquelles les États-Unis et leurs alliés ont fatalement sous-estimé la motivation religieuse de leurs adversaires. Cela signifie qu’ils sont sortis perdants ou ont tout simplement échoué à s’imposer dans des conflits où le rapport de forces leur semblait pourtant très favorable » [8]. À ceci près la “faiblesse” des Américains – d’ailleurs doit-on parler de faiblesse là où il y a un comportement délibéré, calculé ? – ne procède pas d’une carence en expertise car pendant des décennies les jeunes gens de l’USAID [9] ont sillonné les zones chaudes de la planète, apprenant les mœurs, les coutumes et les langues des peuples non encore totalement tombés dans l’escarcelle impériale (dont évidemment le farsi). Mais gageons qu’à l’évidence l’information ne remonte pas – ou si peu - jusqu’aux centres décisionnaires qui refusent d’ailleurs d’en tenir compte… comme dans le cas des rapports circonstanciés du Bureau fédéral d’enquête (FBI) relatifs à la préparation des attentats de Manhattan du 11 septembre 2001.

Derrière cette erreur de jugement (de nature métapolitique) de la part de journalistes aguerris et d’universitaires renommés, se trouve toujours la tendance à penser le monde sur un mode étroitement rationnel, autrement dit avec un nombre de paramètres trop restreint et de faible pertinence. Aussi faut-il bien voir que les décombres et le chaos social, politique et confessionnel que laisse l’Amérique derrière elle (près de chez nous, au cœur de la dive Europe, n’oublions pas le Kosovo), là où le char de la démocratie est passé, relève plus du franc succès que de l’échec considéré… à condition de considérer la chose sous l’angle du Nouvel Ordre International, celui-ci ne progressant que sur la dislocation des nations. On voit singulièrement ce paradigme à l’œuvre en économie où le postulat de la rationalité des acteurs conduit à des raisonnements et à des prises de décision erronés… L’erreur majeure consistant à prendre ses désirs pour des réalités en négligeant les forces architectoniques au travail sous la surface visible des événements.

Le raisonnement de ¨Patrick Cockburn n’en est pas moins intéressant et mérite toute notre attention pour éviter quelques écueils dans l’analyse géopolitique : « Au moins à quatre reprises [les Américains se sont plantés]… au Liban après l’invasion israélienne de 1982, avec l’explosion un an plus tard [23 octobre 1983] de la caserne de la marine américaine à Beyrouth l’année suivante, au cours de laquelle 241 militaires américains ont été tués [simultanément 58 personnels français, parachutistes de la force multinationale, meurent dans l’attentat dirigé contre l’immeuble Drakkar] ; durant huit années de guerre entre l’Iran et l’Irak, de 1980 à 1988, les États occidentaux et sunnites de la région ont appuyé Saddam Hussein, avant de se retrouver dans une impasse. Puis après 2003, la tentative américano-britannique de transformer l’Irak d’après Saddam en un bastion anti-iranien a échoué de façon spectaculaire. De même, après 2011, des pays tels que l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie [soutenus par les États-Unis] ont tenté en vain de se débarrasser de Bachar al-Assad et de son régime en Syrie – le seul État arabe fermement ancré dans le camp iranien. Aujourd’hui, le même processus est en cours et risque d’échouer pour les mêmes raisons qu’auparavant : les États-Unis et leurs alliés locaux lutteront non seulement contre l’Iran, mais également contre des communautés chiites dans leur intégralité dans différents pays, principalement dans la partie nord de la région allant de l’Afghanistan à la Méditerranée ».

Entre rationalité & irrationalité

Bref, tous ces raisonnements en cours seraient donc bels et bons si la dimension géopolitique était trivialement “rationnelle”. La théorie probabiliste dite des jeux fait une large place au facteur humain, à ses passions, ses peurs et ses haines, ses changements d’humeur et de cap par essence et par avance difficiles à anticiper avec certitude. Le Pentagone calcule des risques, des coûts, des moyens, des pertes, il détermine des cibles, escompte des résultats, mais le déroulement des événements lui échappe, de même que la décision ultime… Textuellement M. Trump voudrait que l’Iran vienne à résipiscence sans coup férir… « que l’Iran rampe jusqu’à lui pour négocier une forme de capitulation » propos d’un diplomate européen que rapporte le 19 mai - avec gourmandise - le Journal du Dimanche. Au reste, même en faisant la part du bluff, l’on sait qu’il sera impossible de menacer indéfiniment et que, tôt ou tard, il faudra passer aux actes… Alors, sommes-nous parvenus au pied du mur ? Face à l’inconnu… en l’occurrence la part de risques non maîtrisés inhérente à une guerre régionale pouvant dégénérer en conflit nucléaire et à partir de là, se propager à l’échelle mondiale ! Parce que la crise actuelle se développe dans une région gravement malade depuis soixante-dix ans et que de crise en crise, les convulsions qui la secouent vont crescendo et s’accompagnent d’un inquiétant accroissement des tensions Est/Ouest… Tensions singulièrement palpables dans la crise syrienne, particulièrement ces jours-ci avec l’offensive russo-syrienne contre la poche djihadiste d’Idlib tenue par Hayat Tahrir Al-Cham, une branche d’Al-Qaïda…

En résumé, si l’on fait la part des passions dévorantes (et inavouées la plupart du temps) qui sous-tendent et animent les décisions de certains grands dirigeants planétaires, la guerre devrait normalement survenir de façon entièrement fortuite à l’occasion d’un incident de frontières comme il s’en est produit un le 13 mai avec les attaques dirigées en pleine mer contre deux pétroliers séoudiens, action faisant suite au sabotage de quatre navires commerciaux de diverses nationalités (dont un norvégien), au large du port émirien de Fujairah. Tout cela parce que l’Iran doit être détruit, parce qu’il s’agit d’une “théocratie nationalitaire” vouée à rentrer dans le rang du Marché mondial unifié. Ce n’est pas l’Islam en soi qui est visé, mais l’État-Nation, modèle et concept auquel la démocratie universelle, participative et décentralisée, a déclaré une lutte sans merci depuis 1945. La Nation est accusée de tous les maux, à commencer par le premier d’entre eux, la Guerre… Ce qui serait au demeurant plutôt l’apanage des démocraties, la Grande Amérique donnant le bon exemple avec quelque cent soixante guerres extérieures précédant 1940… guerres pour la plupart d’ingérence, d’annexion ou d’expansion [10] ! Pour aggraver le cas iranien, soulignons le caractère national-islamique (voire mystique) de l’Iran révolutionnaire. Ce pourquoi, nonobstant les procès d’intention relatifs à son programme nucléaire (blanchi par l’AIEA [11]) il est impératif de faire rentrer l’Iran - son arrogante indépendance n’ayant que trop duré - dans le rang des démocraties libérales, c’est-à-dire de rejoindre définitivement le Marché unique au sein du Système-monde. 

L’ultima ratio

La décision ultime ne sera donc pas technique (calcul rationnel) mais « politique » ! Il n’en demeure pas moins que la guerre n’est pas encore tout à fait inévitable : Curtis LeMay, l’homme de l’incendie de Tokyo, d’Hiroshima et de Nagasaki, n’est ainsi jamais parvenu à lancer la guerre nucléaire préventive contre l’Union soviétique qu’il désirait ardemment… même si ce sont les plus acharnés, c’est-à-dire les plus durs, qui finissent généralement par l’emporter… Fin renard D. Trump songerait néanmoins à limoger son chef du Conseil national de sécurité, John Bolton, faucon parmi les faucons. Toutefois celui-ci ne fait - au fond - que prolonger ou reprendre les propos tenus en des milliers de circonstances, à l’instar de ceux, en mars 2012, de Jacques Kupfer, co-président du Likoud mondial (le parti du Premier ministre israélien B. Netanyahou) et membre de l’exécutif de l’Organisation sioniste mondiale, qui entendait vitrifier l’Iran… pour la bonne raison qu’il ne croit pas aux solutions négociées ni même au bombardement conventionnel sur les infrastructures nucléaires iraniennes (un expédient qui ne serait « en rien la solution définitive »). Ce pourquoi il proposait judicieusement - en contrepartie - un usage non restrictif de l’arme atomique : « vitrifier l’Iran serait dans la lignée de la destruction justifiée de Hambourg et Dresde aux mains des nazis, de la destruction d’Hiroshima et Nagasaki aux mains des alliés japonais du Reich » !

Un discours qui n’a pas varié d’un iota et c’est bien cette extraordinaire continuité de la pensée et de la volonté qui constitue certainement l’un des plus sûrs indicateurs quant aux risques encourus par les peuples voisins du champ de bataille de l’Armageddon qu’Israël voudrait bien voir l’Amérique et l’Europe déclencher à sa place… parce que « l’Iran est certainement le péril le plus menaçant. Sa volonté désormais avérée, même pour les sceptiques, d’acquérir le nucléaire militaire, impose à Israël et à ce qui reste éventuellement du monde civilisé, une action défensive et préventive… entre l’Occident et le bloc soviétique l’équilibre créé par des armes de destruction massive était dissuasif pour les deux parties. Cette logique n’est pas applicable pour un pays musulman où n’existe aucune rationalité et où l’esprit d’analyse est embué par une religion-idéologie de conquête et de guerre… Une fois disparu le rempart que représente Israël pour la défense d’un occident émasculé et inconscient, l’invasion de l’islam pourra régler le sort de l’Europe anciennement judéo-chrétienne ».

Discours qui oppose le camp des civilisés à la barbarie, notons que nul à l’époque ne s’est risqué à répondre à M. Kupfer ou bien à nuancer ses analyses à l’emporte pièce ? Au pays de Descartes, l’examen critique du monde qui nous entoure ne fait désormais plus partie des programmes de ce joyau hexagonal qu’est à n’en pas douter l’Éducation nationale, pas plus que les politiques invités à commenter au cours de la soirée du dimanche 26 mai, les résultats des élections au Parlement européen, n’ont jugé bon (y ont-ils d’ailleurs même songé) a évoquer d’un mot les risques et périls qui entourent et menacent la sublime démocratie européenne. Sans doute eut-ce été trop leur demander.

Léon Camus -27 mai 2019

Notes

[1Cf. « Le rouleau d’Esther » vingt-et-unième livre de la bible hébraïque. Esther, maîtresse du roi de Perse, Assuérus, le persuade de faire pendre le grand vizir Haman ainsi que tous ses fils. Massacre à l’origine de la fête annuelle de Pourim.

[2Après la guerre de l’aluminium et de l’acier (mai 2018), la Maison-Blanche menace depuis début avril l’UE de mesures de rétorsion d’ici l’été si elle ne mettait pas fin aux aides de la Commission à Airbus Industrie. Selon le président Trump : « l’Organisation mondiale du commerce indique que les subventions de l’Union à Airbus pénalisent » les États-Unis à hauteur de 11 milliards de dollars (9,7 milliards d’euros) d’échanges commerciaux chaque année ».

[3La fermeture du détroit d’Ormuz est impensable or la tension sur zone monte de jour en jour : quatre pétroliers saoudiens ont été la cible d’opérations de sabotage dans le port émirati de Fujaïrah et des drones ont survolés des stations de pompages de pétrole en Arabie. Les rebelles houthis du Yémen, soutenus par Téhéran, ont revendiqué l’attaque. De son côté l’Iran a déployé ses missiles balistiques et de croisière, le grand ayatollah Ali Khamenei a appelé le Corps des gardiens de la révolution et l’Armée à être prêts à répondre aux scénarii du pire. Les ÉUA ont annoncé un nouveau déploiement de missiles antiaériens Patriot et ont prépositionné des bombardiers B-52 au Qatar. Le département d’État vient d’autoriser la vente de 60 systèmes de missiles Patriot Advanced Capability 3 (PAC-3) et de 100 missiles Patriot Guidance Enhanced-Tactical (GEM-T) aux Émirats pour un montant de deux milliards de dollars. La guerre est toujours quelque part une bonne affaire !

[4Cent à deux cent millions d’évangélistes et de judéo-chrétiens à travers le monde, notamment en Amérique, pensent que le conflit ultime, celui de la fin des temps, permettra au peuple juif de se rassembler sur le sol d’Israël, ce qui déclend-cera le retour pour les uns ou la venue pour les autres du Messie.

[5Notons que pour que tout soit permis et toutes les déviances autorisées voire encouragées, il devient nécessaire d’exercer une féroce police de la pensée et une répression impitoyable de tout comportement ou argumentaire pouvant remettre en question le nouvel ordre établi et son intransigeante morale. La liberté des uns est l’enfermement des autres, mais désormais dans une logique de l’inversion ou du renversement de l’ordre moral antérieur.

[6Selon le Pentagone, les États-Unis disposeraient actuellement de quelque 70 000 soldats dans la zone couverte par le Centcom (dont 14 000 en Afghanistan, 5 000 en Irak, et environ 2 000 en Syrie). Le 5 mai le porte-avions américain USS Abraham Lincoln, le navire de guerre USS Arlington, une force de bombardiers B-52, ainsi que des systèmes de missiles Patriot arrivaient sur zone. Le 24 mai ce sont 1500 personnels supplémentaires de renfort qui auront été acheminés.

[7« Les dernières nouvelles » ce quotidien israélien est publié depuis 1939 à Tel-Aviv alors sous mandat britannique.

[8Patrick Cockburn The Independent – Londres - 17 mai 2019

[9« L’Agence des États-Unis pour le développement international » est née en 1961, elle est dotée d’un budget de 27,2 milliards de dollars, (réputée indépendante vis-à-vis du gouvernement américain tout en œuvrant sous la supervision de la présidence, du Département d’État et du Conseil de sécurité nationale !), elle est en charge du développement économique et de l’assistance humanitaire dans le monde.

[10Le 14 juillet 2012, la Secrétaire d’État Hillary Clinton, très sûre d’elle-même, faisait observer au ministre égyptien des Affaires étrangères qu’au cours de ces « 236 années d’existence les État-Unis [avaient] partout défendu la démocratie ».

[11Chargée de vérifier sur le terrain l’application par l’Iran de l’accord de 2015 signé àVienne, l’AIEA a toujours attesté le bon respect de ses engagements par Téhéran qui de sorte limité ses réserves d’eau lourde à 130 tonnes, celles d’uranium enrichi (UF6) à 300 kg tout en renonçant à enrichir de l’uranium à plus de 3,67 %. https://www.lepoint.fr/monde/accord...

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