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Justice pour la Syrie

Léon Camus

vendredi 26 février 2016

« La plus élémentaire des justices, la première, est de ne plus couvrir d’un voile de vertu les criminels féroces qui cherchent à détruire au nom de l’intolérance la Syrie tolérante. »

Exit M. Fabius, l’homme aux mains couvertes de sang, et pas seulement de sang contaminé par le VIH. Il fut en effet le grand artisan de la guerre livrée à la Syrie laïque sous couvert de faire bénéficier ce pays des joies immenses de la démocratie universelle. Le régime qu’appelait de ses vœux ardents le grand philanthrope Fabius est en réalité celui dans lequel les minorités - ici alaouite, chrétiennes, druze, chiite, ismaélienne - auraient été placées sous la botte des sunnites majoritaires, de facto sous la coupe des Frères musulmans, ces islamistes protégés, parrainés, armés par la Turquie - plus discrètement aussi par l’État hébreu dans le Golan - avec la bénédiction de cette grande amie des migrants qu’est Mme Merkel, ex agent de la Stasi dit-on, à la façon de l’ancien président polonais Lech Walesa. On sait par ailleurs comment Ankara traite ses propres minorités kurde… et alévie le jour où celle-ci se manifestera. La question des chrétiens est elle définitivement réglée, plusieurs millions d’entre eux, Arméniens, Syriaques, Chaldéens, Grecs orthodoxes ont été passés au fil de l’épée et les plus chanceux expulsés, si bien que la Turquie actuelle peut respirer librement en n’en comptant guère plus que deux cent mille.

Donnons ici la parole à un expert, l’ambassadeur de France Michel Raimbaud [1] à propos de ces sanctions qui étranglent le peuple syrien et motivent les candidats à l’exil…

« En Syrie, les « punitions » occidentales… visent à mater un peuple résistant et à le forcer à accepter la fatalité d’un changement de régime, ou bien à l’amener à fuir ou à déserter…Quitte à saigner le pays de sa jeunesse déjà formée, de ses cadres aspirant à vivre mieux dans un climat de paix… Quitte à faire de ces réfugiés un peuple de mendiants, à la merci des trafiquants de toutes spécialités : en témoignent ces femmes et enfants installés la nuit au coin des boulevards parisiens par des équipes inquiétantes. Depuis cinq ans, nos politiciens combinards, nos journalistes complaisants, nos intellectuels perdus ou dévoyés participent, à quelques exceptions près, à l’énorme conspiration du mensonge qui fait passer la Syrie souveraine et légale pour usurpatrice et massacreuse, et ses agresseurs et leurs parrains, orientaux ou occidentaux, pour des libérateurs révolutionnaires. Outre l’horreur et l’effroi que soulèvent les images de cette guerre sauvage, comment ne pas avoir la nausée devant l’aveuglement, volontaire ou non, de nos élites qui préfèrent donner du crédit aux mensonges de leurs alliés et protégés criminels plutôt qu’aux témoignages innombrables des victimes qui désignent sans ambiguïté leurs bourreaux ? Comment ne pas avoir la nausée devant cette complicité assumée, à peine camouflée par une omerta systématique ? Comment enfin ne pas frémir devant cet aplomb et cette bonne conscience bétonnée de nos faiseurs d’opinion ? »

« La solution ne consiste pas à accueillir en Europe les réfugiés que l’on a d’une façon ou d’une autre créés en alimentant la guerre universelle d’agression et le djihad en Syrie. Il faut lever immédiatement, sans délai et sans conditions, les sanctions qui sont destinées à briser tout un peuple. Il faut mettre fin à la guerre et non en décupler l’impact par les moyens minables, sournois et iniques que sont les sanctions à la mode occidentale. Il faut rendre justice à ce peuple martyrisé et humilié. Et la plus élémentaire des justices, la première, est de ne plus couvrir d’un voile de vertu les criminels féroces qui cherchent à détruire au nom de l’intolérance la Syrie tolérante. Elle implique également de ne plus cautionner les impudeurs des maîtres fouettards qui punissent en toute impunité avec la morgue des arrogants. Assez de mensonges, assez d’hypocrisie, assez de leçons »  [2].

Sur le front de la guerre globale

Alors qu’un accord [3] de cessation des combat autrement appelé « trêve » doit intervenir dans les jours prochains – accord négocié directement entre le Kremlin et la Maison-Blanche – les forces terroristes de l’ÉI se sont cruellement rappelées à l’ordre ce dimanche 21 février par une atroce série d’attentats : Homs, troisième ville du pays, a subi sa plus dure hécatombe depuis 2011 avec 59 morts selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Environ une heure après, intervenait un double attentat à la voiture piégée à Sayeda Zeinab, localité située à 5 kilomètres au sud de Damas qui abrite le très saint sanctuaire chiite qu’est le mausolée de Zineb, née d’Ali et de Fatima, fille aimée du Prophète, causant la mort de 83 personne [Agence Sana], 96 victimes pour l’OSDH.

Le fauve enragé du terrorisme malmené à Alep par la coalition syro-russo-iranienne, laquelle poursuit son avance vers l’est et notamment vers le chef lieu de l’État islamique, Raqqa, veut à l’évidence montrer qu’il peut encore mordre et cela au cœur même des villes tenues par le gouvernement baasiste [AFP]. Pendant ce temps-là, Ankara bombarde violemment, par dessus sa frontière, avec son artillerie lourde, depuis le jeudi 18, les zones aux mains des irrédentistes kurdes dans la partie nord de la province d’Alep. Ces tirs dévastateurs visent principalement le bastion kurde d’Afrin, et non plus seulement les zones reprises récemment par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition arabo-kurde dirigée par les Unités de protection du peuple kurde, les YPG [Ibid.]. La province d’Alep est ainsi maintenant partagée depuis la frontière turco-syrienne entre divers protagonistes : les djihadistes modérés chers à M. Fabius sont au nord, talonnés au sud par les Kurdes, les forces syro-iraniennes en contrôlant la partie sud, alors que les wahhabites de l’État islamique tiennent encore certaines positions à l’est [Ibid]. Notons que les Kurdes syriens du PYD, le Parti de l’union démocratique, implanté au nord-est syrien, viennent d’ouvrir à l’invitation du président Poutine, une représentation à Moscou, le 17 février. À Ankara, le sultan Erdogan grince des dents et ne décolère pas d’autant que le même jour, le 17, un attentat à la voiture piégée dans le centre de la capitale turque visait des véhicules militaires causant au moins 18 morts [ibid.AFP].
Or d’après Europol entre 3000 et 5000 terroristes de l’État islamique seraient maintenant sur le sol européen, entrés à l’occasion des vagues migratoires que l’UE subit actuellement avec la complicité active de sa classe dirigeante [nouvelobs.com21fév16]. Au même moment les ÉUA ouvraient un troisième front en bombardant des positions de Daech en Libye… Ahmed Kadhaf al-Dam, ancien général de l’armée libyenne et cousin de feu Mouammar Kadhafi : « La Libye, un pays autrefois stable et sûr, est maintenant en ruines, alors que sa population est forcée de fuir son foyer… la Libye est devenue le centre du banditisme, du vol et du pillage… Les terroristes ont été livrés en Libye par avion sous les yeux de l’Occident qui leur offrait une couverture aérienne. L’Occident, avec ses missiles et ses navires de guerre, protégeait ces bandits quand ils sont arrivés en Libye en 2011, en s’abritant derrière les bannières de l’islam » [sputniknews.com17fév16].

On l’a bien compris l’histoire se répète indéfiniment et comme le chien revient à son vomis, les occidentalistes reviennent aujourd’hui tenter d’éteindre en Libye le feu qu’ils y avaient allumé puis transporté en Syrie. Cela s’appelle un aller-retour. Grandiose politique des maîtres occultes du monde et de leurs sicaires bureaucratiques façon Fabius & Cie. Merci à eux, les peuples d’Europe et d’orient reconnaissants.

Notes

[1« Le mensonge, la nausée et les sanctions » 22 février 2016. Michel Raimbaud, Ambassadeur de France et ancien directeur de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), homme marqué à gauche n’est ni un excité ni un ambitieux déçu.

[2comite-valmy.org22 fév16

[3La situation très complexe sur le terrain rend difficile la mise en application d’un accord acceptable par l’ensemble des protagonistes. Deux conversations téléphoniques ont eu lieu le 21 février au soir entre le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et le Secrétaire d’État américain John Kerry, avec pour objet de finaliser les conditions d’un « cessez-le-feu » en Syrie. Reste que la trêve qui était censée intervenir vendredi 19 février en vertu d’un accord international couvert par Moscou et Washington était restée lettre morte.

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