
Tsipras le réactif
De tout évidence le chef de Syriza, Alexis Tsipras, réagit vite : quelques heures après la fin du scrutin il transformait l’essai en passant une alliance de gouvernement avec le Parti des Grecs indépendants, formation dite souverainiste présentée comme euro-sceptique, dont les treize sièges permettent à Syriza de disposer de la majorité parlementaire absolue. Reste que si les deux mouvements ont en commun un refus catégorique de l’austérité, tout par ailleurs les sépare, notamment la question de la permissivité migratoire… option prônée par Tsipras qui s’est complaisamment affiché au bras d’une migrante africaine sans papiers. Un choix sociétal qui a tout pour séduire les idéologues européistes viscéralement hostiles à toutes frontières, morales comme physiques, mais est par définition totalement contradictoire avec quelque aspiration de restauration nationale que ce soit. Bref cet étrange collage de la carpe et du lapin ne peut que laisser perplexe ! On peut aussi en déduire que Syriza sous des dehors casse-système, en est l’une des expressions les plus sournoises et les plus achevées… l’internationalisme prolétarien se confondant avec l’hyper capital sans patrie ni attaches.
Et puis ce ne sont pas de simples intentions, des mots creux, presque incantatoires, style « politique économique alternative », qui vont sortir les Grecs de l’ornière. Que Tsipras - le premier des Premiers Ministres qui ne prêtera pas serment sur les Évangiles mais sur la Constitution parce qu’il est un athée revendiqué - peut-il faire ? Renégocier la dette pour allonger les délais de remboursement, obtenir une réduction des taux [1] ? Mais jusqu’où et dans quelles mesures, alors que la dette atteint 175% du Pib ? Il y aura certes des abandons de créances mais pas sur la totalité des 240 milliards d’€ qui ont été avancés à Athènes par la Troïka, Fmi/Bce/Bruxelles.
La dette grecque n’est pas une si mauvaise affaire
Il est vrai que l’argent sorti des poches des Allemands y revient en grande partie sous forme d’achats d’armements – la Grèce a l’un des budget militaire les plus élevés d’Europe en raison de son agressif voisin Turc [2] – et de voitures de luxe destinées, entre autres, aux nomenklaturistes des successives bureaucraties au pouvoir. Au demeurant Tsipras, pour rassurer les créanciers de la Grèce, et par voie de conséquence « les marchés », a annoncé sa ferme volonté de ne sortir ni de l’Euro ni de l’Union. Pas plus que de déclarer un moratoire unilatéral sur la dette ou de d’en dénoncer certaines composantes comme scélérates, ce que firent quelques pays en faillite au cours des dernières décennies [3].
De ce seul point de vue Tsipras est un européiste comme les autres, qui ne se démarque en rien de ses collègues socio-libéraux ou conservateurs. Aussi a-t-il été assez jubilatoire de voir comment en France, à gauche comme à droite, l’on s’est félicité, et même chaudement congratulé, de la victoire à Athènes de cette gauche de la gauche ! Mais après tout la Bce ne fabrique-t-elle pas en ce moment même des quantités phénoménales d’euros dont la valeur n’excède pas celle du papier sur lequel les billets sont imprimés ? C’est évidemment avec cette monnaie de singe que les caisses grecques seront renflouées. M. Tsipras ne doit pas en douter, sûr qu’il est de se faire en la circonstance le comparse choyé de la bureaucratie mondialiste enkystée à Bruxelles.
Tout le monde sera content, les banques continueront de toucher leurs intérêts, les marchés à se gaver, les États prêteurs à se sucrer au passage, le patrimoine industriel sera toujours et encore tranquillement vendu à l’encan – tout comme celui des Français d’ailleurs – et les Grecs pousseront un immense soupir de soulagement après cinq longues années de vaches maigres. Mais sur le fond rien ne sera résolu. Ce nouveau tour de passe-passe parviendra cependant, espérons-le, à relancer la machine économique et la croissance… pour un temps ! Mais rien ne changera quant au déficits structuraux dont soufre la Grèce [4]… et l’Europe du Sud en général.
26 janvier 2015