Geopolintel

EDF : les français et les actionnaires dindons de la farce McKinsey

mardi 14 février 2023

EDF est nationalisé selon les déclarations du gouvernement.
Mais comment nationaliser une entreprise détenue à 84% par l’Etat ?
C’est une bêtise sans nom qui ne nous surprend pas vu que Bruno Le Maire, notre Hermès national, aurait déjà mis à genoux l’économie russe...
C’est McKinsey qui a piloté le projet Hercules, encore un nom de divinité grecque, pour le revendre à Total.
Maintenant l’Etat n’est plus tenu de rendre des comptes aux actionnaires, cette décôte boursière est une OPA au rabais, le prix de l’action est fixé à 12 euros alors que son prix d’introduction en 2005 était de 32 euros.
La saga EDF est l’histoire d’un fiasco réalisé par des voyous au profit d’autres voyous.

OPA sur EDF : n’apportez pas vos titres à l’État !

L’État propose 12 euros pour le rachat des achats EDF.

En novembre 2005, les pouvoirs publics introduisaient en Bourse le géant de l’énergie au prix de 32 euros l’action. Aujourd’hui, il veut lui faire quitter la cote, en payant seulement 12 euros par titre. Le compte n’y est pas et les actionnaires ont le pouvoir de dire « non ».

C’est une nouvelle bataille du pot de terre contre le pot de fer, celle d’actionnaires minoritaires d’Électricité de France (EDF) contre la puissance publique, qui entend les exproprier à bas prix.

Mais ce combat, qui a déjà commencé sur le terrain juridique, pourrait bien tourner à l’avantage des premiers. Car les porteurs d’actions du « leader mondial des énergies bas carbone », comme il se plaît à se définir, ont en main une carte maîtresse, celle de pouvoir refuser – sans risque – les avances de l’État français.

Tours de passe-passe

C’est devenu, hélas, un grand classique en matière financière. Une société mère introduit en grande pompe – et au prix fort – sa filiale en Bourse, en faisant assaut de séduction auprès des particuliers. Puis, dès que le vent tourne, elle la fait sortir, en rachetant les titres à vil prix. Après Euro Disney (entrée à 11 euros en 1989, sortie à 2 euros en 2017) et Natixis (entrée à 19,55 euros en 2006, sortie à 4 euros en 2021), c’est maintenant au tour d’EDF, poids lourd de la cote (46,6 milliards d’euros) et ex-valeur de l’indice CAC 40 de 2005 à 2015, de faire l’objet de ce tour de passe-passe.

Dans sa déclaration de politique générale, prononcée le 6 juillet dernier à l’Assemblée, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé en effet « l’intention de l’État de détenir 100% du capital d’EDF », autrement dit de renationaliser l’entreprise créée au sortir de la Seconde Guerre. « La situation géopolitique impose des décisions fortes pour assurer l’indépendance et la souveraineté énergétique de la France », explique alors le ministère de l’Économie et des Finances. En devenant le seul actionnaire, EDF aurait ainsi la « capacité de mener de manière accélérée plusieurs chantiers décisifs […], notamment le programme de construction de six réacteurs de technologie EPR2 d’ici 2050. »

Primes faussement attractives

Cette décision surprise n’a pas soulevé de franche opposition chez les investisseurs, mais les moyens pour y parvenir ont déclenché l’ire des actionnaires minoritaires, qui détiennent encore près de 15% du capital. Annoncée le 19 juillet et confirmée le 4 octobre, l’offre publique d’achat simplifiée est en effet libellée à 12 euros par action et à 15,52 euros par obligation convertible ou échangeable en actions (Océane). À l’évidence, il s’agit d’une OPA au rabais. Le prix est très inférieur à celui retenu pour l’introduction en novembre 2005 (32 euros pour les particuliers, 25,60 euros pour les salariés d’EDF) et se situe à des années-lumière de celui payé en décembre 2007 (82,20 euros), lors du placement d’une tranche supplémentaire de 2,5% du capital.

Certes, le prix de 12 euros par action fait ressortir une prime de 53% sur le cours du 5 juillet dernier (veille de l’annonce par la Première ministre) et une prime de 45,7% sur la moyenne des 60 dernières séances précédant cette date. Mais ces primes, en apparence attractives, ne sont que la résultante d’un calcul arithmétique par rapport à des cours plombés par les décisions de l’État actionnaire, dont certaines font l’objet de plaintes.

Décisions lourdes de conséquences

Qu’on en juge : distribution de dividendes en situation de cash-flow négatif (dénoncée par la Cour des comptes) obligeant EDF à s’endetter, participation au plan de sauvetage d’Areva au bord de la faillite en 2017, fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim le 30 juin 2020, vente à prix cassé d’une partie de sa production d’électricité nucléaire à ses concurrents dans le cadre du dispositif Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique), plafonnement des tarifs réglementés à 4% en 2022 (sans le bouclier tarifaire, ils auraient dû être relevés de 35%), sans parler de la construction contestée des EPR britanniques d’Hinkley Point. La liste est longue.

Or, ces décisions purement politiques sont lourdes de conséquences pour le groupe EDF, notamment le plafonnement tarifaire et la vente à perte d’une partie de sa production. Dès la mi-janvier 2022, l’ancien président, Jean-Bernard Lévy, l’a d’ailleurs dénoncé – il a été remplacé, le 23 novembre, par Luc Rémont. Le 9 août, après une analyse juridique et eu égard aux dommages subis, l’électricien a ainsi déposé un recours contentieux auprès du Conseil d’État et une demande indemnitaire pour un montant de 8,3 milliards d’euros. Soit 1,6 fois le bénéfice net part du groupe réalisé en 2021 (5,1 milliards).

Étrange concours de circonstances

La Bourse a bien sûr pris acte de cette cascade de décisions peu favorables à l’entreprise : le cours d’EDF tournait ainsi autour de 8 euros avant l’annonce de la renationalisation, alors qu’il évoluait entre 16 et 22 euros, de l’été 2013 à l’été 2015. Et, par un étrange concours de circonstances, c’est le moment choisi par l’État pour lancer son OPA, avec le cas échéant un retrait obligatoire, c’est-à-dire une expropriation des actionnaires rétifs, s’il venait à détenir au moins 90% du capital et des droits de vote à l’issue de l’offre (la loi du 22 mai 2019, dite loi Pacte, a abaissé en effet le seuil fatidique de 95% à 90%).

Les actionnaires attendaient donc avec impatience – sans grande illusion toutefois – la décision de conformité de l’AMF et le rapport de l’expert indépendant, le cabinet Finexsi, qui atteste du caractère équitable du prix proposé aux minoritaires. Ils n’ont pas été déçus. L’AMF a donné son feu vert, en rappelant, par la voix de sa nouvelle présidente, Marie-Anne Barbat-Layani, qu’elle ne fixe pas le prix de l’offre, mais examine si toutes les conditions, notamment de contre-expertise, ont été respectées.

Recours devant la Cour d’appel

Le cabinet Finexsi, de son côté, a examiné notamment les différents points litigieux soulevés par des actionnaires : absence de référence aux cours historiques, non prise en compte de certaines méthodes de valorisation (DCF et actif net réévalué), réajustement du coût de la dette jugé trop élevé, intégration de la totalité de la demande indemnitaire, cessions éventuelles d’Edison et d’actifs au Brésil, etc. Mais tous ces points ne l’ont pas conduit à modifier son appréciation du prix d’offre, qu’il juge équitable.

Le 2 décembre, un recours devant la juridiction compétente, la cour d’appel de Paris, a donc été porté par Energie en actions (association des salariés et anciens salariés d’EDF) et par l’Adam, association présidée par Colette Neuville (lire les interviews ci-contre). Le but : annuler la décision de conformité de l’AMF et demander un sursis à exécution. Avec l’objectif in fine d’obtenir un prix au moins égal à 15 euros par action. Dans l’attente de la décision sur la demande de sursis, l’offre, qui devait se clore initialement le 22 décembre – soit trois jours avant Noël –, est donc prorogée sine die.

Vague d’intox sur le Web

Entre-temps, à la faveur du franchissement du seuil des 90% de droits de vote par l’État, certains organes de presse ont conclu hâtivement que l’OPA était « un succès » et que le gouvernement pouvait « demander un retrait obligatoire ». C’est méconnaître le droit boursier, et l’AMF a tenu à remettre les pendules à l’heure. « La condition pour la mise en œuvre du retrait obligatoire est que les actionnaires minoritaires ne représentent pas plus de 10% du capital et des droits de vote. Cette condition n’est à ce jour pas remplie », a-t-elle rappelé le 2 décembre, l’État ne détenant en effet que 86% du capital.

Il n’empêche, cette information erronée a circulé plusieurs jours sur de nombreux sites et, sur la foi de ces informations, certains actionnaires ont décidé d’apporter leurs titres à l’offre. Autrement dit, les principes d’égalité de traitement, de transparence et de loyauté n’ont pas été respectés. Compte tenu de la nature exceptionnelle de l’événement, il serait logique que le caractère irrévocable des ordres d’apport soit levé. En attendant une décision en ce sens de l’AMF, les autres actionnaires doivent conserver leurs titres. Si le recours en justice aboutit, le prix de l’OPA pourrait être réévalué. S’il échoue, l’État mettra en œuvre le retrait obligatoire au prix initial, mais sans frais de négociation.

Entretien avec Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam)

« Le juste prix est de 15,42 euros par action »

Vous estimez que le prix de 12 euros par action proposé par l’État pour retirer EDF de la Bourse de Paris n’est pas assez élevé. Quel serait selon vous le juste prix de cette opération ?

Je pense que l’État n’aurait pas dû privatiser EDF en 2005. Le gouvernement a été amené à prendre des mesures d’intérêt général favorables aux consommateurs, à l’instar du bouclier tarifaire par exemple. Mais ces décisions politiques ont fait dégringoler le cours de Bourse d’EDF. Ainsi, le cours de l’action n’aurait pas dû figurer dans les critères retenus pour valoriser la société. Je suggère donc que l’on reparte à la case départ en redonnant aux actionnaires le montant de la valeur de la privatisation, moins les dividendes reçus sur la période. C’est ce que j’appelle une opération blanche. Cela correspond à un prix de 15,42 euros par action.

Vous contestez aussi la manière dont l’indemnité de 8,3 milliards d’euros réclamée par EDF à l’État a été prise en compte dans le prix de l’offre…
Cette indemnité vise à compenser le préjudice subit par EDF en raison du relèvement par l’État des volumes de l’Arenh. Je me suis battue tout l’été pour qu’on ajoute ce montant à la valorisation de la société. Mais, à 12 euros par action, l’État soutient que le prix actuel de l’offre intègre déjà le montant de cette indemnité qu’il a estimé à 1,48 euro par action. C’est une arnaque pure et simple. Si on divise le nombre d’actions total d’EDF par 8,3 milliards, cela donne 2,15 euros par action.

Vous avez déposé un recours contre la déclaration de conformité de l’AMF. Vous pensez avoir une chance de gagner en justice contre l’AMF ?
Oui bien sûr. Je vous rappelle que j’ai déjà gagné deux fois dans le passé. Lors de l’OPE de Schneider Electric sur Legrand en 2001 et en 2005 en obligeant Carrefour à lancer une OPA sur Hyparlo.

Que recommandez-vous aujourd’hui aux actionnaires d’EDF ?

Ils ne doivent pas apporter leurs titres à l’offre. Et surtout qu’ils prennent garde aux avis envoyés par les banques. Ces documents sont parfois rédigés de telle sorte que les destinataires ne comprennent pas qu’ils ont le droit de ne pas apporter. Et si au bout du compte on ne gagne pas notre recours, il y aura le retrait obligatoire à 12 euros, mais sans frais.

Entretien avec Hervé Chefdeville, secrétaire général d’Energie en actions

« Le prix unitaire de l’offre devrait être relevé à 16,95 euros »

Pourquoi l’association Energie en actions, qui regroupe des actionnaires d’EDF, conteste le prix de 12 euros par action proposé par l’État ?
La perte de valeur d’EDF, et donc la baisse du cours de Bourse depuis l’ouverture du capital, est due pour une grande partie aux décisions de l’État. C’est pourquoi nous avons déposé le 31 août une plainte au pénal pour mise en difficulté de l’entreprise. Se baser sur la situation actuelle de l’action pour valoriser l’entreprise n’a donc pas de sens. En outre, les évaluations faites tant par l’État que par le cabinet Finexsi sont fondées sur des hypothèses de prix de l’électricité particulièrement défavorables à EDF. Nous avons demandé que l’ensemble des manques à gagner imputables à l’État soient pris en compte dans la valorisation.

C’est-à-dire ?
Energie en actions estime à 15,1 milliards d’euros, soit environ 3,88 euros par action, la somme des manques à gagner imputables à l’État. Ce montant aurait dû, a minima, être ajouté au prix de l’offre publique d’achat simplifiée initiée par l’État.

Quel est selon vous le prix qu’il aurait fallu retenir ?
L’État devrait proposer au moins 9,5 milliards d’euros pour acquérir les actions des minoritaires, soit un prix minimal de 15,03 euros par titre. Afin d’assurer un bilan équivalent sur la période pour l’État et les actionnaires minoritaires au prorata de leur part actuelle au capital, il faudrait même que le prix unitaire de l’offre soit relevé à 16,95 euros.

Propos recueillis par Hubert Couëdic

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site