Geopolintel

Chronique de la thèse officielle IV

lundi 11 mai 2009

Des semblants de réponses à des semblants de questions

Le procès continue, réglé comme du papier à musique ; on a bien compris que tel un gros navire sur son erre, rien ne l’arrêtera. La thèse officielle, celle du chlore de piscine, qui fut mise sur orbite en mars 2002 peu après la parution de l’article d’Annie Souriau aux CRAS (comptes-rendus de l’Académie des Sciences), jette sur ce procès son ombre toujours plus étendue, plus froide et plus oppressante.

Pour l’heure, toute une série d’hypothèses ont été examinées, et pour chacune d’elles, un ou plusieurs spécialistes ont déposé à la barre, sous l’œil vigilant des gardiens de la thèse officielle. Ainsi avec un sérieux comique, a été longuement évoquée l’hypothèse d’une météorite venue ravager le pôle chimique : or la probabilité d’un tel événement ce jour-là, en ce lieu-là et à ce moment-là est inférieure à 10^(-15), c’est-à-dire à un sur un million de milliards !

En réalité, elle est encore plus insignifiante, puisqu’il faudrait expliquer comment une telle météorite a pu provoquer tout ce qui est arrivé. Car pour être admise à une des augustes audiences du procès, l’hypothèse doit montrer patte blanche : il est bien entendu que la météorite ne peut être tombée que sur le hangar 221 d’AZF ; ce qui divise encore la probabilité par un facteur 10, et surtout, force à ignorer tous les événements antérieurs à ladite explosion, notamment dans l’usine voisine SNPE. Ce sous-entendu n’est jamais explicité, mais est omniprésent dans le procès, comme il l’a été dans l’enquête officielle.

Les hypothèses concurrentes de la thèse officielle ne sont donc envisagées que bien serties dans des scénarios où tout commence dans le hangar 221 d’AZF et où tout en découle : c’est le laisser-passer obligé pour que le tribunal daigne s’y pencher. Les amateurs de science-fiction auront été comblés : une foule d’hypothèses non-standard auront été évoquées devant le président Le Monnyer. Mais presque aucune n’était nouvelle. Cette grêle de suppositions était préparée de longue date.

Retour vers le futur

Ici, une fois de plus, il nous faut revenir sur la gestation de ces hypothèses tous azimuts, que nous pouvons appeler les hypothèses officielles, car nous allons le voir, elles ont servi de faire-valoir à la thèse officielle. C’est dans les folles semaines entre le 21 septembre 2001 et la Noël 2001 qu’elles ont été méthodiquement lancées dans le public, grâce à une maîtrise magistrale et à un contrôle total des pouvoirs médiatiques.

Voici les principales :

1) le processus de maturation lente : Etalé sur 80 ans, non précisé, d’une croûte d’ammonitrate durcie sur le sol du hangar 221. Il aurait culminé ce 21 septembre 2001 à cause d’un vent d’autan humide (alors qu’en général, à Toulouse, il est sec...), et cette humidité aurait déclenché la réaction finale au terme de ces 80 ans.

2) les produits organiques contenus dans le tout-venant de 80 cm d’épaisseur entre la dalle de béton du sol du hangar 221 et le sol proprement dit. Ces produits auraient fermenté de longues années, jusqu’à ce jour-là où cette fermentation aurait entraîné la catastrophe. Cette théorie nécessitait que la dalle du sol du hangar 221 soit dégradée. Qu’à cela ne tienne, elle devait l’être, donc elle l’avait été ! Peu importe que des pans entiers de cette dalle, assez durs pour avoir résisté à l’explosion, aient été retrouvés à proximité du cratère, étonnamment durs et cohérents ; peu importe que l’entrepreneur qui avait rénové en 1995 ce béton autour des poteaux métalliques du hangar ait été retrouvé, qu’il se soit souvenu que la dalle était en si bon état que son remplacement intégral s’était avéré inutile, et qu’il se soit rappelé avoir eu un mal de chien à défoncer cette dalle au voisinage des poteaux : elle devait être dégradée, donc elle l’avait été ! effritée à 100%, amalgamée au tout-venant...

Ces produits organiques : des bouts de bois anciens, des vestiges compostés de vieilles feuilles mortes, de la vieille urine de bestioles.

3) la poche de méthane sous le hangar 221 : Pour des raisons non précisées, cette poche de méthane, apparue on ne sait quand ni comment, se serait réveillée et activée ce jour-là sous l’effet du vent d’autan. Pourquoi et comment ? Mais par négligence, tout simplement !

4) la vieille bombe de la guerre de 14 : Juste sous le hangar 221 (très important : toujours sous ce hangar !). Pour une raison indéterminée, ce jour-là, elle aurait explosé. Toujours à cause des négligences : les chefs d’AZF, dans leur insouciance coupable, ont oublié de déminer le sous-sol du hangar 221 avant de le construire !

5) variante de l’hypothèse 4 : La bombe non pas de la guerre de 14, mais de celle de 40. Juste à côté d’anciens arsenaux, très crédible !

6) le goudron : Ici, le sol du hangar 221 devait être ni bétonné, ni en terre battue mêlée de béton décomposé, mais goudronné. Pas de problème ! Il devait avoir été goudronné, donc il l’avait été. Et ce vieux goudron, au fil des ans, se serait intimement mélangé à l’ammonitrate pour finir par l’amorcer. On cherchait un hydrocarbure, là il était tout trouvé : le vieux goudron du sol du hangar ; boosté par le vent d’autan humide...

7) les fuites d’huile du manitou : Servant à remuer l’ammonitrate du hangar 221 (dans le jargon de l’usine, le Chouleur, acronyme familier de Schuller, marque de cet engin). Les médias officiels, d’un seul chœur, nous expliquèrent, quelques jours durant, que ce chouleur, vieux et déglingué, laissait fuir l’huile de partout, et que cette huile avait sûrement pu amorcer le tas d’ammonitrate : on tenait enfin les hydrocarbures responsables de tout ! Hélas, en réalité, le chouleur était flambant neuf, acheté depuis à peine plus d’un an, et équipé de récupérateurs d’huile ultra-modernes, si bien qu’en cas de fuite, pas une goutte n’aurait pu atteindre le sol ou les murs du hangar. Ce qui n’empêcha pas cette nouvelle hypothèse officielle de vivre sa vie normalement, jusqu’au bout...

8) l’acide sulfurique : De vieux bidons contenant une certaine quantité de vieil acide sulfurique auraient traîné dans ce hangar, à cause des négligences. L’un d’eux aurait été renversé par accident, et par un processus non précisé entre l’ammonitrate et le SO4H2, le hangar aurait sauté. Des employés d’AZF étrangers au hangar fatal furent interrogés, on leur demanda s’ils avaient vu traîner des vieux bidons d’acide sulfurique n’importe où dans l’usine AZF, du papier d’enquêteur fut noirci et alla nourrir la pile des 7000 pièces du dossier qui impressionnait tant les journalistes du 20 heure, puis aussi brusquement qu’on en avait assourdi les médias, on n’entendit plus parler d’acide sulfurique...

9) la météorite : Cette hypothèse connut un sort différent des autres : un sort du type serpent de mer ou monstre du Loch Ness. Elle ne fut jamais relayée à grand fracas par les médias, mais elle émergeait de temps en temps, avant de replonger dans un oubli calculé, pour réapparaître furtivement un peu plus tard. Elle servait à écarter les soupçons de missiles : une météorite se sublime partiellement dans son trajet aérien avec émission de lumière vive, sous l’effet du frottement avec l’atmosphère terrestre (de quoi rassurer tous ceux qui avaient vu dans le ciel des sillages lumineux suspects) et son noyau dur résiduel, par son impact dans le hangar 221, en faisait, ma foi, un candidat honorable à l’amorçage de l’ammonitrate...

Ces hypothèses, sauf la dernière, étaient chaque fois traitées de manière identique : un beau matin, généralement un lundi, les chers auditeurs étaient réveillés par une nouvelle sensationnelle, présentée en premier dans toutes les stations de radio, sur un ton dramatique : on venait enfin de comprendre ce qui s’était ’’certainement passé’’ dans le fameux hangar 221 d’AZF. Le scénario, avec des voix chargées d’émotion, était longuement exposé, et le scoop se terminait par l’interview d’un responsable d’AZF (souvent Jacques Mignard), qui tentait d’exprimer ses doutes mais était à peine écouté tant les journalistes grillaient d’excitation.

A raison d’environ une hypothèse par semaine, ces pseudo-scoops ont permis d’arriver à Noël 2001 sans jamais évoquer l’usine SNPE ni la première explosion, dont la pseudo-explication sismique commençait à circuler dans les milieux ’’bien informés’’ mais n’avait pas encore pris son essor parce que l’article d’Annie Souriau aux CRAS n’était pas encore paru.

La Gare de Perpignan

Eh bien, ces hypothèses ont été réactivées ces jours-ci au cours du procès : dans sa grande objectivité, le tribunal les a toutes examinées, et en a même étudié quelques autres, notamment l’hypothèse des ’’UVCE’’ et celle d’un ’’acte de malveillance’’. Examen qui n’avait qu’un seul but : les démolir toutes, en faire un hachis chaotique dénué de sens d’où seul émerge, saine et sauve, toujours debout, la thèse officielle. Ainsi tout se tient, quand on a bien assimilé le partage des rôles : aux enquêteurs officiels le soin de concocter des hypothèses officielles, au tribunal la tâche du jeu de massacre d’où ne doit réchapper que la thèse officielle. Jeu de massacre sans mérite et sans gloire, vu l’inanité de ces hypothèses officielles conçues pour être sacrifiées sur l’autel de la vérité officielle ! Au final, le tribunal affecte d’être ouvert à toutes les hypothèses, même les plus farfelues ; qu’y peut-il si ces hypothèses qui lui sont présentées sont ridicules ? Malgré toute sa bonne volonté, il est bien obligé de les démolir ! Mais le public qui gobe tout sans mot dire, mais la Défense qui ne réagit à rien, qu’aucune incongruité ne réveille, mais les journalistes qui ne critiquent rien, ne voient même pas que si le tribunal ne fait qu’une bouchée de toutes ces hypothèses non-officielles, c’est parce qu’en quelque sorte, c’est lui, le tribunal, qui les a présentées à lui-même ! En somme, le tribunal est ouvert à toutes les hypothèses, mais à condition que ces hypothèses émanent de lui et s’inscrivent dans le moule de la thèse officielle : le moule du hangar 221, cause de tout, début et fin de tout. De même que pour Dali, tout converge vers la gare de Perpignan, dans le procès d’AZF, tout doit converger vers le hangar 221.

L’arbre des hypothèses officielles cache la forêt des questions judiciairement incorrectes.

Le temps infini passé à pérorer sur l’impossibilité de ces hypothèses justement choisies pour ça, qu’une simple pichenette accompagnée d’un grand éclat de rire suffirait à balayer, sert à ne pas examiner les vraies questions. En somme, le tribunal veut bien répondre à des questions, mais à condition de les avoir posées lui-même, par enquêteurs interposés. Un simple début de liste des questions qu’il a refusé d’examiner le prouve :

  • Pourquoi, depuis le début de l’affaire, aucun chimiste de haut niveau, jusqu’au sommet de l’échelle scientifique, n’a-t-il jamais voulu cautionner la thèse officielle ?
  • Pourquoi d’impressionnantes colonnes de fumées ou flammes, hautes de plusieurs centaines de mètres, se sont-elles élevées du site SNPE dans les dix secondes précédant l’explosion du hangar 221 ?
  • Pourquoi la première explosion a-t-elle été entendue par des automobilistes en train de rouler (donc séparés du sol par des pneus) si ç’avait vraiment été un bruit arrivé par le sol ?
  • Pourquoi les tuiles métalliques neuves recouvrant le château d’eau du Génie Chimique, à moins de 700 m du hangar 221, sont-elles tombées en grand nombre juste au moment de la première explosion et bien avant l’arrivée de l’onde de choc de la seconde ? Pourtant, depuis plus de trois ans qu’elles étaient en place, aucun vent n’en avait détaché une seule !
  • Pourquoi des témoins intérieurs à l’usine AZF n’avaient encore pas reçu l’onde de choc de l’explosion du hangar 221 à plus de 10 h 18 min 2 secondes, comme en font foi les relevés téléphoniques d’AZF pour le 21 septembre 2001 ?
  • Pourquoi la SNPE n’a-t-elle jamais fourni ses relevés téléphoniques du 21 septembre 2001, et pourquoi ces relevés n’ont-ils jamais été demandés par les enquêteurs officiels ?
  • Pourquoi les disques durs de l’informatique SNPE n’ont-ils servi à rien, alors que ceux de l’usine AZF, au moins aussi éprouvée, ont été retrouvés et ont fourni des informations ?
  • Pourquoi un témoin clé, peu après sa comparution devant le SRPJ de Toulouse, a-t-il été contacté chez lui, un soir, par un haut cadre de la SNPE qui lui demandait de revenir sur ses déclarations ? Et comment ce cadre avait-il eu connaissance de cette déclaration, alors couverte par le secret de l’instruction ?
  • Pourquoi un autre témoin clé a-t-il bizarrement bénéficié de véritables petits cours de sismologie, par des personnes restant à déterminer, qui l’ont convaincu que deux bruits d’explosion pouvaient provenir d’une seule ?
  • Pourquoi le SRPJ de Toulouse a-t-il dissuadé plusieurs témoins clé de déposer, malgré la demande qu’ils en avaient exprimé le jour même ou le lendemain de la catastrophe ? (’’On a déjà des témoignages dans ce sens, ce n’est pas la peine de vous déranger’’. Variante : ’’On a des films de toute la catastrophe, on n’a pas besoin de témoins comme vous’’).
  • Pourquoi la gendarmerie de Portet sur Garonne a-t-elle dissuadé un autre témoin clé de déposer alors qu’il désirait le faire l’après-midi même du 21 septembre 2001 ? (’’on a beaucoup de témoignages identiques au vôtre... inutile de vous déranger, ne venez pas’’).
  • Pourquoi un certain expert officiel, qui se reconnaîtra, s’est-il permis, sur place, d’exercer ouvertement des pressions inadmissibles sur des témoins clé lors des reconstitutions générales organisées par le juge d’instruction Perriquet le 11 mars 2003 ? Et pourquoi le dit juge n’a-t-il réagi que du bout des lèvres à ces honteuses pressions ? (’’Vous dites que vous étiez là, mais non, vous étiez là’’ (déplacement de l’expert de plus de dix mètres), ou encore : ’’Vous dites que vous avez vu ces fumées là, et moi je vous dis que vous les avez vues là’’ (l’expert prend le bras du témoin et le change de direction d’au moins 45 degrés).
  • Pourquoi un certain policier, qui se reconnaîtra, a-t-il tout mis en œuvre afin de modifier les dépositions des témoins embarrassants pour la thèse officielle ? (Modification de la durée perçue par le témoin entre les deux explosions ; modifications des passages essentiels des attestations initiales ; intimidations du témoin : ’’vous savez, une attestation judiciaire, ça ne vaut rien, seule votre déposition ici, avec moi, a une valeur’’ ; refus de marquer sur la déposition tous les passages où le témoin affirme avoir vu, entendu ou ressenti des phénomènes impressionnants plusieurs secondes avant l’arrivée de l’onde de choc d’AZF ; etc).
  • Pourquoi le tribunal ne tient-il aucun compte des résultats écrasants des reconstitutions du 11 mars 2003, qui justifieraient à eux seuls que le procès soit repris à zéro ?
  • Pourquoi dès le début d’octobre 2001, un mail étrange a-t-il été envoyé depuis l’OMP à nombre d’administrations ou entreprises d’état (SNCF, EDF, hôpitaux, aéroports, etc.), à tous les organes de presse écrite du grand Toulouse, à toutes les télévisions locales et à des centaines d’universitaires, dans lequel était expliqué, en quelques lignes, comment, d’après les sismologues de l’OMP, une unique explosion pouvait engendrer deux bruits d’explosion bien séparés ?
  • Pourquoi JB, le principal ingénieur d’EDF, chargé par son entreprise de couvrir la catastrophe au niveau national, longuement entendu à de nombreuses reprises par le juge Perriquet, auteur de nombreux rapports techniques pointus, en particulier sur les datations des événements de la SETMI, n’a-t-il pas pu témoigner au procès ?
  • Pourquoi le tribunal a-t-il suivi ses experts dans leur rejet des datations des événements de la SETMI sous prétexte de leur insuffisante précision, alors que l’ingénieur JB d’EDF a démontré, preuves matérielles à l’appui, qu’on connaissait ces datations à 1/10 de seconde près ?
  • Pourquoi le tribunal refuse-t-il d’admettre qu’une incertitude de 1/10 de seconde était d’une finesse plus que largement suffisante pour conclure ? Ce n’est là qu’une infime partie des questions que le tribunal ne veut pas examiner. Il préfère les questions qu’il s’est posées à lui-même... il préfère donc écouter les longues démonstrations des spécialistes qui nous prouvent avec un luxe de détails, de longues après-midi durant, que les moulins à vent repérés à l’automne 2001 par les enquêteurs officiels étaient bien des moulins à vent...

Une similitude éloquente

Le tribunal n’est pas seul à privilégier les questions qu’il pose lui-même, par enquêteurs officiels interposés. Les auteurs du rapport de l’OMP à la DRIRE ne sont pas en reste ! Nos lecteurs pourront consulter ce rapport en cliquant ici. Publié le 26 septembre 2001 sous la signature collective des sismologues de l’OMP dirigés par Annie Souriau, il a servi de fondation première à la thèse officielle, sur la base des ’’premiers témoignages recueillis’’, dont nous avons déjà parlé. On n’insistera jamais assez sur le rôle capital joué par ce rapport de l’OMP à la DRIRE : car c’est lui qui frappe les trois coups de la caution scientifique à la thèse officielle. Dès sa parution, les experts officiels ne cesseront de s’y référer, reproduisant des paragraphes entiers du rapport dans la presse écrite, les citant à tout bout de champ dans les médias, sans jamais en donner la référence précise (qui reste aujourd’hui encore inconnue du public, et on se demande qui l’a lu en entier parmi les avocats de l’Accusation et de la Défense...). Ces experts confondront volontiers ce rapport à la DRIRE avec l’article d’Annie Souriau aux CRAS, mélangeant artistiquement des extraits de l’un et de l’autre en s’appuyant sur l’autorité réputée incontestée des ’’sismologues’’ : circulez, et pas de discussion ! La science a parlé !

Ce rapport à la DRIRE a été analysé au microscope par le physicien Alain JOETS, l’homme qui a réfuté l’hypothèse d’Annie Souriau sur l’origine sismique des deux explosions, dans la revue même où elle avait publié, début mars 2002, son article accepté par les CRAS.

Alain JOETS a rédigé des notes sur ce rapport. Le lecteur peut les consulter en cliquant ici. Les auteurs procèdent exactement comme les enquêteurs officiels : ils commencent par des considérations générales banales et d’allure objective, puis poursuivent en imaginant un public curieux qui pose des questions. Mais ces questions, ce sont eux, les auteurs, qui les posent, d’où un jeu de questions-réponses où les auteurs se répondent à eux-mêmes, tout comme les enquêteurs officiels avec leurs thèses officielles.

L’examen attentif de ces questions-réponses est riche d’informations sur la désinformation organisée dès les premiers jours suivant la catastrophe. Que nos lecteurs en jugent !

Les auteurs ont fait poser au public fictif quatre questions.

Question 1 : les multiples arrivées d’ondes enregistrées par le sismomètre au rebut dénotent-ils une multiplicité d’événements ?

Question 2 : les arrivées des ondes P1 et P2 sur le sismomètre au rebut dénotent-ils deux événements ?

Question 3 : les auteurs rappellent que de nombreux témoignages relatent deux ’’bang’’, puis demandent si ces deux bang peuvent s’expliquer par une explosion unique.

Question 4 : les auteurs demandent si une trace sismique d’une seconde explosion est observée sur le sismogramme. Aux deux premières questions, les auteurs répondent NON. A la troisième question, les auteurs répondent OUI, et une argumentation à prétention scientifique est donnée, avec production d’un tableau des délais qu’il faut avoir mesurés, suivant l’endroit où on les a entendus, entre les deux bruits d’explosion, pour qu’ils proviennent d’une seule explosion. A la quatrième question, ils répondent NON. Si après cela, le lecteur moyen n’a pas compris qu’il n’y a eu qu’une seule explosion et que les sismologues, du haut de leur autorité, l’ont scientifiquement démontré, c’est qu’il ne sait pas lire un rapport ! S’il n’est pas content, qu’il aille s’attaquer aux délais donnés dans le tableau ! Facile, non ?

Nous ne voulons pas abuser de la patience de nos lecteurs, aussi nous bornerons-nous, pour l’instant, à démonter quelques-unes des supercheries de ce rapport.

A) La gradation des questions

La question 1 est très claire, rien à dire, elle met le citoyen moyen en appétit. Rappelons que la question est censée émaner du grand public, donc d’une personne profane en matière de sismologie. Ce profane est donc réputé avoir eu l’enregistrement sous les yeux et y avoir détecté de multiples arrivées d’ondes, ce qui suppose de sa part un minimum d’heures de formation : il faut savoir que le sismomètre enregistre des ondes, quel type d’ondes, et il faut être capable de détecter plusieurs primo-arrivées de telles ondes... pas mal pour un profane ! Ce n’est donc pas tout à fait un profane, mais plutôt un profane éclairé. Ce qui élimine d’emblée 95% de la population grand public. Autrement dit, les questions n’émanent pas du grand public, mais d’une étroite fraction du public, des 5% pourvues d’un minimum de bagage scientifique. Que sait-on des ondes si on n’a pas suivi au moins une section S ou T de Lycée classique ou technique ?

Donc les réponses des auteurs ne s’adressent nullement au grand public, mais seulement à la petite fraction du public capable de se poser des questions et qui aurait été troublée par la perception de deux explosions.

D’autre part, la question 1 parle d’ ’’événements’’. Donc, chaque arrivée d’onde correspondrait à un événement. Quel événement ? Les auteurs, à ce stade, ne le disent pas. Tremblement de terre ? Crash d’un avion ? Catastrophe ferroviaire ? Effondrement d’un immeuble ? Attaque armée par armes lourdes ? on ne sait pas...

La question 2 semble tout aussi claire que la première. Pourtant, ça se complique : dans la question 1, le public fictif était censé savoir détecter, sur un sismogramme, des primo-arrivées d’ondes. Dans cette question, il est censé savoir reconnaître des types d’ondes sismiques particuliers : les ondes P, et il est censé avoir convenu que le sismogramme en montre deux arrivées, et pas une ni trois ni un autre nombre. Donc notre public fictif, entre les questions 1 et 2, a suivi des cours de formation accélérée... Et les auteurs continuent à parler d’événements, avec cette précision : le public est censé avoir repéré que la lecture du sismogramme ne lui laissait le choix qu’entre un ou deux événements Notre public profane éclairé, s’il se sent un peu perdu à la fin de cette question-réponse 2, sait tout de même qu’il s’est produit des événements insolites, que les enregistrements de l’OMP peuvent laisser supposer au béotien moyen qu’il se serait peut-être produit deux événements, mais que non, les sismologues de métier le lui disent : malgré P1 et P2, il n’y a eu qu’un événement. La question reste pendante et devient angoissante : quel événement ? Patience ! La question suivante est là pour ça !

La question 3 répond dans son énoncé même à la plus angoissante question : ces événements, c’étaient des explosions ! Notre profane éclairé, déjà conditionné par les deux premières réponses et savamment guidé par les auteurs, ne se pose pas ici la question de fond : pourquoi des explosions ? Des sismologues étudient plutôt, en principe, des ondes sismiques engendrées par des séismes naturels ; or des ondes sismiques anormalement fortes, il en arrive des milliers chaque minute dans les milliers de sismomètres installés un peu partout dans le monde ! Et ces sismomètres, même rudimentaires, sont capables de détecter des séismes survenus à des milliers de km de leur site d’installation. Donc pourquoi ces mystérieux événements évoqués questions 1 et 2 doivent-ils obligatoirement avoir été des explosions ? Et quel type d’explosion ? Les auteurs ont donc tout de suite vu qu’il s’agissait d’explosions ? Comment l’ont-ils vu, sur ce simple sismogramme ? réponse : cette question-là n’est pas posée par les auteurs, donc ils n’ont pas à y répondre ! D’autant plus que le 21 septembre 2001, ils n’étaient pas à Toulouse, mais à 100 km de là, dans les Pyrénées.

En revanche, les auteurs vont déployer toute leur science pour démontrer que cet événement déjà repéré comme unique dès la question 2 n’a pu être qu’une unique explosion. C’est là qu’ils vont récidiver dans le subliminal, en produisant leur tableau des durées entre les deux bruits d’explosion compatibles avec la théorie d’une unique explosion. Ils expliquent que si la durée mesurée entre les deux bruits d’explosion ne dépend pas du lieu où on les entend, c’est qu’il y a eu deux explosions, mais que si cette durée croît proportionnellement à la distance à ’’la source’’, alors il n’y a eu qu’une explosion.

Dans le contexte de la catastrophe de Toulouse prévalant en ce début d’octobre 2001, avec la préparation d’artillerie massive des médias sur ’’AZF, le cratère, le cratère, AZF et encore AZF et encore le cratère’’, la source, point n’est besoin de le préciser à notre profane éclairé, ne peut être que le hangar 221. Et le ’’raisonnement’’ qui étaie cette réponse à la question 3 sous-entend que s’il y a eu deux explosions, elles ne peuvent avoir eu lieu qu’au même endroit : le hangar 221, encore lui ! Pas besoin de l’expliciter, l’essentiel n’est pas là, il est dans ce tableau qui accapare toute l’attention du profane éclairé. S’il conteste, qu’il s’attaque à ce tableau, il est attendu avec une grosse matraque par les auteurs, qui savent bien que personne ne pourra mesurer a posteriori des délais de quelques secondes, et qui savent bien que si d’aventure on en mesurait quelques-uns, rien ne cadrerait avec aucune des deux éventualités envisagées pour construire ce tableau. puisque les deux explosions, dans la réalité, ne se sont pas produites au même endroit....

La question 4 met le point final à ce micro-trottoir virtuel :

Les sismologues, avec tout le sérieux conféré par leurs belles blouses blanches, ont tranché doctement : non, il n’y a qu’une trace sismique d’explosion, pas deux. Dès lors tout colle :

Une seule explosion, forcément à AZF (le cratère !), une seule trace sismique, et notre profane éclairé n’a plus qu’à retourner dans ses foyers.

B) les faux-fuyants d’Annie Souriau

Mais les impertinents résistants tombés, étant petits, dans la potion magique de l’amour de la vérité, ne se sont pas laissés intimider par le rapport de l’OMP à la DRIRE. Ils ont posé des questions, leurs questions, de vraies questions de vrai public.

Annie Souriau n’a pas aimé du tout du tout ! Elle a commencé par refuser de répondre, malgré deux lettres RAR. En substance, elle a répliqué, avec une pointe d’ironie : ’’si vous n’êtes pas content, vous pouvez très bien publier un contre-article pour contester le mien aux CRAS, dans Geosciences’’. Pas facile ! (pas facile mais Alain JOETS l’a réussi, et comment !).

Mais ce refus était trop injuste pour que le juge Perriquet refuse au pr. Arnaudiès la confrontation avec Annie Souriau qu’il demanda. Cette confrontation se déroula plus de quatre heures le 6 février 2003 et ne tourna pas, c’est le moins qu’on puisse dire, à l’avantage de la sismologue... qui se déclara incompétente pour les questions les plus embarrassantes (elle se déclara incompétente en acoustique, malgré son tableau des durées entre les deux explosions dans son rapport à la DRIRE), et répondit évasivement à la plupart des autres.

Le pr. Arnaudiès lui fit notamment poser la question suivante :

Pourquoi, dans votre rapport à la DRIRE, n’avez-vous pas envisagé l’hypothèse de deux explosions survenues à des endroits différents, qui aurait été compatible avec une certaine variabilité des durées mesurées entre les deux bruits d’explosion en fonction de la position du récepteur par rapport à leurs sources ? Elle répondit sans hésitation ’’parce que cette hypothèse ne me servait pas à démontrer ce que je voulais démontrer’’. Quel aveu ! tout commentaire serait superflu...

Plus tard, elle tenta de minimiser le mauvais effet de cette réponse en ajoutant ’’il me semblait physiquement évident que les deux explosions n’avaient pu avoir lieu que dans le hangar 221 ! Je n’avais pas à me poser cette question, ça coulait de source !’’ Tout ce qui précède se trouve dans le dossier de ce procès, à condition de bien l’y chercher.

Mais qu’importe ? Aux audiences, on continuera à parler du sexe des anges...

La rédaction Geopolintel

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